Óttar Martin Norðfjörð, Le sang d'Odin (Sólkross, Óttar Martin Norðfjörð, 2010), traduit de l'islandais par Róbert Guillemette, Prisma, 2013
Óttar Martin Norðfjörð
Né en Islande en 1980, d’un père islandais et d’une mère tchèque, Óttar Martin Norðfjörð vit actuellement en Espagne. Il est philosophe de formation. Il a publié des recueils de poésie et des romans.
Ce 21 mars, quand le bureau de Baldur, archéologue controversé, est transformé en site sacrificiel, la police convoque Embla Thöll sur les lieux. Avec son compagnon Adam Swift, elle se lance dans une quête dramatique qui les entraîne dans un monde de trahison, de haine et de secrets farouchement gardés, et qui plonge ses racines dans l’époque de l’invasion des Vikings norvégiens.
Cette folle poursuite au milieu d’églises séculaires et de temples perdus, entre mythologie norroise et temps modernes, leur permettra-t-elle de résoudre toutes les énigmes ?
Prologue
Les rayons du soleil qui effleuraient le sommet du glacier blafard venaient se poser sur le visage buriné de Ketill Hængur. Une nouvelle journée commençait sur cette île lointaine, au nord de toutes les autres terres. Ketill venait d’y passer deux longs hivers avec sa femme Ingunn et les autres membres de l’équipage. Il regrettait Naumudalur, la vallée norvégienne de ses origines, où tout retour était désormais impossible. Hors de question après le meurtre des fils d’Hildirídur, qui étaient non seulement les représentants du roi Haraldur Beaux-Cheveux au pays de Hálogaland, mais également ses amis chers. Et, ce qui n’arrangeait rien, Ketill avait raflé les abondantes richesses des deux frères et les avait emportées avec lui jusqu’ici, dans cette île septentrionale où Ingólfur Arnarson était confortablement installé depuis quelques années, et que l’on appelait Islande.
– A quoi penses-tu ? demanda Ingunn.
Un vent froid glissait sur sa chevelure blonde relevée en tresse à la nuque. Elle tenait dans ses bras leur fils âgé de quelques mois.
– A rien, répondit Ketill, les yeux fixés sur le soleil rouge incandescent par-delà le glacier.
Ketill songe à l'attaque des fils d’Hildirídur – les hurlements, l'odeur des chairs grillées.
C’était le moment propice pour ériger un temple consacré à Odin. Ketill le savait, les ombres sur le flanc des montagnes le lui indiquaient. On était au début d’einmánudur, le mois consacré au dieu des Corbeaux. La cape bleue de Ketill ondula lorsqu’il fit volte-face pour enjoindre à sa femme et à ses gens d’apporter l’argent et les montants du trône, car la construction du temple devait commencer sans plus attendre.
Avant d’ouvrir la porte d’entrée, Ketill tourna un bref instant son regard vers le sud-est où la masse du glacier touchait au ciel. Sa clarté projeta des reflets sur le nasal du casque et le fer de l’épée. Le soleil, entouré d’un anneau d’or, reposait au sommet des neiges glacées dans le lointain. En prenant de l’altitude, l’anneau se transforma peu à peu en rayons solaires étincelants – une éclatante croix solaire tout en haut dans le ciel.
Mercredi 21 Mars 2007
Un bon coup d’œil avant d’entrer permet de repérer toutes les issues, car rien ne révèle qui dans la salle est ennemi à l’affût.
(Hávamál, str. 1)
1
Quartier Vesturbær de Reykjavík.
Un silence de mort envahit subitement la maison. Le visiteur imprévu relâcha la pression de ses doigts sur le cou blême de la jeune fille. Le corps sans vie heurta le bois dur du plancher, et l’écho du choc se répercuta dans le couloir.
Le rituel peut commencer.
Embla Thöll est archéologue.
Sæmundur se lamente : son pays est livré aux étrangers. Xénophobe ! Le mot a été lâché au souper par sa femme, Lovisa.
La guerre a commencé !
Il faut en finir avec cette engeance.
Embla est appelée à l'aide de Baldur. Hördur, un policier, l'attend dans sa voiture. Qu'est-il arrivé à Baldur ?
Tobias attend Sæmundur, ils se sont rencontrés sur l'internet. Sæmundur a fait renaître l'Ordre. Il emmène son hôte vers le temple.
– Tout s’accomplira, renchérit Sæmundur. Le monde nous écoutera enfin, après les sacrifices d’aujourd’hui. Je te le promets. C’est écrit dans le ciel, déclara-t-il avec force.
Il démarra et mit le cap sur Stóra-Hof, dans le district de Rangárvellir – le temple millénaire qui allait devenir le symbole unitaire de l’Europe septentrionale.
Embla et Hördur sont accueillis au domicile de Baldur par Grimur Skarphédinsson, responsable de l'enquête et frère du disparu.
– Nous avons trouvé dans un parterre un objet susceptible de nous donner une piste.
Il fit un signe à un policier qui accourut vers eux et tendit à Grímur un sachet transparent. Il contenait un pendentif en bois flotté de couleur claire qui paraissait assez ancien.
– Qu’est-ce que c’est ? demanda Hördur.
– Une rune magique, c’est bien ça ?
Les nazis, aujourd'hui les néonazis, ont fait grand usage de cette rune dans leur univers symbolique. La croix solaire est leur emblème : en la découpant, en l'inclinant, on y trouve la croix gammée.
Le rituel du sacrifice à Odin est commencé. Les sacrifices sanglants se multiplient – des animaux chers, il faut sacrifier ce qu'on a de plus cher au cœur.
Baldur, l'universitaire, a découvert la clé et le temple, mais il a refusé de faire renaître l'Ordre et d'en prendre la tête.
Il a disparu. Son bureau est un théâtre des horreurs, la pièce entière est maculée de sang, huit chats sont pendus ici et là. Huit chats et Baldur, neuf victimes sacrificielles, un chiffre sacré pour les Vikings.
Sæmundur doit encore accomplir son sacrifice. Ce qui est le plus cher en son cœur, c'est sa fille. Ingunn est en danger.
Sæmundur est un malade, sa femme et sa fille le lui disent.
Il invoque la pureté originelle d'une race qui, dès l'origine, dès la fondation de l'Islande, était métissée. D'un autre sens, la leçon de morale convenue, consensuelle, qu'on lui adresse, tombe à plat devant l'actualité : l'Islande – comme bien d'autres nations – est un pays envahi, occupé, par d'autres qui, loin de se fondre dans la communauté, imposent leur loi.
Où est la vérité, où est le mensonge, où en est l'Histoire, inversée en ce temps ?
Et le coupable, demandez-vous ?
– On nous a roulé dans la farine, vous et moi, pendant toute la journée.
Et pendant 419 longues, trop longues, pages. Oh, vous ne vous ennuierez pas à la lecture, les épisodes retiennent la suspension d'intérêt, même s'ils se répètent en s'alignant sur la même grille, même si les faux coupables succèdent lisiblement aux faux coupables, même si l'ultime coupable paraît... très tôt... – on ne dira pas la page.
Yueyin connaît.
Présentation de l'éditeur