Un bloc-notes sur la toile. * Lou, fils naturel de Cléo, est né le 21 mai 2002 († 30 avril 2004).
C'est Carnaval !
Chahutons la belle-mère !
Que la fête commence !
Ces témoignages ont paru sur Mémoires anthumes, le second blog inconnu. Ils méritent la cimaise de Libellus.
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La belle-mère
13 juillet 2015
_ Eh beh, ileu faut faireu des écônomieus. Ong gagneu petit et on fait des écônomieus. Pluss on gagneu petit, pluss ileu faut faireu des éconômieus.
La belle-mère oubliait que la maison s'était montée presque gratuitement, grâce aux apprentis en bâtiment d'une proche EREA que tenait le neveu cadet Jean-Michel et aux fournisseurs tenus par le neveu Jean-François.
L'aîné neveu avait épousé une agence d'assurances qu'il avait développée en créant deux autres offices dans la région – où il était devenu conseiller. Il tenait les marchands de pierres et de ciment, le garagiste qui offrait une voiture à moitié prix, sans bénéfice, sans TVA, avec un crédit – agricole – sans intérêts.
Il cumulait les boutiques et les mandats. Une fois, il avait eu affaire à un sot qui lui avait fait un redressement fiscal sur un petit million de francs oubliés, dix pour cent – pour l'amende, et de son revenu.
Une belle demeure dans la commune voisine dont il était le maire, juste à côté de chez Laurent Fabius. Cohabitation pacifique – entre milliardaires –, sans dialogue – entre gens qui n'ont pas le même parti pris.
L'agence d'assurances déprimait. Il avait pris une danseuse, à l'Opéra de Toulouse, il a craqué : sa moitié exigeait la rupture ou le divorce, elle gardait le patrimoine.
Il a choisi la fortune, mauvaise fortune, dégénérescence cérébrale. On a pu en voir le premier signe dans la presse, le jour où, sur un marché, il a lancé une tarte à la crème sur la tête de son concurrent en élections.
Ensuite, il fuguait, il ne savait plus où il était, on le retrouvait et on le ramenait à la maison. Le jour où il a glissé dans la piscine, son agence, aimante et fidèle, l'a placé à l'hospice annexé au petit hôpital de convalescence du village de la belle-mère. Il fuguait encore, on le retrouvait dans une chambre qui n'était pas la sienne, et puis il n'a pas su qu'il était mort.
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La belle-mère, le retour
1er septembre 2015
20 h 40.
_ Allo ? Je suis où ?
_ Vous êtes chez moi, dit-il.
_ Et c'est où, chez moi ?
_ C'est chez moi, je dormais, longtemps je me suis couché de bonne heure.
Là, elle ne connaît pas.
_ Hé ben, je suis pas au 05...2543 ?
_ Non, mamie, vous êtes chez moi.
_ Hé ben, j'ai fait une erreur.
_ Vous êtes une erreur. De la nature, ajoute-t-il.
Le 2543, c'est une entreprise de peinture. On n'y connaît pas la belle-mère, et puis on ne voit pas comment ni pourquoi la mamie de Lombez appellerait de la peinture à 500 kilomètres et à 20 h 40.
Une nuisible. Ensemble, chassons les nuisibles.
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La belle-mère 3 – elle s'accroche
23 septembre 2015
La belle-mère rappelle à onze heures. Il ne répond pas. Elle laisse un message, pieusement conservé.
Salut, ma DoDo, je croyais que c'était toi qui m'avais appelée, j'ai refait ton numéro, mais ce n'est pas toi apparemment, qui c'est qui m'a appelée, c'est le mystère, pour le moment, je te fais un poutou, ciao.
Ce n'est pas lui non plus, l'opérateur téléphonique le dira, le moment venu.
Alors, vous voyez, quand vous appelez un correspondant qui ne répond pas – il est absent –, vous laissez un message comme : je t'appelais, je te rappellerai ou tu peux me rappeler au 05 62 62 35 84 – oui, il devient très concrètement très précis puisqu'il s'agit désormais d'appels malveillants, c'est un délit, il va porter plainte.
Quand vous vous rendez compte que vous avez involontairement fait un faux numéro – la messagerie vous dit : vous êtes bien au 05...20 43 –, vous ne laissez pas un message.
Tu capisci ? Ciao !
Olivier de Benoist, L'éloge funèbre de la belle-mère, 22 février 2014