Un bloc-notes sur la toile. * Lou, fils naturel de Cléo, est né le 21 mai 2002 († 30 avril 2004).

Carmen à Aubervilliers – la chronique

 
L'aventure

La Bohème en banlieue, c'est La Bohème de Giacomo Puccini, déplacée, jouée et interprétée dans un quartier de la diversité helvétique.


L'histoire

1/ le temps : de la veillée de Noël à la veille de Pâques, le 29 septembre 2009.

2/ le lieu : une cité HLM suisse (propre – on a mis quelques tags dans le décor pour l'authenticité), avec son pressing en libre service, ses appartements spacieux et cossus, son centre commercial clean, sa brasserie gourmande, ses cars rutilants.

3/ l'action : Mimi, petite main en chambre, souffre d'un mal qui ne pardonne pas (sa bougie s'est éteinte). Tout le reste lui est pardonné à la fin, n'est-elle pas un ange pur, ange radieux ?


[après notre CarmenSeita *,
nous enchaînerons sur un Faust]


L'œuvre

Bien. Manque un peu de suspense (entre deux scènes, la présentatrice nous livrait les commentaires live des acteurs devant leur écran : je voulais voir un film policier, je ne regrette pas d'avoir fait ce choix, confie une téléspectatrice). On commence à la bougie soufflée, on sens que ça va finir aux candélabres funèbres. La partition : bien. On dépasse les cinq lignes vers le bas et vers le très haut.


L'interprétation

Bien. Et avec la sucette à l'absinthe jaune collée à la joue. Rodolfo, bien, il est jeune. Mimi, bien, elle a le phtisique de l'emploi et, presque toujours, le naturel (le tremolo un peu trop coloré ? c'est qu'il faut aller les chercher ces notes hautes – maudits compositeurs !). Musetta, bien, joli minois, jolie voix de tête (plus technique que sensible, oui, peut-être). Les compagnons, Marcello, Schaunard et Colline, bien (à noter qu'au III, Marcello et Mimi ont réussi à surfer sans sombrer avec la synchro de l'orchestre, situé à plus de cent mètres et venant aux oreillettes par relais – en duplex, quoi !).



Giacomo Puccini, La Bohème, Acte I, mi chiamano Mimi, Berne, 2009


Si l'on se plaît à chipoter, on notera, à la fin de la première rencontre entre Mimi et Rodolfo, un bémol dans des aigus aussi périlleux à négocier que l'escalade des Grandes Jorasses en string par la face nord à Noël – l'intention et l'émotion y étaient.


Giacomo Puccini, La Bohème, Acte I, fin, Berne, 2009 + interview d'Eva


La mise en scène

Le maître d'œuvre nous apprend à la fin que La Bohème est "un opéra qui tourne autour du logement".

Grands sots au petit cœur, vous avez cru à une histoire d'amour, c'est une question sociale.

[d'abord, quand on traite une question sociale, on boit ! Quand on ne boit pas, la question n'est pas sociale – Eugène Labiche, Doit-on le dire ? --- d'où l'évidence de la brasserie]

Evidemment, évidemment… quand on chante les frissons du froid dans une buanderie en marche (banlieusards bénévoles venus laver leur linge), le décalage spatio-temporel zygomatise les amoindris de l'imaginaire.

Evidemment, évidemment… quand Mimi et Rodolfo, bougie en berne, se rencontrent dans un appartement superbement éclairé – par les appliques des locataires et les projecteurs de la régie, les pauvres d'esprit négligent la folie du spectacle.




Rien à jeter dans les scènes de fête au centre commercial (merveilleux enfants chantants – interview de la petite Eva, 7 ans :

_ et tu seras déguisée en quoi ?

_ en garçon

_ en garçon, pourquoi ?

_ y a que deux garçons et les filles y en a des centaines de milliers

--- après ça, on fera encore des médisances sur les migrants qui ne s'établiraient en Suisse que pour de basses raisons fiscales, haaa ! des centaines de milliers de filles pour un garçon, c'est pas une motivation ? Même Roman Polanski s'y est laissé prendre) ----- où en étions-nous ? les scènes de fête au centre commercial ou à la brasserie (belle Musetta dansant sur les tables, manière Et Dieu créa la femme).



Evidemment, évidemment… la barre fait HLM neuilléen, l'émission est entrecoupée de commentaires, annonces, courriers – lol, le car corbillard de la fin… tout le monde ne peut pas expirer dans une Rolls.





L'authenticité

Elle est signée en fin de parcours, là où on applaudit les artistes, par la prestation bénévole d'un petit con jeune mélanome suisse faisant les cornes à Saimir Pirgu avant de rabattre sa capuche sur son bonnet sous lequel il colle un portab'.



C'est pas authentique, ça ?

[on ne montre pas toutes les images]


Le Chat de Philippe Geluck le dit souvent : y a rien à faire, mais une moumoute ça se voit toujours.

Une histoire d'amour (tragique, une vraie), un chef-d'œuvre, ça supporte tous les nappages.


ICI, 7 jours après
, avec le magazine ARTE Culture du même soir où l'on parle des petits-enfants de la bohème dans la comédie musicale américaine, Gigi – et nous ajoutons Un Américain à Paris, et de la légende (vivante) de Montmartre au Lapin Agile.

 



* CarmenSeita

Un échange avec mon conseiller artistique

Lou : Je prends des contacts. Dove Attia serait partant pour la Flûte - Papageno et Papagena herborisent et flirtent dans les caves des cités, mais je tiens à ma Carmen Seita. Je regarde à France 2, j'y ai un ancien élève qui a réussi (il n'est pas devenu professeur). Tu imagines ? J'imagine, je vois déjà les contrebandiers affalés attablés à la cafèt du coin, Escamillo évoquant les corridas mécaniques avec plein de caméras vidéo autour (pour l'oeil noir), les spectateurs venant raconter leur dernier caillassage... Seulement il me manque le rôle titre, une burkée (pour le message) techniquement au point (je parle de la sono) pour envoyer : "L'amûr est un djeune rebelle...". Une suggestion ?

_ A mon humble avis, ça manque de nazis. Comment veux-tu que les gens sentent cette histoire si complexe comme si elle était proche d'eux, enfin ?

Lou : Le travail en équipe ! ça s'étoffe (en parlant de costumes).
Bien entendu, les carabiniers peuvent être ceinturés 'Gott Mit Uns', et Carmen, porter l'étoile jaune. Tout de même, la burka et les casques bleus, ça ne serait pas plus porteur ?

_ A défaut d'aider à porter quoi que ce soit, ce sera assurément lourd. :)


J'envoie un mail à Trent Reznor, pour la direction musicale.


Et nous enchaînerons sur un FaustSalut ! demeure chaste et pure, envoyé depuis le parking à la barre --- avec Roberto s'il le veut bien comme à Orange en 2008]



Charles Gounod, Faust, Roberto Alagna aux Chorégies d'Orange, 2008

 
 

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L
<br />  <br /> ce n'est pas complètement du falsetto<br /> Ouf !<br /> C'est vrai que quand je l'ai revu et écouté, après le com, j'ai eu un sérieux doute.<br /> <br /> La pause pour le souffle, bien sûr, mais à l'image on voit le souci, dont tu expliques l'origine. Foutue partition !<br />  <br /> <br /> <br />
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D
<br /> Sisi, c'est bien du falsetto intégral. En revanche, juste avant, il prépare en mixant (ce n'est pas complètement du falsetto). Il respire surtout pour la prise de souffle, parce qu'un falsetto mal<br /> soutenu est faux, et qu'il a peu l'habitude d'utiliser cette technique. C'est un des problèmes d'Alagna, lorsqu'il allège les aigus, il détimbre un peu, il ne parvient pas à<br /> mixer réellement (il aime trop la voix pleine qui fait du bruit :-) ). <br /> <br /> En l'occurrence, c'est parfaitement réalisé, mais il l'a fait seulement parce que quelques jours plus tôt, pour la première, il s'est pris les pieds dans le tapis en faisant l'ut à pleine voix.<br /> Personnellement, je le trouve plus adéquat en falsetto, ça évite à tout le monde de brailler.<br /> <br /> Mais nous ne voyons pas la Carmen Seita ?<br /> <br /> <br />
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L
<br />  <br /> Idothée, tu n'as pas attendu la publication de l'article fini :)<br /> <br /> Pour Faust et le contre-ut [peut-être pas la note la plus heureuse de la mélodie] tant attendu sur la présence, il faut attendre la fin de l'air.<br /> On peut critiquer un Sicilien, quelque désespéré...<br /> <br /> A l'image, c'est impressionnant (émouvant). Roberto sait bien qu'on l'attend là, après d'autres. Une note / une carrière. Il est souriant (pas si facile en chantant), il a les lèvres sèches, il<br /> avale sa salive au dernier moment (on perçoit une pose avant la présence - plus pour la concentration que pour le souffle) et ça passe, et pas en falsetto ou je me trompe, cher David ?<br /> Du grand art. Cette image sonore n'est pas là pour rien. Saimir Pirgu est très bon sur une partition difficile (sur la durée), il a encore le temps de prendre du corps. Aujourd'hui, je l'achète sur<br /> pied comme le rastron ;)<br /> <br /> ---<br /> <br /> Le premier lien que tu donnes ne fonctionne pas,<br /> c'est<br /> http://www.youtube.com/watch?v=q_j1vnIfq5c&feature=related<br /> [j'étais prêt à écrire : c'est qui ce Paco, j'lui pèt' la gueule à la récré]<br /> et c'est très beau.Après, Piazzolla, oui !!! du grand art pour le musicien et pour les danseurs. J'ai déjà parlé de L'Acrobate de<br /> Jean-Daniel Pollet, LLLLL à l'échelle du TéLéfiL de Libellus<br /> !<br /> Hélas ! il paraît que je danse comme Eric von Stroheim, la minerve en moins et la déesse pas trop.<br />  <br /> <br /> <br />
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I
<br /> Carmen........<br /> J'attends....<br /> Toute l'Espagne en moi attend...Oui, je viens de là et ça se rappelle tellement à moi de façon parfois très forte que je viens de passer un weed-end avec Paco :<br /> http://www.youtube.com/watch?v=q_j1vnIfq5c&feature=related<br /> et de visionner pour la énième fois les belles scènes du film "Tango Lesson":<br /> http://www.youtube.com/watch?v=yqYg0ZVgV4w<br /> Donc....<br /> Carmen ?<br /> <br /> <br />
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