Un été, une chanson, une idée venue de chez Des pas perdus.
La gare de Nantes...
Onze heures, il arrive à la gare de Nantes, la cafét du musée ne sert qu'à partir de midi.
Une petite heure en tramway, pourquoi pas ?
Il obtient un ticket du distributeur après plusieurs infructueux essais, la rame arrive, il observe, le désert, seule une jeune passagère, il s'assied en face d'elle.
Elle l'a vu venir, elle a sorti de son cartable un livre, elle est absorbée dans sa lecture.
_ Vous savez, mademoiselle, dit-il en prenant le livre entre deux doigts légers et en le retournant délicatement, c'est déjà un peu difficile à lire dans ce sens, et à l'envers, c'est illisible.
Ils vont ensemble jusqu'au terminus en devisant. Elle se prépare pour les épreuves de son bac A2 dans quelques semaines. Elle est bilingue anglais-français depuis qu'elle a écouté en boucle et appris par cœur les chansons des Beatles six ans auparavant, en 6e. Elle présente en seconde langue vivante le russe.
Ils prennent le tramway du retour jusqu'à la gare, ils montent vers le musée en passant par le jardin des plantes où ils marquent une pause en s'installant sur un banc écarté, le gardien veille, le voyageur passe en mode russe, le gardien ne peut suivre le dialogue et passe son chemin.
Ensuite, ils se donnent rendez-vous à la gare de Nantes. Il est toujours le premier arrivé, il attend. Qu'attend-il ?
Jacques Higelin, La rousse au chocolat, 1976 – Jeanne Cherhal et Jacques Higelin à la Cigale, 13 novembre 2004