Marc-Antoine Cyr, Les Paratonnerres, Quartett, 2014
Auteur dramatique et scénariste, Marc-Antoine Cyr est né à Montréal en 1977. Il est l'auteur entre autres pièces de Le désert avance, Les flaques, Je voudrais crever, Quand tu seras un homme, Fratrie...
4e de couverture
Siméon, un écrivain, arrive en pays inconnu, lointain. Il trouve refuge dans une petite auberge isolée.
Il s’y incruste plusieurs mois, sous le prétexte d’écrire. Depuis la salle commune de l’auberge, on l’entend piocher sur son clavier, mais on pressent aussi tout le poids de ses silences.
Près de lui s’agite une petite faune. La rumeur des habitants du coin. Celle de ceux qui sont de passage. Une famille qui dirige l’établissement : père, mère, fille. Une mère qui souvent met sa main sur son ventre. Une douleur qui n’arrête pas d’enfler, mais qu’elle ne veut pas nommer.
Aux alentours de l’auberge, les échos d’une guerre qui s’est passée là il y a peu de temps. Quelques traces de ses éclats dans les conversations, dans les non-dits de la famille qui garde l’auberge. Des secrets rangés au fond des tiroirs. Un effluve de danger permanent.
Ecrivant chaque jour, nouant contact avec ceux qui vivent là, Siméon s’adapte aux habitudes de l’auberge, engage des conversations pleines de trous, ne va jamais au bout des réponses qu’il offre aux questions dont on le presse : d’où vient-il ? que vient-il chercher ici ? Siméon s’attache peu à peu à Solenn, la fille des propriétaires de l’auberge. Une amourette compliquée.
Puis Siméon, qui croyait s’être enfui assez loin de son passé, voit peu à peu surgir devant lui des visages reconnaissables. Il se met à entendre la voix des siens dans la voix des inconnus. Par le truchement du théâtre, des scènes de sa vie sont rejouées, réactualisées. Des dialogues de son passé remontent à la surface : Abel, le père, lui parle soudain avec la voix de sa mère… Solenn lui parle comme son père lui parlait autrefois… Anka semble prise du même mal que celui dont souffrait la mère de Siméon, dans le pays là-bas où il vivait…
Petit à petit, tout ce que Siméon a fui revient le visiter. Et l’effrayer.
Autour de lui, dans cette auberge-refuge, les secrets suintent de tous les murs. Les histoires se mélangent. A la cave, des bruits inquiétants persistent. Des odeurs affluent. Des rats ? Des monstres ? Des réfugiés ?
Drame intime flirtant avec le fantastique, Les Paratonnerres est une exploration tendrement humaine de la fuite, mais surtout de la peur, un compagnon de route avec lequel il vaut mieux discuter de temps à autre.
L’auberge devient le théâtre fantastique au sein duquel Siméon dialogue avec ses propres spectres. Sa peur prend forme et s’adresse à lui. Habitant deux temps à la fois, le temps présent reconnaissable et les souvenirs irrationnels qui reviennent lui faire face, Siméon doit apprendre à refaire un avec lui-même.
Dans un paysage où un ennemi véritable est passé, la guerre, et où ceux qui l’ont vue ont moins de mal à vivre que Siméon, les peurs réelles et imaginaires entament une joute qui ne laissera personne sans cicatrices.
Marc-Antoine Cyr
Incipit
Dans l’auberge.
Sur le seuil Solenn.
Près de Solenn une valise.
SOLENN :
ADIEU ADIEU C’EST ADIEU QU’IL FAUDRAIT DIRE
ANKA :
Elle a le billet dans sa poche.
ABEL :
Elle a pris le parapluie. Pas le jaune le plus grand.
ANKA :
Un lainage au cas où.
ABEL :
Elle a pris le lainage avec elle.
ANKA :
Alors pourquoi elle ne sort pas.
ABEL :
Il faut partir ma fille. Les lanternes sont éteintes dans la rue.
SOLENN :
ADIEU ADIEU CE SOIR TOUT À L’HEURE MAINTENANT
ANKA :
Le mot qu’il faudra dire au passeur. Celui qui viendra sous le pont.
SOLENN :
Une chose encore.
ABEL :
Le sésame elle le sait.
ANKA :
Un lainage une écharpe il fera peut-être froid.
L’adresse là-bas elle sait.
La clef.
ABEL :
Quelle clef.
Il faut faire vite ma fille. Il n’y a la noirceur que pour quelque temps.
ANKA :
Une clef pour son retour. La clef au cas où.
ABEL :
Quand elle va revenir on sera ici.
SOLENN :
Encore une chose s’il te plaît Maman.
ABEL :
Tu as peur c’est normal.
Le paratonnerre protège de la foudre en attirant la foudre. On peut vivre en huis-clos, et même à la cave, la guerre pénètre et expose – explose ? – la mémoire. Chacun recherche son identité – peut-être une identité empruntée.
L'écrivain : l'écriture est un moyen d'exorciser, de catalyser les démons intérieurs.
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Vous pourrez encore voir la pièce les mardi 14 et mercredi 15 mars 2017, à 20h, au théâtre LE TARMAC, Scène Internationale Francophone, Paris.
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Québec en novembre, avec Karine et Yueyin ! Le sublime logo est l'œuvre de Mr Kiki du Kikimundo.