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  • : Un bloc-notes sur la toile. * Lou, fils naturel de Cléo, est né le 21 mai 2002 († 30 avril 2004).

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13 octobre 2014 1 13 /10 /octobre /2014 00:09
Denis Diderot, Jacques le fataliste et son maître – Ceci n'est pas un roman

Denis Diderot, Jacques le fataliste et son maître, dessinés par André François, étude et notes de Yvon Belaval, Le club français du livre, 1953

 

Jacques le fataliste et son maître est un roman philosophique de Denis Diderot – rédigé de 1765 jusqu'à la mort de l'écrivain, en 1784, paru initialement en feuilleton dans la Correspondance littéraire de Melchior Grimm entre 1778 et 1780, et pour la première édition (posthume) en France, en 1796 – en forme de dialogue entrecoupé d'adresses au lecteur par l'auteur/narrateur.

 

Les interventions de l'écrivain marquent, par anticipation, une distanciation brechtienne.

« Vous voyez, lecteur, combien je suis obligeant ; il ne tiendrait qu’à moi de donner un coup de fouet aux chevaux qui traînent le carrosse drapé de noir, d’assembler, à la porte du gîte prochain, Jacques, son maître, les gardes des Fermes ou les cavaliers de maréchaussée avec le reste de leur cortège, d’interrompre l’histoire du capitaine de Jacques et de vous impatienter à mon aise ; mais pour cela, il faudrait mentir, et je n’aime pas le mensonge, à moins qu’il ne soit utile et forcé. Le fait est que Jacques et son maître ne virent plus le carrosse drapé, et que Jacques, toujours inquiet de l’allure de son cheval, continua son récit... »

 

« JACQUES.

Tous les deux étaient écrits l’un à côté de l’autre. Tout a été écrit à la fois. C’est comme un grand rouleau qu’on déploie petit à petit…

Vous concevez, lecteur, jusqu’où je pourrais pousser cette conversation sur un sujet dont on a tant parlé, tant écrit depuis deux mille ans, sans en être d’un pas plus avancé. Si vous me savez peu de gré de ce que je vous dis, sachez-m’en beaucoup de ce que je ne vous dis pas.

Tandis que nos deux théologiens disputaient sans s’entendre, comme il peut arriver en théologie, la nuit s’approchait. »

 

Jacques et son maître sont en chemin, ils devisent en se contant des histoires, vraies ou fausses : « Peut-être cela était-il vrai, peut-être cela était-il faux : que sait-on ? »

 

On ne sait où ils vont ni d'où ils viennent. On ne sait ce qu'ils pensent. Il n'y a aucun témoin.

Pour autant, le grand rouleau ne se déroule pas depuis le point de vue de Dieu (on dit aussi : focalisation zéro) : le narrateur (auteur) désamorce toute tentative de (re)construction par le lecteur.

Il s'agit d'une réflexion sur le roman, et sur le monde tel qu'il va – ce en quoi le texte est vivant, actuel ; ce en quoi il se démarque de ses sources d'inspiration : Sterne, Fielding, Richardson.

Denis Diderot, Jacques le fataliste et son maître – Ceci n'est pas un roman

Laurence Sterne, Vie et opinions de Tristram Shandy, gentilhomme, 1759-1763, Le club français du livre, 1965

Denis Diderot, Jacques le fataliste et son maître – Ceci n'est pas un roman

Henry Fielding, Joseph Andrews, Les Éditeurs Français Réunis, 1955

Les Aventures de Joseph Andrews et du curé Abraham Adams, publié en 1742 et qualifié par Fielding de « roman sentimental comique » (comic romance), raconte, en forme de parodie, les aventures d’un honnête domestique revenant de Londres accompagné par son ami et mentor, le pasteur tête-en-l’air Abraham Adams.

Denis Diderot, Jacques le fataliste et son maître – Ceci n'est pas un roman

Samuel Richardson, Pamela Andrews

Pamela, ou la vertu récompensée, l'archétype, est un roman épistolaire paru en 1740.

 

Feuilletons le roman.

 

« Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut. »

 

« Après une courte pause, Jacques s’écria :Que le diable emporte le cabaretier et son cabaret !

LE MAITRE.

Pourquoi donner au diable son prochain ? Cela n’est pas chrétien.

JACQUES.

C’est que, tandis que je m’enivre de son mauvais vin, j’oublie de mener nos chevaux à l’abreuvoir. Mon père s’en aperçoit ; il se fâche. Je hoche de la tête ; il prend un bâton et m’en frotte un peu durement les épaules. Un régiment passait pour aller au camp devant Fontenoy ; de dépit je m’enrôle. Nous arrivons ; la bataille se donne.

LE MAITRE.

Et tu reçois la balle à ton adresse.

JACQUES.

Vous l’avez deviné ; un coup de feu au genou ; et Dieu sait les bonnes et mauvaises aventures amenées par ce coup de feu. Elles se tiennent ni plus ni moins que les chaînons d’une gourmette. Sans ce coup de feu, par exemple, je crois que je n’aurais été amoureux de ma vie, ni boiteux.

LE MAITRE.

Tu as donc été amoureux ?

JACQUES.

Si je l’ai été !

LE MAITRE.

Et cela par un coup de feu ?

JACQUES.

Par un coup de feu.

LE MAITRE.

Tu ne m’en as jamais dit un mot.

JACQUES.

Je le crois bien.

LE MAITRE.

Et pourquoi cela ?

JACQUES.

C’est que cela ne pouvait être dit ni plus tôt ni plus tard.

LE MAITRE.

Et le moment d’apprendre ces amours est-il venu ?

JACQUES.

Qui le sait ?

LE MAITRE.

A tout hasard, commence toujours... »

 

« JACQUES.

Ah ! si je savais dire comme je sais penser ! Mais il était écrit là-haut que j’aurais les choses dans ma tête, et que les mots ne me viendraient pas. »

 

Jacques s'est trouvé blessé au genou, comme à la guerre. Il est recueilli par une femme qui veillait à sa porte. On fait venir les chirurgiens – malgré la mauvaise humeur du mari.

 

« JACQUES.

[…] Ils avaient fait le plus de diligence possible, ils avaient chaud, ils étaient altérés. Ils s’asseyent autour de la table dont la nappe n’était pas encore ôtée. La femme descend à la cave, et en remonte avec une bouteille. Le mari grommelait entre ses dents : "Eh ! que diable faisait-elle à sa porte ?" On boit, on parle des maladies du canton ; on entame l’énumération de ses pratiques. Je me plains ; on me dit : "Dans un moment nous serons à vous." Après cette bouteille, on en demande une seconde, à compte sur mon traitement ; puis une troisième, une quatrième, toujours à compte sur mon traitement ; et à chaque bouteille, le mari revenait à sa première exclamation : "Eh ! que diable faisait-elle à sa porte ?"

 

Quel parti un autre n’aurait-il pas tiré de ces trois chirurgiens, de leur conversation à la quatrième bouteille, de la multitude de leurs cures merveilleuses, de l’impatience de Jacques, de la mauvaise humeur de l’hôte, des propos de nos Esculapes de campagne autour du genou de Jacques, de leurs différents avis, l’un prétendant que Jacques était mort si l’on ne se hâtait de lui couper la jambe, l’autre qu’il fallait extraire la balle et la portion du vêtement qui l’avait suivie, et conserver la jambe à ce pauvre diable. Cependant on aurait vu Jacques assis sur son lit, regardant sa jambe en pitié, et lui faisant ces derniers adieux, comme on vit un de nos généraux entre Dufouart et Louis. Le troisième chirurgien aurait gobe-mouché jusqu’à ce que la querelle se fût élevée entre eux, et que des invectives on en fût venu aux gestes.

Je vous fais grâce de toutes ces choses, que vous trouverez dans les romans, dans la comédie ancienne et dans la société. Lorsque j’entendis l’hôte s’écrier de sa femme : "Que diable faisait-elle à sa porte !" je me rappelai l’Harpagon de Molière, lorsqu’il dit de son fils : Qu’allait-il faire dans cette galère ? »

 

« La vérité, la vérité ! – La vérité, me direz-vous, est souvent froide, commune et plate ; par exemple, votre dernier récit du pansement de Jacques est vrai, mais qu’y a-t-il d’intéressant ?Rien. – D’accord. – S’il faut être vrai, c’est comme Molière, Regnard, Richardson, Sedaine ; la vérité a ses côtés piquants, qu’on saisit quand on a du génie ; mais quand on en manque ? – Quand on en manque, il ne faut pas écrire. – Et si par malheur on ressemblait à un certain poète que j’envoyai à Pondichéry ? – Qu’est-ce que ce poète ? – Ce poète... Mais si vous m’interrompez, lecteur, et si je m’interromps moi-même à tout coup, que deviendront les amours de Jacques ? »

 

« Je vous le répète donc pour ce moment et pour la suite : soyez circonspect si vous ne voulez pas prendre dans cet entretien de Jacques et de son maître le vrai pour le faux, le faux pour le vrai. Vous voilà bien averti, et je m’en lave les mains. »

 

Jacques croit assister aux funérailles de son cher capitaine.

 

« Mais peut-être que mon maître est encore vivant.

[…]

LE MAITRE.

[…]

Eh ! laisse là ces quiproquos, et tâche de t’apercevoir que c’est en faire un grossier que de t’embarquer dans un chapitre de morale, lorsqu’il s’agit d’un fait historique. L’histoire de ton capitaine ?

JACQUES.

Si l’on ne dit presque rien dans ce monde, qui soit entendu comme on le dit, il y a bien pis, c’est qu’on n’y fait presque rien qui soit jugé comme on l’a fait.

LE MAITRE.

Il n’y a peut-être pas sous le ciel une autre tête qui contienne autant de paradoxes que la tienne.

JACQUES.

Et quel mal y aurait-il à cela ? Un paradoxe n’est pas toujours une fausseté.

LE MAITRE.

Il est vrai. »

 

Jacques rencontre des fourches patibulaires où son cheval l'emporte.

« Est-ce un avertissement du destin ? »

 

« LE MAITRE.

[…]

Jacques, vous êtes une espèce de philosophe, convenez-en. Je sais bien que c’est une race d’hommes odieuse aux grands, devant lesquels ils ne fléchissent pas le genou ; aux magistrats, protecteurs par état des préjugés qu’ils poursuivent ; aux prêtres qui les voient rarement au pied de leurs autels ; aux poètes, gens sans principes et qui regardent sottement la philosophie comme la cognée des beaux-arts, sans compter que ceux même d’entre eux qui se sont exercés dans le genre odieux de la satire, n’ont été que des flatteurs ; aux peuples, de tout temps les esclaves des tyrans qui les oppriment, des fripons qui les trompent, et des bouffons qui les amusent. »

 

Vient l'histoire de Mme de la Pommeraye – 69 pages dans notre édition > texte intégral –, racontée par l'hôtesse de Jacques et de son maître, un récit souvent interrompu par des dialogues entre Jacques, son maître et leur hôtesse.

 

La vengeance de Mme de la Pommeraye (proche d'une intrigue de Pierre Choderlos de Laclos,dans Les Liaisons dangereuses, 1782) est ainsi tramée :

– Mme de la Pommeraye feint d’être lassée du marquis des Arcis, son amant, en l’incitant de cette manière à lui révéler qu'il veut la quitter ;

– Mme de la Pommeraye engage une prostituée et sa mère, elle les fait passer pour deux dévotes tombées dans le besoin ;

– trois mois après, elle organise une rencontre : le marquis des Arcis s’éprend de la fausse jeune dévote ;

– le mariage est décidé ;

– Mme de la Pommeraye conclut sa vengeance par la révélation de la vérité (« Vous avez épousé une grue. » – dans le film de Robert Bresson, dialogue de Jean Cocteau > voir ci-dessous) ;

– l'histoire se conclut par une grande scène de pardon : l'amour l'emporte sur le mal.

 

Peut-on dire que Mme de la Pommeraye incarne le mal ? Le marquis n'est pas blanc-bleu dans l'affaire. Les « dames » sont complices d'une mauvaise action, elles sont contraintes par la « nécessité », mais elles choisissent librement le moyen de s'en libérer. L'amour est le seul bien.

 

Un roman dans le roman. Un récit en miettes. Une leçon.

 

« Jacques demanda à son maître s’il n’avait pas remarqué que, quelle que fût la misère des petites gens, n’ayant pas de pain pour eux, ils avaient tous des chiens ; s’il n’avait pas remarqué que ces chiens, étant tous instruits à faire des tours, à marcher à deux pattes, à danser, à rapporter, à sauter pour le roi, pour la reine, à faire le mort, cette éducation les avait rendus les plus malheureuses bêtes du monde. D’où il conclut que tout homme voulait commander à un autre ; et que l’animal se trouvant dans la société immédiatement au-dessous de la classe des derniers citoyens commandés par toutes les autres classes, ils prenaient un animal pour commander aussi à quelqu’un. Eh bien ! dit Jacques, chacun a son chien. Le ministre est le chien du roi... »

 

Où l'on retrouve la pantomime des gueuxLe Neveu de Rameau > texte intégral en annexe.

 

A la fin.

 

« "Qu’es-tu devenu, mon pauvre Jacques !..." Une nuit le château de Desglands est attaqué par les Mandrins ; Jacques reconnaît la demeure de son bienfaiteur et de sa maîtresse ; il intercède et garantit le château du pillage. On lit ensuite le détail pathétique de l’entrevue inopinée de Jacques, de son maître, de Desglands, de Denise et de Jeanne.

"C’est toi, mon ami !

– C’est vous, mon cher maître !

– Comment t’es-tu trouvé parmi ces gens-là ?

– Et vous, comment se fait-il que je vous rencontre ici ?

– C’est vous, Denise ?

– C’est vous, monsieur Jacques ? Combien vous m’avez fait pleurer !... »

Cependant Desglands criait : « Qu’on apporte des verres et du vin ; vite, vite : c’est lui qui nous a sauvé la vie à tous..."

Quelques jours après, le vieux concierge du château décéda ; Jacques obtient sa place et épouse Denise, avec laquelle il s’occupe à susciter des disciples à Zénon et à Spinoza, aimé de Desglands, chéri de son maître et adoré de sa femme ; car c’est ainsi qu’il était écrit là-haut.

On a voulu me persuader que son maître et Desglands étaient devenus amoureux de sa femme. Je ne sais ce qui en est, mais je suis sûr qu’il se disait le soir à lui-même : "S’il est écrit là-haut que tu seras cocu, Jacques, tu auras beau faire, tu le seras ; s’il est écrit au contraire que tu ne le seras pas, ils auront beau faire, tu ne le seras pas ; dors donc mon ami..." et qu’il s’endormait. »

 

L'histoire finie, le personnage retourne au sommeil dont le rêve nous a été conté.

 

 

Robert Bresson, Les Dames du Bois de Boulogne, 1945, avec la merveilleuse Maria Casarès, dont Albert Camus était amoureux – et on comprend pourquoi.

 

* * *

 

ANNEXE

 

Denis Diderot, Le Neveu de Rameau (écrit entre 1762 et 1773, publié d'après le manuscrit original en 1891), la pantomime des gueux

 

« LUI. ― Non, non, vous dis-je. Je suis trop lourd pour m’élever si haut. J’abandonne aux grues le séjour des brouillards. Je vais terre à terre. Je regarde autour de moi ; et je prends mes positions, ou je m’amuse des positions que je vois prendre aux autres. Je suis excellent pantomime ; comme vous en allez juger.

Puis il se met à sourire, à contrefaire l’homme admirateur, l’homme suppliant, l’homme complaisant ; il a le pied droit en avant, le gauche en arrière, le dos courbé, la tête relevée, le regard comme attaché sur d’autres yeux, la bouche entrouverte, les bras portés vers quelque objet ; il attend un ordre, il le reçoit ; il part comme un trait ; il revient, il est exécuté ; il en rend compte. Il est attentif à tout ; il ramasse ce qui tombe ; il place un oreiller ou un tabouret sous des pieds ; il tient une soucoupe, il approche une chaise, il ouvre une porte ; il ferme une fenêtre ; il tire des rideaux ; il observe le maître et la maîtresse ; il est immobile, les bras pendants ; les jambes parallèles ; il écoute ; il cherche à lire sur des visages ; et il ajoute : Voilà ma pantomime, à peu près la même que celle des flatteurs, des courtisans, des valets et des gueux.

Les folies de cet homme, les contes de l’abbé Galiani, les extravagances de Rabelais, m’ont quelquefois fait rêver profondément. Ce sont trois magasins où je me suis pourvu de masques ridicules que je place sur le visage des plus graves personnages ; et je vois Pantalon dans un prélat, un satyre dans un président, un pourceau dans un cénobite, une autruche dans un ministre, une oie dans son premier commis.

MOI. ― Mais à votre compte, dis-je à mon homme, il y a bien des gueux dans ce monde-ci ; et je ne connais personne qui ne sache quelques pas de votre danse.

LUI. ― Vous avez raison. Il n’y a dans tout un royaume qu’un homme qui marche. C’est le souverain. Tout le reste prend des positions.

MOI. ― Le souverain ? encore y a-t-il quelque chose à dire ? Et croyez-vous qu’il ne se trouve pas, de temps en temps, à côté de lui, un petit pied, un petit chignon, un petit nez qui lui fasse faire un peu de la pantomime ? Quiconque a besoin d’un autre, est indigent et prend une position. Le roi prend une position devant sa maîtresse et devant Dieu ; il fait son pas de pantomime. Le ministre fait le pas de courtisan, de flatteur, de valet ou de gueux devant son roi. La foule des ambitieux danse vos positions, en cent manières plus viles les unes que les autres, devant le ministre. L’abbé de condition en rabat, et en manteau long, au moins une fois la semaine, devant le dépositaire de la feuille des bénéfices. Ma foi, ce que vous appelez la pantomime des gueux, est le grand branle de la terre. Chacun a sa petite Hus et son Bertin.

LUI. ― Cela me console.

Mais tandis que je parlais, il contrefaisait à mourir de rire, les positions des personnages que je nommais ; par exemple, pour le petit abbé, il tenait son chapeau sous le bras, et son bréviaire de la main gauche ; de la droite, il relevait la queue de son manteau ; il s’avançait la tête un peu penchée sur l’épaule, les yeux baissés, imitant si parfaitement l’hypocrite que je crus voir l’auteur des Réfutations devant l’évêque d’Orléans. Aux flatteurs, aux ambitieux, il était ventre à terre. C’était Bouret, au contrôle général.

MOI. ― Cela est supérieurement exécuté, lui dis-je. Mais il y a pourtant un être dispensé de la pantomime. C’est le philosophe qui n’a rien et qui ne demande rien.

LUI. ― Et où est cet animal-là ? S’il n’a rien il souffre ; s’il ne sollicite rien, il n’obtiendra rien, et il souffrira toujours.

MOI. ― Non. Diogène se moquait des besoins. »

 

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9 octobre 2014 4 09 /10 /octobre /2014 00:05
Antoine de Saint-Exupéry – Et je sais pourquoi

Luc Estang, Saint-Exupéry par lui-même, Écrivains de toujours, Éditions du Seuil, 1956

Antoine de Saint-Exupéry – Et je sais pourquoi

 

Frédéric Chopin, Nocturne 13, op. 48, n° 1, en do mineur, 1841, piano : Arthur Rubinstein – une pièce que Saint-Exupéry jouait vers 1917

Antoine de Saint-Exupéry – Et je sais pourquoi

Pieter Brueghel l'Ancien, La chute d'Icare, huile sur panneau, transposée sur toile, 73,5x112 cm, 1558, Musées royaux des beaux-arts de Belgique, Bruxelles

 

« Si je suis descendu, je ne regretterai absolument rien. La termitière future m’épouvante. Et je hais leurs vertus de robots. Moi, j’étais fait pour être jardinier. »

Tels sont les derniers mots connus de Saint-Exupéry, dans une lettre adressée à Pierre Dalloz, écrite la veille de sa mort, le 31 juillet 1944, et retrouvée sur son bureau.

Antoine de Saint-Exupéry – Et je sais pourquoi

Retour de mission sur Lightning, 1944

Antoine de Saint-Exupéry – Et je sais pourquoi

L'avion selon Luc Vanrell

Antoine de Saint-Exupéry – Et je sais pourquoi

La gourmette retrouvée de Saint-Exupery

 

C'est en 1926 que paraît, dans la revue d'Adrienne Monnier, « Le navire d'argent », et sous les auspices de Jean Prévost, une nouvelle, L'aviateur, première œuvre imprimée de Saint-Exupéry. Et c'est la même année qu'a lieu l'engagement comme pilote de ligne à la Compagnie Latécoère, sur recommandation de l'abbé Sudour qui, lui, aura pressenti à coup sûr la valeur humaine de son élève de l'école Bossuet.

 

« Pour moi, et pour tous ceux qui ont eu le bonheur de l'approcher, Antoine de Saint-Exupéry était un universel génie. Il était à la fois un grand écrivain, un grand philosophe, un savant, un inventeur, un mathématicien, sans parler du pilote de ligne, du pilote d'essais, de l'ingénieur, du constructeur, de l'aérodynamicien, du héros de guerre et enfin de l'ami. »

Général Chassin, in Confluences

 

« D'où suis-je ? Je suis de mon enfance. Je suis de mon enfance comme d'un pays. »

(Pilote de guerre, 1942)

 

Les siens l'appelaient « le roi-soleil » ; à cause de sa blondeur. Mais n'était-ce pas consacrer aussi un rayonnement qui les subjuguait, royauté naturelle dont le cercle de famille formait spontanément la cour ?

Ses condisciples du collège Sainte-Croix le surnommèrent « Pique-la-lune » ; à cause de son nez retroussé ; peut-être aussi d'une propension à la rêverie, voire d'une humeur changeante. Mais à cause d'autre chose encore qu'ils annonçaient sans le savoir et qui n'était rien de moins qu'une vocation.

Les Maures décerneront au chef de poste de Cap Juby le titre de « Seigneur des sables » ; à cause d'un courage, d'un esprit chevaleresque, d'une courtoisie qui leur imposeront. Mais comment se seraient-ils doutés qu'ils prophétisaient ; que si mérité qu'il fût dans le présent, le titre seigneurial conviendrait mieux encore dans l'avenir, quand cette image de prince du désert aurait été modelée par l'écrivain de Citadelle à son intime ressemblance.

[…]

Du Petit Prince au Grand Caïd : ainsi se résumeraient les contrastes. Ils vont de la faculté d'émerveillement aux idées arrêtées ; du rêve en mouvement aux symboles figés ; du charme de l'éphémère à l'austérité de l'éternel ; de la vie en liberté à la vie en ordre ; du cœur comblé par ce qu'il est à l'âme tourmentée par ce qu'elle veut être ; de la fraîcheur au sens rassis ; de la tendresse à la dureté ; de l'innocence à la conscience ; de la sagesse naïve à la morale de vieillesse...

 

« Je me croyais riche d'une fleur unique, et je ne possède qu'une rose ordinaire. Ça et mes trois volcans qui m'arrivent au genou, et dont l'un, peut-être, est éteint pour toujours, ça ne fait pas de moi un bien grand prince...

[…]

Et, couché dans l'herbe, il pleura. »

(Le Petit Prince, p. 66)

 

« Le petit prince s’en fut revoir les roses.

– Vous n’êtes pas du tout semblables à ma rose, vous n’êtes rien encore, leur dit-il. Personne ne vous a apprivoisées et vous n’avez apprivoisé personne. Vous êtes comme était mon renard. Ce n’était qu’un renard semblable à cent mille autres. Mais j’en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde. »

 

« Car telle fleur est un refus d'abord de toutes les autres fleurs. Et cependant à cette condition seulement elle est belle. »

(Citadelle, VI)

 

Cette rose, cette fleur, n'est-elle pas femme ?

 

Saint-Exupéry, ce Zarathoustra du désert, a lu Nietzsche : « J'emporte Nietzsche sous mon bras. J'aime ce type immensément. Et cette solitude. » (Lettres de jeunesse, p. 102)

 

Les Américains l'appelleront – encore un surnom ! – « le Joseph Conrad de l'air ».

 

Vol de nuit

 

En 1931, Saint-Exupéry est directeur de l’Aeroposta argentina. Il donne son expérience dans Vol de nuit, où il relate l'épopée des vols de nuit dans des avions fragiles, chaque vol étant un combat contre l’obscurité (pas de lumière à bord), le relief et les conditions météorologiques. Vingt-trois chapitres où figurent le directeur (dans son bureau), les pilotes (au ciel), l’épouse de l’un d’eux et les mécaniciens.

 

« Les collines, sous l'avion, creusaient déjà leur sillage d'ombre dans l'or du soir. Les plaines devenaient lumineuses mais d'une inusable lumière : dans ce pays elles n'en finissent pas de rendre leur or, de même qu'après l'hiver elles n'en finissent pas de rendre leur neige.

Et le pilote Fabien, qui ramenait de l'extrême Sud, vers Buenos Aires, le courrier de Patagonie, reconnaissait l'approche du soir aux mêmes signes que les eaux d'un port : à ce calme, à ces rides légères qu'à peine dessinaient de tranquilles nuages. Il entrait dans une rade immense et bienheureuse.

Il eût pu croire aussi, dans ce calme, faire une lente promenade, presque comme un berger. Les bergers de Patagonie vont, sans se presser, d'un troupeau à l'autre : il allait d'une ville à l'autre, il était le berger des petites villes. Toutes les deux heures il en rencontrait qui venaient boire au bord des fleuves ou qui broutaient leur plaine.

Quelquefois, après cent kilomètres de steppes plus inhabitées que la mer, il croisait une ferme perdue, et qui semblait emporter en arrière, dans une houle de prairies, sa charge de vies humaines ; alors il saluait des ailes ce navire. »

(Vol de nuit, incipit)

 

« Fabien erre sur la splendeur d'une mer de nuages, la nuit, mais, plus bas, c'est l'éternité. Il est perdu parmi des constellations qu'il habite seul. Il tient encore le monde dans les mains et contre sa poitrine le balance. Il serre dans son volant le poids de la richesse humaine, et promène, désespéré, d'une étoile à l'autre, l'inutile trésor, qu'il faudra bien rendre… »

(Vol de nuit, p. 143)

 

Il s'agit de la nuit, du bonheur, de l'éternité, des étoiles, de la terre et du ciel. De la mer. De la méditation, en silence. De la douceur. De la guerre et de la paix.

 

« Et c'est à cette minute que luirent sur sa tête, dans une déchirure de la tempête, comme un appât mortel au fond d'une nasse, quelques étoiles. »

(Vol de nuit, XV)

 

« Ils séparent la pensée de l'action, comme d'autres l'action du rêve. Ils font travail d'analystes ou d'historiens ; et, bien sûr, ils ne réussissent pas à s'insérer dans les démarches de la vie. »

(Carnets, p. 145)

 

Citadelle

 

Saint-Exupéry parlait de Citadelle comme de son œuvre posthume. Les premières pages sont écrites dès 1936, en même temps que Terre des hommes, Pilote de guerre, Le Petit Prince. L'ensemble constitue une réflexion sur la condition humaine et la relation entre l'homme et Dieu.

Quelle forme Saint-Exupéry aurait-il donnée pour une publication ? La première date de 1948 : le manuscrit est présenté en 219 chapitres dont l’ordre n’est peut-être pas celui que Saint-Ex aurait choisi.

Les pensées sont écrites à la première personne : un chef berbère dont le père du « sang des aigles » a été assassiné, transmet la sagesse qu'il lui a enseignée.

Comme dans le Zarathoustra, on peut lire un conte, puis une réflexion politique, enfin une méditation spirituelle.

 

« Obstiné, je montais vers Dieu pour lui demander la raison des choses, et me faire expliquer où conduisait l'échange que l'on avait prétendu m'imposer.

Mais au sommet de la montagne je ne découvris qu'un bloc pesant de granit noir – lequel était Dieu. »

(Citadelle, LXXIII)

 

« Mais il se trouva que mon désespoir faisait place à une sérénité inattendue et singulière. J'enfonçais dans la boue du chemin, je m'écorchais aux ronces, je luttais contre le fouet des rafales et cependant se faisait en moi une sorte de clarté égale. Car je ne savais rien mais il n'était rien que j'eusse pu connaître sans écœurement. Car je n'avais point touché Dieu, mais un dieu qui se laisse toucher n'est plus un dieu. Ni s'il obéit à la prière. Et pour la première fois, je devinais que la grandeur de la prière réside d'abord en ce qu'il n'y est point répondu et que n'entre point dans cet échange la laideur d'un commerce. Et que l'apprentissage de la prière est l'apprentissage du silence. Et que commence l'amour là seulement où il n'est plus de don à attendre. L'amour d'abord est exercice de la prière et la prière exercice du silence. »

(Citadelle, LXXIII)

 

« Car j'ai vu trop souvent la pitié s'égarer. Mais nous qui gouvernons les hommes, nous avons appris à sonder leurs cœurs afin de n'accorder notre sollicitude qu'à l'objet digne d'égards. Mais cette pitié, je la refuse aux blessures ostentatoires qui tourmentent le cœur des femmes, comme aux moribonds, et comme aux morts. Et je sais pourquoi. »

(Citadelle, I)

 

* * *

 

On peut voir l'adaptation de Courrier Sud au cinéma par Saint-Exupéry et Pierre Billon, 1934 – austère, intéressant.

 

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4 octobre 2014 6 04 /10 /octobre /2014 23:47
Reinhard Jirgl, Renégat, roman du temps nerveux – des !gens ignobles

Reinhard Jirgl, Renégat, roman du temps nerveux, Carl Hanser Verlag, 2005, traduit de l'allemand par Martine Rémon, Quidam Editeur, 2010 – Conception graphique et illustration de couverture : Marion Bataille, d'après Falling Man II, 2001, de Richard Artswager ; le logo est de Mœbius

 

Un journaliste en rupture de ban, alcoolique et divorcé, entreprend une cure de désintoxication et tombe amoureux de sa thérapeute. Il quitte Hambourg pour la suivre à Berlin. Un ancien garde-frontière, fou de douleur après la mort de sa femme, se fait taxi de nuit pour retrouver une jeune Ukrainienne, réfugiée clandestine, afin de l'arracher à un avenir glauque. Leurs destins se croisent dans le Berlin des années 2000, ville en plein bouleversement, redevenue la capitale d'un pays toujours confronté, dix ans après la chute du Mur, à la réunification et à l'arrivée de nouveaux immigrants. Par sa narration en strates, Renégat, roman du temps nerveux entraîne dans le dédale des sentiments deux hommes venus là par amour et par désir d'un nouveau départ. Reinhard Jirgl tisse, dans une langue étrangère à sa propre langue, autant un faisceau d'histoires autour de destinées individuelles que de réflexions sociales critiques radicales.

4e de couverture

Reinhard Jirgl, Renégat, roman du temps nerveux – des !gens ignobles

Reinhard Jirgl est né en 1953 à Berlin où il réside toujours. Lauréat du prix Georg-Büchner 2010, ainsi que des prix Alfred-Döblin et Josef-Breitbach, il est l'auteur de Inachevés, Quidam, 2007.

Renégat a reçu le prix du Meilleur roman Technikart 2010.

 

Alexandre Scriabine, Sonate nº 3 op. 23 en fa dièse mineur, États d'Ame, 1897-1898, premier mouvement : Drammatico, Vladimir Sofronitsky, Classound, 1952

 

Toutalentour les hommes & leurs histoires, qui font main basse=sur moi é qui me terrifient. Je les enfermerai dans Monlivre. Car la peur est la prison des mots. Je m'avance vers eux et m'aventure dans un Paysage Inconnu.

 

Les réfugiés sont des !gens ignobles, & ce qu'ils obtiennent, c'est un bonheur ignoble..... La voix habituellement si douce de Krystyna se brisa, de la haine dans ses yeux clairs.

[…]

Ma famile est originaire de Białystok, une ville industrielle au nord-est de la Pologne, à 50 km environ de la frontière russe.

[…]

L-Armée-Rouge entra dans Białystok en 1939.

[…]

Et plus tard, quand les-Allemands arrivèrent Duranlaguerre […]

Pendant ce temps Krystyna avait continué de parler […] – Et ne subsiste de la liberté que ce que les hommes lui ont trouvé de séduisant en=tout=temps : la possibilité de s'entretuer. Takà aller faire un tour à Berlin et voir ce !qui est arrivé à tant de gens. – C'était Hermann qui parlait à présent.

Les immigrés=eux-mêmes rencontrent les ! Plusgrosses difficultés avec leurs propres enfants […] manigances castagnes & agressions, briser les vitrines des magasins, brûler des voitures, menacer Dautregens avec leurs couteaux & les poignarder – : leurs propres parents sont impuissants face à cela.

 

Au-delà du pont de l'Oder, la frontière franchie, Slubice. Un café. Une jeune femme.

Cela prenait presque une tournure de rendez-vous galant à présent : le soir dans le petit café polonais ; à la rencontre d'1 femme avec laquelle je n'avais pas encore échangé le moindre mot.

Valentina – sa famille était originaire d'Ukraine.

 

[…] 1 sentiment taraudant avait grandi en-moi, quelque chose proche de la colère mais qui n'irait pas en s'amplifiant, flambant juste à la surface comme lorsque l'on se sent offensé par des mensonges idiots. Car il faut bien en convenir, c'est chaquejour=lelotquotidien de l'individu de se voir sans cesse trompé : le mensonge est la relation la plus normale entre les gens.

 

               « Cette crapule invulnérable

               Comme les machines de fer

               Jamais, ni l'été, ni l'hiver

               N'a connu l'amour véritable. »

               Charles Baudelaire,

               Le vin de l'assassin, Les Fleurs du Mal

 

Les voisins (la plupart m'était connue de mes années d'enfance&de jeunesse ; ils n'avaient pas comme-moi déménagé en-ville, mais étaient restés sur-place dans les fermes de leurs pères), dans mon dos ils parlaient maintenant de mon cas, en toute décontraction, comme si je ne leur tenais pas compagnie ce soir-là, dans la lueur éventée du bistrot, mais les avait quittés depuis des lustres eux & Lepays. – l est v'nu ici kpour réclamer – (disait 1 voix venue du bout de la table) – maintenant va ben falloir voir comment ki sen sortira là-bas...

 

Qui écrit est incapable de tuer. Mon manuscrit est mon alibi. Je suis resté Anonyme.

[…]

Là-dessus, j'allonge fermement..... le pas et libéré, j'entre dans mon paysage.

 

Ce sont les dernières lignes de ce roman de 520 pages.

 

Un journaliste en rupture de ban, alcoolique et divorcé... Un ancien garde-frontière, fou de douleur après la mort de sa femme... Comment dire la vérité ?de-maintenant avec des clichés-d'avant-hier. Cet ouvrage entre au-rayon des chefs-d’œuvre & ils sont peu nombreux de nos jours. On ne peut pas le résumer = c'est-comme pour quelquesautresrares œuvres présentées dans ces-pages.

 

Reinhard Jirgl tisse, dans une langue étrangère à sa propre langue, autant un faisceau d'histoires autour de destinées individuelles que de réflexions sociales critiques radicales.

 

Quelques citations ont montré la pensée.

 

On aura perçu une écriture déconstruite dans un récit en lambeaux. La ponctuation (maladroitement imitée dans les lignes qui précèdent) marque le rythme de la lecture. La « langue étrangère » semble s'apparenter à celle des SMS : dès la première page, on lit « chac-1 », pour « chacun » ; on notera l'erreur : les pratiquants du « lol » font des erreurs.

C'est vrai, nous ne pouvons nous référer qu'à la traduction. Nous avons déjà écrit que les traducteurs étaient des écrivains, ils n'ont pas inventé l'histoire mais ils sont les auteurs des textes. Unefoisencore=!hommage.

 

Les citations sont fortement connotées, très peu de lecteurs peuvent le voir.

 

Mais pourquoi Scriabine ? demande un impertinent.

 

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30 septembre 2014 2 30 /09 /septembre /2014 23:01

_ Bonjour, monsieur Mimile ! Toujours dans le mille ?

_ crédju, m'sieur Lou, où c't'y qu'vous était !?

_ Chez moi, très discret derrière mon portail toujours fermé.

_ ho ! Mimile ! si que t'as pas l'arthérose du coude, t'en ouvres une !

_ a'c eul z'olives ?

_ Mon petit Mimile – vous permettez que je vous appelle mon petit Mimile ?

_ j'permets pas, j'préconise.

_ Mimile, vous savez que notre ami Popol est pour la continuité sans le changement. Pour moi, ce sera un thé avec une rondelle de citron.

_ dame, on s'languissait, m'sieur Lou, c'était qui de c't'affaire ?

_ Des nuisibles, des plaisantins, mon cher Popol.

_ vous avez-t-y r'pris vos cours su' Libellus ?

_ Oui, et de nouvelles lectures vous attendent, Bébert. Vous aurez même bientôt un sujet de dissertation à traiter.

_ vindju, m'sieur Lou, s'y faut r'tourner à l'école de c't'heure !

_ Vous pourrez poser des questions dans z'eul commentaires, et je vous proposerai mon aide. Voici le sujet :

« Chercher la vérité, c'est se faire du mal à soi-même. »

Vous développerez, vous expliquerez, vous illustrerez cette sentence de Pierre de Sallen, penseur contemporain.

_ tudju ! y a des vérités qu'y faut mieux pas savoir, c'est c'que j'dis.

_ ho ! Mimile ! t'oublies que l'sujet, c'est cher-cher.

_ qui qu't'as, Popol, tu vas-t-y nous fair' la l'çon ?

_ Mao-tsé-toung l'a dit, après Lao-tseu : mieux vaut chercher là où il n'y a rien que trouver là où il y a quelque chose.

_ hé, la patronne, tu nous fait r'monter eun caisse, y a Popol qu'a besoin d'fortifiants.

_ Ce que dit monsieur Popol est intéressant. Toutefois, il conviendrait simplement d'inverser les termes de sa citation.

_ ho ! la patronne ! t'amènes eun aspirine avec.

 

* * *

 

Chez Mimile - les routes ne sont plus sûres

http://www.libellus-libellus.fr/article-chez-mimile-les-routes-ne-sont-plus-sures-76113033.html

 

Chez Mimile_02 – Oursel et Avarie

http://www.libellus-libellus.fr/article-chez-mimile_02-oursel-et-avarie-77106636.html

 

Chez mimile_03 – dans le commerce, rien ne va plus

http://www.libellus-libellus.fr/article-chez-mimile_03-dans-le-commerce-rien-ne-va-plus-103922190.html

 

Chez Mimile_04 – la Poste-Par-Tom

http://www.libellus-libellus.fr/article-chez-mimile_04-la-poste-par-tom-112341909.html

 

Chez Mimile_05 – dieu est mort

http://www.libellus-libellus.fr/article-chez-mimile_05-dieu-est-mort-120699744.html

 

Chez Mimile_06 – Meurtre à la batte

http://www.libellus-libellus.fr/article-chez-mimile_06-meurtre-a-la-batte-thouars-deux-sevres-121863739.html

 

Chez Mimile_07 – pour faire bref

http://www.libellus-libellus.fr/article-chez-mimile_07-pour-faire-bref-122582341.html

 

Chez Mimile_08 – sortie des burnes

http://www.libellus-libellus.fr/article-chez-mimile_08-resultat-des-burnes-123192022.html

 

Retrouvez la bande à Mimile chez les dames du Thérondelle.

 

Le thérondelle_17 – chez Mimile

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_17-chez-mimile-113481887.html

 

Le thérondelle_21 – Saint Kitts and Nevis, home, sweet confectionery

http://www.libellus-libellus.fr/article-le-therondelle_21-saint-kitts-and-nevis-home-sweet-confectionery-119313078.html

 

 

 

 

_ _ _

 

A NE PAS LIRE

 

http://fa-cantal.blogspot.fr/2014/01/on-peut-rire-de-tout-mais-pas-avec.html

dimanche 19 janvier 2014

« On peut rire de tout mais pas avec n'importe qui. » Pierre Desproges

Et surtout pas avec Manuel Valls !

Fédération Anarchiste, Groupe Marguerite Agutte - Cantal

 

- - -

 

http://www.federation-anarchiste.org/spip.php?article1232

Communiqué : Article du Monde Libertaire gratuit

dimanche 2 mars 2014

Un article inadmissible a échappé à la vigilance de nos camarades du Monde Libertaire Gratuit. L’article "« on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui » Pierre Desproges, ET SURTOUT PAS AVEC MANUEL VALLS !" dans le numéro 48, n’aurait jamais dû paraître dans notre presse, pour des raisons évidentes à celles et ceux qui l’auront lu. Il s’agit bien évidemment d’une erreur, la personne ayant écrit cet article ne fait pas partie de notre organisation et ne représente pas davantage notre position politique. Nous allons rechercher collectivement la source de ce dysfonctionnement. Nous demandons aux personnes qui auraient encore ce numéro 48 sur leurs blogs ou sites internet de bien vouloir le retirer de la circulation.

 

La Fédération Anarchiste

 

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27 septembre 2014 6 27 /09 /septembre /2014 00:15
Éric Dupont, La Fiancée américaine – ses yeux sarcelle

Éric Dupont, La Fiancée américaine, Éditions Marchand de feuilles, 2012, éditions du Toucan, 2014

 

Un gâteau renversé à l'ananas peut-il changer le cours de l'histoire ?

Aux confins enneigés du Québec, l'histoire d'une famille étonnante, un clan de bûcherons, de croque-morts et d'entrepreneurs, marqué pour l'éternité par Madeleine, cette « fiancée » venue d'Amérique avec pour seul trésor son livre de recettes.

La Fiancée américaine est une extraordinaire saga familiale campée entre la petite ville de Rivière-du-Loup, sur les bords du fleuve Saint-Laurent, Rome et Berlin. On se laisse emporter par la genèse et le destin d'une lignée rare, peuplée d'hommes forts, de religieuses québécoises et de petites filles aux yeux bleus qui utilisent les tartes au sirop pour tuer leur frère.

Inspiré de faits bien entendu réels, ce roman célèbre la femme de façon unique. C'est un récit qu'on lit la main sur le cœur et l'esprit porté par le vent qui souffle, paraît-il, du bar de Rivière-du-Loup jusqu'au château Saint-Ange de Rome.

4e de couverture

Éric Dupont, La Fiancée américaine – ses yeux sarcelle

Éric Dupont, né à Amqui, Gaspésie, en 1970, est professeur de littérature à l'Université McGill de Montréal. La Fiancée américaine (Prix des libraires du Québec 2013, Prix des Collégiens 2013) est son quatrième roman, après Voleurs de sucre (2004, Prix Senghor de la francophonie), La logeuse (Lauréat du Combat des livres 2006) et Bestiaire (un des cinq meilleurs romans de l'année 2008 selon le journal La Presse).

 

Quelques années avant d'être forcée par sa mère à monter dans un autobus pour New York en plein blizzard de décembre, Madeleine Lamontagne avait été une petite fille qui aimait par-dessus tout les lapins de Pâques, les sapins de Noël et les histoires de Louis Lamontagne, son papa.

[…] les histoires épouvantablement fabuleuses de Papa Louis, comme la fois où il avait battu de justesse Manitoba Bill – le Pied-noir aux yeux bleus – au bras de fer, ou l'improbable récit de cette nuit de la Saint-Jean où il avait dansé avec la bonne femme Téton sur la route Transcanadienne derrière Saint-Antonin.

 

Louis Lamontagne, dit Cheval Lamontagne, remportait les concours d'hommes forts dans les foires.

 

Le décor est planté : Noël, la neige, Pâques, la Saint-Jean, puis la neige encore.

 

Une famille, plusieurs générations, la même histoire.

 

Papa Louis était un petit Jésus. Le fait était connu. Mais sa mère Madeleine, dite Madeleine l'Américaine, pour ne pas la confondre avec Madeleine-la-Mére et toutes les Madeleine qui s'étaient succédé depuis l'arrivée en terre canadienne de l'ancêtre Lamontagne, et son père Louis-Benjamin Lamontagne, eux, ne l'avaient pas su d'avance. Même qu'on s'attendait à ce que Papa Louis naisse bien après les Rois, de sorte qu'on avait pas fait trop attention.

[…]

C'était décembre 1918 dans la vieille Rivière-du-Loup qu'on appelait Fraserville. Louis-Benjamin Lamontagne et sa femme Madeleine l'Américaine attendaient leur premier enfant dans l'hiver glacial et silencieux du Bas-Saint-Laurent.

Pourquoi on l'appelait l'Américaine, Grand-Maman Madeleine ? Pis pourquoi toutes les femmes s'appellent Madeleine dans tes histoires ?

 

Madeleine-la-Mére, grand-mère de Louis Lamontagne, mère de Louis-Benjamin, a fait venir l'Américaine au Canada : elle avait souhaité que son fils, né le 14 janvier 1900, épousât, comme son père, une Madeleine.

Le 1er mars 1918, une jeune fille aux yeux sarcelle se présenta : ce fut le coup de foudre.

Le mariage fut célébré le 3 avril.

 

On a festoyé.

Éric Dupont, La Fiancée américaine – ses yeux sarcelle

Pieter Brueghel l'Ancien, Le repas de noces

 

Pour Noël, le curé Cousineau de l'église Saint-François-Xavier voulait monter une Nativité en chair et en os pour animer sa messe de minuit. La nuit de Noël, Madeleine l'Américaine accouche dans l'église. Une fille morte avant de naître, puis un fils bien vivant. Madeleine, déchirée, n'a pas survécu.

Éric Dupont, La Fiancée américaine – ses yeux sarcelle

Pieter Brueghel le Jeune, Le Dénombrement de Bethléem, ca 1605-1610, musée des Bons-Enfants, Maastricht

 

La petite fille qui aimait les histoires de Louis Lamontagne, son papa, c'est Madeleine Lamontagne.

En 1955, Solange Bérubé, cinq ans, comme Madeleine, est sa voisine. Sa mère lui interdit d'aller chez les Lamontagne. Certes, Louis est croque-mort de son état, et pourtant c'est sa femme, Irène, que l'on fuit.

Les deux fillettes se lient d'amitié. Un mot de Solange à Madeleine : « Pour toujours. Toi, moi et Lazare. S. »

Un jour, Irène fait cuire Lazare, le chat de Solange.

 

En juin 1968, le petit Luc Lamontagne est retrouvé mort, asphyxié dans un cercueil. C'était une partie de cache-cache. Papa Louis monte à l'organiste, lors des funérailles : « Je veux que tu joues Que ma joie demeure. »

 

Johann Sebastian Bach, Jesu bleibet meine Freude (Jésus, que ma joie demeure), cantate Herz und Mund und Tat und Leben (Le cœur, la bouche, l'action et la vie), BWV 147, 1723, transcription pour orgue de Maurice Duruflé, int. János Pálúr, Művészetek Palotája (Palais des Arts), Budapest, 2008

 

Le père Lecavalier, prêtre et peintre, vient composer un nouveau chemin de croix à l'église. Il est invité à souper chez les religieuses. On lui a préparé un gâteau, avec des tranches d'ananas et des cerises au marasquin. Un nouveau confesseur, et tant de nouveaux pécheurs, et surtout, de nouvelles et d'anciennes pécheresses !

En peignant, il chante.

 

Giacomo Puccini, Tosca, 1900 / Recondita armonia, int. Placido Domingo

 

Recondita armonia di bellezze diverse !

È bruna Floria, l'ardente amante mia.

E te, beltade ignota, cinta di chiome bionde,

Tu azzurro hai l'occhio,

Tosca ha l'occhio nero !

L'arte nel suo mistero,

le diverse bellezze insiem confonde...

Ma nel ritrar costei,

Il mio solo pensiero,

Il mio sol pensier sei tu,

Tosca, sei tu !

 

Madeleine-la-mère-des-jumeaux, la petite Madeleine, a donné naissance à Gabriel et Michel. Elle confie Gabriel (tout le portrait de Louis) à Solange et garde Michel, plus frêle.

Le 2 mai 1969, les deux jeunes femmes créent le premier Chez Mado, à Montréal, au coin des rues Saint-Hubert et Beaubien.

Chez Mado devint la gargote à déjeuner la plus courue du quartier. […] Madeleine aux fourneaux, Solange au service.

Éric Dupont, La Fiancée américaine – ses yeux sarcelle

Les temps ont changé.

 

Les histoires imbriquées dans l'histoire ne peuvent se réduire à un résumé. Comment rendre compte de l'humour, parfois macabre, des allusions gourmandes ou grivoises ?

 

On lira avec intérêt la chronique chantante de Topinambulle, et celle, très belle, de Venise.

Éric Dupont, La Fiancée américaine – ses yeux sarcelle

Québec en septembre, une idée de Karine.

 

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20 septembre 2014 6 20 /09 /septembre /2014 23:01
Jón Kalman Stefánsson, Entre ciel et terre –  rien qu'un simple vêtement

Jón Kalman Stefánsson, Entre ciel et terre, Jón Kalman Stefánsson, 2007, traduit de l'islandais par Éric Boury, Gallimard, 2010

Photo © Tom Nagy/Gallery Stock (détail)

 

« Certains mots sont probablement aptes à changer le monde, ils ont le pouvoir de nous consoler et de sécher nos larmes. Certains mots sont des balles de fusil, d’autres des notes de violon. Certains sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le cœur et il est même possible de les dépêcher comme des cohortes de sauveteurs quand les jours sont contraires et que nous ne sommes peut-être ni vivants ni morts. »

Parfois les mots font que l'on meurt de froid. Cela arrive à Bárður, pêcheur à la morue parti en mer sans sa vareuse. Trop occupé à retenir les vers du Paradis perdu, du grand poète anglais Milton, il n'a pensé ni aux préparatifs de son équipage ni à se protéger du mauvais temps. Quand, de retour sur la terre ferme, ses camarades sortent du bateau le cadavre gelé de Bárður, son meilleur ami, qui n'est pas parvenu à le sauver, entame un périlleux voyage à travers l'île pour rendre à son propriétaire, un vieux capitaine devenu aveugle, ce livre dans lequel Bárður s'était fatalement plongé, et pour avoir s'il a encore la force et l'envie de continuer à vivre.

Par la grâce d'une narration où chaque mot est à sa place, nous accompagnons dans son voyage initiatique un jeune pêcheur islandais qui pleure son meilleur ami : sa douleur devient la nôtre, puis son espoir aussi. Entre ciel et terre, d'une force hypnotique, nous offre une de ces lectures trop rares dont on ne sort pas indemne. Une révélation.

4e de couverture

Jón Kalman Stefánsson, Entre ciel et terre –  rien qu'un simple vêtement

Jón Kalman Stefánsson, né à Reykjavík en 1963, est poète, romancier et traducteur. Son œuvre a reçu les plus hautes distinctions littéraires de son pays, où il figure parmi les auteurs islandais actuels les plus importants. Entre ciel et terre est son premier roman traduit en français.

 

Nous sommes presque

uniquement constitués de ténèbres

 

Il y a plus de cent ans...

 

L'existence humaine se résume à une course contre la noirceur du monde, les traîtrises, la cruauté, la lâcheté, une course qui paraît si souvent tellement désespérée, mais que nous livrons tout de même tant que l'espoir subsiste.

 

Les autorités et les marchands règlent peut-être nos misérables jours, mais ce sont les montagnes et la mer qui règnent sur nos vies.

 

[…] constamment dans la vie, ceux qui ne sont pas assez forts sont obligés de nettoyer la merde des autres.

 

Le Paradis perdu de Milton est le livre de chevet de Bárður.

 

S'en vient le soir

Qui pose sa capuche

Emplie d'ombre

Sur toute chose,

Tombe le silence,

Déjà se lovent

La bête sur son lit d'humus

L'oiseau dans son nid

Pour le repos nocturne.

 

Il y a le café, le tabac, la lune – dont la lumière « obscurcit les ombres, donne du mystère au monde », et qu'on ne pourrait atteindre sur une barque à six rames.

Bárður ne chique pas, « la tête pleine de poème et de paradis perdu ». Andréa, de vingt-cinq ans son aînée, lui parle : « ce que tu peux être beau, mon petit, dit-elle en caressant sa barbe de ses deux mains qu'elle laisse glisser le long de sa gorge nue... […]. Seulement pour toi, Andréa, répond-il avec un sourire. »

 

Mais tout finit par s'estomper, les souvenirs par s'effacer et au bout du compte, toute chose trépasse. Là où il y avait autrefois vie et lumière ne subsistent qu'ombre et oubli. Le père du gamin meurt, la mer l'engloutit et ne le rend jamais.

 

Sur les marges, sous l'abri.

[…] encore un de ces satanés bonimenteurs, encore un de ces hommes politiques, saviez-vous que seuls bien peu de gens supportent l'exercice du pouvoir sans en être souillés ?

 

Ils enfilent leurs vareuses car, malgré leurs chandails aux mailles serrées, la bise glaciale les transperce aisément et le fait qu'ils soient trempés de sueur n'arrange rien à l'affaire. Chacun attrape sa vareuse, à l'exception de Bárður dont la main se referme sur le vide, elle s'immobilise, suspendue en l'air et il jure à haute voix. Quoi ? Demande le gamin. Satanée vareuse, je l'ai oubliée, et Bárður jure une fois de plus, il se maudit de s'être inutilement employé à fixer dans sa mémoire les vers du Paradis perdu, de s'être ainsi concentré au point d'en oublier sa vareuse.

[…] Bárður a cessé de voir, ses yeux n'ont plus aucune expression. […] le froid a placé Bárður sous son emprise.

 

Retour au baraquement, Bárður est déposé sur la table dont on se sert pour appâter les lignes. Le silence.

 

Un corps trépassé ne sert à rien, nous pouvons tout aussi bien nous en débarrasser. Le gamin jette un regard par en dessous, la trappe levée et une ouverture vers la mort. L'enfer est un être défunt. Il avance sa main droite sur le côté, caresse le livre qui a fait oublier sa vareuse à Bárður. Lire des poèmes vous met en danger de mort.

[…] le Paradis perdu.

La mort est-elle peut-être la perte du paradis ?

 

Le gamin part vers le Village, il ne pourrait rester sans Bárður, il rapporte au vieux capitaine aveugle le livre prêté. Milton était aveugle.

[…] la frontière est si fine, qui sépare la vie de la mort : rien qu'un simple vêtement, une vareuse.

D'abord il y a la vie et ensuite, il y a la mort.

 

Mourir est le mouvement absolument blanc, lit-on dans un poème.

 

Lífið, það er líf

á langferð undir stjörnunum.

Að deyja, það er aðeins

hin alhvíta hreyfing.

 

La vie, c'est la vie en un long voyage sous les étoiles. Mourir, ce n'est rien que le mouvement absolument blanc.

Hannes Pétursson, Steinn, 1958, à la mémoire de Steinn Steinarr, in 36 ljóð, 1983

 

Quelques aphorismes encore.

 

[…] l'enfer, c'est d'être mort et de prendre conscience que vous n'avez pas accordé assez d'attention à la vie à l'époque où vous en aviez la possibilité.

 

Les mots sont de nature diverse.

Certains mots sont lumineux, d'autres chargés d'ombre.

 

Sans le péché, il n'est nulle vie.

 

Et les dernières lignes.

 

Il s'est mis à neiger. La neige tombe, feutrée, derrière les vitres, de gros flocons qui virevoltent, ils ont les ailes des anges pour modèle. Le gamin est assis, immobile ; dehors, des ailes d'anges tourbillonnent, il regarde Bárður se dissoudre lentement et n'être bientôt plus qu'un souffle d'air froid, un frisson.

 

Un roman noir, où l'on peut lire l'insignifiance de la vie et l'absolu de son sens : rien qu'un simple vêtement.

Une écriture magnifique, tellement simple et émouvante.

 

 

Islandica, Hestaskál og Heilræði, traditionnel, in album Best of Islandica, Favourite Folk Songs of Iceland, 1996

 

* * *

 

A lire :

 

La chronique de des pas perdus.

 

L'Islande vue par des pas perdus, Street Art, Reykjavik, Island Street Art, Retour d'Islande.

 

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16 septembre 2014 2 16 /09 /septembre /2014 23:01
Sophie Marvaud, Meurtre chez les Magdaléniens – pour quelques encoches de plus

Sophie Marvaud, Meurtre chez les Magdaléniens, Éditions du Patrimoine / Nouveau Monde éditions, 2014 – Couverture : burin double à bec de perroquet, 17.000-11.000 av. J.-C.

 

Écoutez les rhombes, les flûtes, les cornes, les percussions, les voix – légende, crédits et document complet en annexe.

 

Il y a 15 000 ans, alors que le nord de l'Europe est recouvert de glaciers, le sud-ouest de la France bénéficie d'un climat sec et ensoleillé. Dans les vallées bien exposées du Périgord, les petits groupes nomades de chasseurs-cueilleurs, assurés de pouvoir se nourrir, ont du temps pour sculpter les parois des grottes, graver leurs outils et jouer de la musique. Parmi eux, la famille des Quatre-Encoches du clan des Grandes-Mains-Blanches occupe la vallée de la Vézère. Un événement met soudain en danger l'harmonie du clan : Iranie, la jeune fille que la chamane Puissance-de-Licorne vient de choisir comme apprentie, est assassinée. Elle-même menacée, Puissance-de-Licorne parvient à mettre en lumière les tensions souterraines qui divisent les Grandes-Mains-Blanches. Pour rétablir la solidarité et la sérénité au sein du groupe, sans entrer dans la spirale de la violence, elle devra à tout prix découvrir le meurtrier.

4e de couverture

Sophie Marvaud, Meurtre chez les Magdaléniens – pour quelques encoches de plus

Historienne et romancière, Sophie Marvaud a publié notamment Le Secret des cartographes (Plon, 2008, Livre de poche, 2010, lauréate du prix Saint-Maur en poche) et Suzie la rebelle dans la Grande Guerre (Nouveau Monde éditions, 2014). Conseillée par les plus grands spécialistes, Sophie Marvaud aborde dans Meurtre chez les Magdaléniens la question des rapports sociaux dans la préhistoire.

4e de couverture

 

Le groupe familial des Quatre-Encoches compte dix-sept membres. Iranie est morte. Fuligule, sa sœur, 7 ans, Marouette, fille de Fierté-de-Mégacéros et de Constance d'Etagne, 5 ans, Courlis, fils d'Agilité-de-Bouquetin et d'Affection-de-Lionne, 9 ans, Colombin, fils de Prudence-de-Félin et d’Énergie-d'Ourse, 1 an, sont innocents. Il en reste douze, seuls huit d'entre eux peuvent être soupçonnés.

Fierté-de-Mégacéros est infirme, ses pieds sont déformés, son allure, bancale. Il s'enfuit du campement en emmenant son fils, Guillemot, dont les pieds sont tordus.

 

Puissance-de-Licorne, la chamane, enquête.

 

Générosité-d'Aurochs est morte, piétinée par une harde folle de rennes. Fierté-de-Mégacéros revient, sans son fils. On croit, un temps, Puissance-de-Licorne morte, écrasée par les rennes.

 

Iranie avait donc été assassinée par un Quatre-Encoches.

 

Dès la page 37, les huit suspects sont présents.

 

Elle savait maintenant qui avait tué Iranie, et pourquoi.

 

Puissance-de-Licorne vit en hiver dans la grotte sacrée des Cents-Juments – la Grotte des Combarelles.

Sophie Marvaud, Meurtre chez les Magdaléniens – pour quelques encoches de plus
Sophie Marvaud, Meurtre chez les Magdaléniens – pour quelques encoches de plus

Grotte de La Marche, Triangle gravé sur une incisive de cheval, Magdalénien

Les encoches sont là : triangles, carrés, cercles, traits.

 

On apprend au fil du récit la palabre d'antan, les négociations sociales et amoureuses, l'organisation des chasses. Les rites.

 

Grâce-de-Biche sera la nouvelle chamane.

 

On a repêché une mammouthe noyée dans la crue du fleuve, près de chez Vaillance-de-Générosité-d'Aurochs. Fine cuisinière, elle nous a préparé la cervelle, bouillie aux herbes du terroir. C'était très fin. On en a pris deux fois.

 

Un indice ?

Sophie Marvaud, Meurtre chez les Magdaléniens – pour quelques encoches de plus

Lascaux, scène du puits

 

* * *

 

ANNEXE

 

 

Songs of the Caves, 2014

 

Pour en savoir plus...

 

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12 septembre 2014 5 12 /09 /septembre /2014 23:01
Nicolas Lebel, Le jour des morts – un empoisonnement
Nicolas Lebel, Le jour des morts – un empoisonnement

Nicolas Lebel, Le jour des morts, Marabooks, 2014

Nicolas Lebel, Le jour des morts – un empoisonnement
Nicolas Lebel, Le jour des morts – un empoisonnement

La pluie continuait de tomber, un peu plus fort que la veille au soir, mais le temps restait raisonnable pour la saison : c'est ce qu'avait dit la télé.

 

On commence dans le sublime : on reste raisonnable. On attend la page 65.

 

[…] Nous avons... un problème à l'hôpital...

Il reprit plus bas :

Un mort...

Un mort ? A l'hôpital ? C'est un peu sa place, non ? Et puis... c'est votre rayon, la mort...

[...]

Je veux dire un meurtre, monsieur Mehrlicht. Il y a eu un meurtre à l'hôpital.

 

On attend, encore, la page 69 pour apprendre qu'il s'agit d'un empoisonnement.

 

Un empoisonnement, deux empoisonnements, trois empoisonnements, ça devient empoisonnant.

A la source, il y a Mèlas-la-Noire, dans le Limousin. Ne cherchez pas, ça n'existe pas non plus.

Quelques empoisonnements encore. Pour faire 377 pages, il faut durer. Pendant ce temps, le lecteur poireaute.

 

Finalement... vous pouvez passer à la fin, le coupable, ce sont deux coupables : la grand-mère et la petite-fille. Elles se ressemblent tellement qu'on a pu croire à une empoisonneuse éternellement jeune pendant soixante-dix-ans.

C'est l'histoire d'une vengeance.

 

C'est en 1943 que tout a commencé...

Dans la France occupée...

 

C'est politique.

 

« Discite justitiam moniti, et non temnere Divos. »

Virgile, Enéide, livre VI, v. 620

On vous donne le bon texte et la référence juste.

 

Finis coronat opus.

 

* * *

 

L'image de couverture – © Dimitri Simon – est très bien, très fine, comme le montre le détail ci-dessus. Après... il y a 377 pages.

 

* * *

 

D'autres lecteurs n'ont pas connu l'ennui : Sandra, et gruznamur.

 

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8 septembre 2014 1 08 /09 /septembre /2014 23:01

 

Maurice Duruflé, Requiem, Pie Jesu, 1947 – Rannveig Braga, Hannfried Lucke, orgue de Reykjavik Hallgrímskirkja, Hallgrímskirkja Motet Choir, dir. Hördur Askelsson, Thorofon, 1996

Sorj Chalandon, Le quatrième mur – Ils ont tué Antigone

Sorj Chalandon, Le quatrième mur, Grasset, 2013

 

L'idée de Sam était belle et folle : monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé. Samuel était grec. Juif, aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m'a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l'a fait promettre, à moi, petit théâtreux de patronage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982, main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m'offre brutalement la sienne...

4e de couverture

Sorj Chalandon, Le quatrième mur – Ils ont tué Antigone

Sorj Chalandon, né en 1952, a été longtemps journaliste à Libération avant de rejoindre Le Canard Enchaîné. Ses reportages sur l'Irlande du Nord et le procès Klaus Barbie lui ont valu le Prix Albert-Londres en 1988. Il a publié, chez Grasset, Le petit Bonzi (2005), Une promesse (2006, prix Médicis), Mon traître (2008), La légende de nos pères (2009), Retour à Killybegs (2011, Grand Prix du Roman de l'Académie française).

Il a reçu le Prix des libraires du Québec 2014 (catégorie Roman hors du Québec) et le Prix Goncourt des lycéens 2013 pour Le quatrième mur.

 

Voilà. Ces personnages vont vous jouer l'histoire d'Antigone. Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu'elle va être Antigone tout à l'heure, qu'elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout...

Jean Anouilh, Antigone, 1944

 

Samuel est comme un frère, Aurore est devenue la femme de Georges, Louise, leur fille, est venue au monde.

 

Aurore à Georges.

Tous les mots devraient pouvoir être féminisés, avait-elle lancé lors d'une réunion en 1973, alors que nous rédigions un tract de soutien à la création du Front Polisario.

Tous les mots ? Toutes les mottes, alors ? j'avais répondu en riant.

Elle m'avait traité de macho, d'idiot congénital.

 

Georges a connu La Cause du peuple, les manifs, il n'a pas connu la guerre.

 

Samuel Akounis était juif.

Ses parents, Yechoua et Rachel, son frère, Pepo, sa sœur, Reina, sont partis pour Birkenau par le convoi du 15 mars 1943.

Sais-tu combien de Juifs de Salonique sont morts dans les camps ?

[...]

Près de 55.000. C'est Brunner qui a planifié la Shoah des Séfarades.

[...]

Alois Brunner. Tu te souviens ?

 

Lorsque le rideau se lève, les acteurs sont en scène, occupés à ne pas nous voir, protégés par le quatrième mur.

 

Samuel est mourant. A Paris. Il demande à son frère de monter son Antigone à Beyrouth, avec des acteurs de toutes les factions.

Imane, l'institutrice palestinienne, sera Antigone. Il y aura les phalangistes chrétiens, les chiites...

Qui tire ?

[...]

C'est le Liban qui tire sur le Liban.

[...]

Antigone était dos au mur, fusillée par la ville entière.

 

Je suis arrivé le premier au théâtre, mercredi 24 février 1982, à 7 heures du matin.

 

La Nourrice dit :

En arrivant ici, nous avons enlevé nos brassards. Je propose d'oublier aussi nos religions, nos noms, notre camp. Nous sommes des acteurs.

 

Samuel veut entendre sur la scène le Requiem de Maurice Duruflé, le Pie Jesu.

 

Antigone en février 1944. Jean Anouilh. L'idée était venue à l'été 1941 :

Le 27 août, à Versailles, l'ouvrier Paul Collette, 21 ans, avait ouvert le feu sur Pierre Laval et Marcel Déat.

Comme Antigone, Collette avait agi seul : la Résistance contre Montoire.

 

Retour à Paris, puis à Beyrouth.

 

Le 4 juin 1982, première répétition : les Juifs bombardent la ville. La guerre, le meurtre. Imane est suppliciée.

Ils ont tué Antigone.

 

Georges revient du Liban. Il est malade de la guerre. Il retourne à Beyrouth.

 

Arrêtons-nous aux deux tiers du livre, le tiers des étoiles est dispensable.

 

Jean Anouilh , Antigone, mise en scène : Nicolas Biançon, 2003

Sorj Chalandon, Le quatrième mur – Ils ont tué Antigone

Québec en septembre, une idée de Karine.

 

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4 septembre 2014 4 04 /09 /septembre /2014 23:01
Paolo Bacigalupi, La fille-flûte – une chronique des temps qui viennent

Paolo Bacigalupi, La fille-flûte et autres fragments de futurs brisés, Paolo Bacigalupi, 2008, traduit de l'anglais (États-Unis) par Sara Doke, Julien Bétan, Sébastien Bonnet, Laurent Queyssi et Claire Krentzberger, Au diable vauvert, 2014

Couverture : Olivier Fontvieille

Photographie de couverture : Dominique Douieb

Paolo Bacigalupi, La fille-flûte – une chronique des temps qui viennent
Paolo Bacigalupi, La fille-flûte – une chronique des temps qui viennent

 

Wilhelm Friedemann Bach, Duetto pour deux flûtes, int. Benoît Fromanger, Juliette Hurel, Flâneries musicales de Reims

 

La fille-flûte est un recueil de dix nouvelles. Lisons la première, La fille-flûte.

 

La fille-flûte restait blottie dans la pénombre, serrant le dernier cadeau de Stephen entre ses petites mains pâles. Mme Belari devait la chercher et les domestiques renifler tous les recoins du château comme autant de chiens redevenus sauvages, regardant sous les lits, dans les placards, derrière les casiers à bouteilles, tous leurs sens à l'affût d'une trace d'elle. Belari ne découvrait jamais les cachettes de la fille-flûte. C'étaient toujours les domestiques qui la trouvaient. Belari se contentait d'arpenter les couloirs laissant les serviteurs oeuvrer. Ils croyaient connaître toutes ses cachettes.

La fille-flûte changea de position. Sa posture inconfortable fatiguait son squelette fragile. Elle s'étira autant que l'espace exigu le lui permettait, puis se replia sur elle-même, aussi compacte que possible, s'imaginant lapin, comme ceux que Belari gardait en cage dans la cuisine : petits et doux avec leurs yeux tendres et humides, ils pouvaient rester immobiles pendant des heures. La fille-flûte se força à la patience et ignora les protestations douloureuses de son corps recroquevillé.

Bientôt, elle devrait se montrer, sinon Mme Belari s'impatienterait et enverrait chercher Burson, son chef de la sécurité. Puis Burson amènerait ses chacals et ils reprendraient la chasse, quadrillant chaque pièce, pulvérisant des phéromones sur les planchers, suivant au néon sa piste scintillante jusqu'à sa cachette. Alors Mme Belari la punirait, parce que le personnel perdrait du temps à nettoyer les phéromones.

La fille-flûte repositionna ses membres. Ses jambes commençaient à faire mal. Elle se demanda si la tension pouvait les briser. Parfois, elle était surprise de ce qui la cassait. Un léger choc contre une table et elle tombait une fois de plus en morceaux, irritant Belari de la négligence de son investissement.

La fille-flûte soupira. En vérité, il était plus que temps de quitter sa cachette, mais elle avait encore besoin de silence et de solitude. Sa soeur Nia ne comprenait pas. Stephen, lui, avait compris. Quand la fille-flûte lui avait parlé de sa cachette, elle avait cru qu'il l'excusait par gentillesse. A présent, elle saisissait mieux. Stephen avait conservé des secrets plus importants que ceux de la stupide fille-flûte, plus grands que quiconque l'avait supposé. La fille-flûte fit tourner la minuscule fiole de Stephen entre ses doigts, sentant le verre lisse, connaissant parfaitement les gouttes ambrées qu'elle contenait. Il lui manquait déjà.

Des bruits de pas résonnèrent. Le métal racla lourdement la pierre. La fille-flûte scruta l'extérieur par une fente de sa forteresse de fortune. Au-dessous d'elle se trouvaient le cellier du château et son fouillis de produits secs. Mirriam la cherchait, regardait derrière les caisses de Champagne réfrigérées en prévision de la soirée. Les caisses crissèrent en laissant échapper de la buée quand Mirriam les écarta pour fouiller tous les recoins. La fille-flûte avait connu Mirriam en ville, lorsqu'elles étaient toutes deux enfants. Aujourd'hui, elles étaient aussi différentes que la vie et la mort.

 

En ce temps-là, les animaux n'existent plus à l'état de nature – on en garde quelques spécimens dans les zoos. Les hommes sont génétiquement modifiés. Ils se nourrissent de boues chargées d'acides et de métaux lourds. La guerre nucléaire est permanente. La recherche scientifique a permis aux hommes de se régénérer quand ils perdent un bras ou une jambe, ce qui peut arriver au cours d'un jeu de société. Certains se sont implantés des lames affûtées le long des bras et des jambes, ils peuvent ainsi découper leurs camarades de jeu qui se reconstituent en une heure de temps. La vie est belle. Comment pouvait-on vivre en ces temps préhistoriques où on attendait plusieurs semaines qu'une plaie bénigne se cicatrise.

Tiens, pour changer, on pourrait faire cuire un chien.

Le monde à venir est peut-être un empire féodal que se partagent les suzerains servis par leurs vassaux.

Il faut se divertir à la Cour.

Justement, aujourd'hui, deux sœurs jumelles donnent un concert érotique. Des chirurgiens en ont fait des flûtes. Sur la scène, elles se font vibrer en une mélodie amoureuse...

 

Un récit étrange, délirant, troublant.

 

Lisons d'autres nouvelles du temps à venir.

 

Huojianzhu, une architecture vivante de mille mètres : on peut y rencontrer le dix-neuvième dalaï-lama, qui tient dans une poche.

 

Quand Raphel, le Pasho, revient au village, la vieille cité d'acier et de béton, au loin, n'est plus que ruines depuis des générations.

 

Les compagnies caloriques dominent le monde. La planète est rongée, elle s'effrite, elle s'effondre. On trouve encore des tomates rustiques, juteuses, acidulées et sucrées. On ne sait comment elles ont survécu entre les OGM. Elles peuvent se reproduire : un vieil homme, un jardinier, pourrait ainsi détruire le monopole des compagnies caloriques.

 

Un grand tamaris peut aspirer 332 000 litres d'eau par an. Lolo arrache les tamaris tout l'hiver pour 2,88 $ par jour.

La terre est desséchée, il reste peu d'eau pour les humains. Big Daddt Drought s'est installé pour rester.

 

Jonathan Lilly se glissa dans l'eau chaude jusqu'au cou et observa sa femme morte.

[…]

Ce ne serait peut-être pas si terrible. Il n'irait pas forcément en prison très longtemps. Il avait lu quelque part que les cultivateurs d'herbe étaient plus durement condamnés que les meurtriers.

Et puis, il y a des circonstances atténuantes : elle lui a reproché de n'avoir pas fait la vaisselle. Un petit coup de coude, un oreiller plaqué sur le visage, un incident.

La prochaine fois qu'il se marierait, il espérait être plus doux encore.

 

Bienvenue dans le futur, sur la planète de la sérénité totale ! Bonne lecture !

 

La chronique de gruznamur nous a permis de connaître ce recueil.

 

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