Kim Thúy, Vi, Les Editions Libre Expression, Montréal, 2016 – Editions Liana Levi, 2016 ; couverture : D. Hoch ; photo : Philippe Chaplain
Thủy, Đàn Tranh, musique traditionnelle vietnamienne – La Guêpe (?)
Au temps de l'Indochine, le domaine de la famille Lê Van An englobe d'immenses terres et une vaste demeure où s'affairent près de trente domestiques. C'est là que naît le père de Vi, avec le destin d'un prince comblé que l'histoire va déchoir de son royaume. Dans l'ombre dévolue aux femmes, son épouse dirige d'une main de fer l'exploitation fragilisée par les réformes, puis la guerre. Lorsque Vi voit le jour, le dix-septième parallèle sépare déjà le Nord du Sud. La réunification et la chasse aux possédants l'obligent à fuir son pays sur un bateau de fortune. En quittant Saigon pour Montréal, celle dont le prénom signifie "minuscule" et "précieuse" devra apprendre à apprivoiser la grande vie et ses tumultes. Et à saisir les hasards qui lui ouvriront à nouveau, un jour, les portes du pays natal.
Kim Thuy est née en 1968 à Saigon en pleine guerre du Vietnam. A l'âge de dix ans, elle fait partie des centaines de milliers de boat people fuyant le régime communiste. Installée à Montréal, elle exerce différents métiers – couturière, interprète, avocate ou encore restauratrice – avant de se consacrer à l'écriture. En 2010, Ru devient un best-seller en France et au Québec. Traduit dans plus de vingt pays, il obtient le Prix du Gouverneur général et le Grand Prix RTL-Lire. Avec Mãn (2013) et Vi (2016), Kim Thuy poursuit l'exploration de son identité double, liant avec force et légèreté le passé et le présent, la mémoire et l'intime.
4e de couverture
Kim Thúy a effectué un double cursus universitaire à l'Université de Montréal : diplômée en linguistique et traduction en 1990 et en droit en 1993. Elle a alors été couturière, traductrice, interprète, avocate, restauratrice, chroniqueuse culinaire et, depuis 2009, romancière « par accident », comme elle le dit en riant.
Incipit
J'avais huit ans quand la maison a été plongée dans le silence.
Sous le ventilateur d'appoint apposé au mur blanc ivoire de la salle à manger, un grand carton rigide rouge vif portait un bloc de trois cent soixante-cinq feuilles. Chaque feuille indiquait l'année, le mois, le jour de la semaine et deux dates : une selon le calendrier solaire et une autre selon le calendrier lunaire. Dès que j'ai été capable de grimper sur une chaise, on m'a réservé le plaisir d'enlever une page à mon réveil. J'étais la gardienne du temps. Ce privilège m'a été retiré quand mes frères aînés Long et Lộc ont eu dix-sept ans. À partir de ce jour d'anniversaire, que nous n'avons pas célébré, ma mère pleurait chaque matin devant ce calendrier. J'avais l'impression qu'elle se déchirait en même temps qu'elle arrachait la feuille du jour. Le tic-tac de l'horloge qui d'habitude nous endormait au moment de la sieste de l'après-midi sonnait soudainement comme celui d'une bombe à retardement.
J'étais la petite dernière, la seule sœur de mes trois grands frères, celle que tout le monde protégeait comme les précieuses bouteilles de parfum derrière des portes vitrées. Même si j'étais tenue à l'écart des préoccupations de la famille en raison de mon âge, je savais que les deux plus vieux devraient partir sur un champ de bataille le jour de leurs dix-huit ans. Qu'ils soient envoyés au Cambodge à combattre Pol Pot ou à la frontière avec la Chine, les deux destinations leur réservaient le même sort, la même mort.
[…]
Mon prénom, Bào Vi, illustrait l'intention de mes parents de « protéger la plus petite ». Si l'on traduit littéralement, je suis « Précieuse minuscule microscopique ».
Un récit autobiographique, un de plus, où Kim Thúy conte son odyssée de Saïgon vers Montréal, en passant par Copenhague, Manhattan, Shanghaï, Berlin, Hanoï, à la recherche de son intégration dans un nouveau monde – l'histoire d'un déracinement et d'une construction de soi.
Les lieux et les saisons se bousculent en errance comme dans un rêve.
L'écriture est élégante.
Magique ! nous dit Yueyin.
Et pourtant, l'ensemble paraît léger, peu consistant, légèrement ennuyeux dans sa flânerie – l'ennui est éminemment subjectif !
Kim Thúy présente Vi