Lou

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  • : Un bloc-notes sur la toile. * Lou, fils naturel de Cléo, est né le 21 mai 2002 († 30 avril 2004).

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Uncontacted tribes

 

Un lien en un clic sur les images.

10 juin 2012 7 10 /06 /juin /2012 23:01

 

 

C'est la ouate, Paroles et Musique : Philippe Chagny, Pierre Grillet, Caroline Loeb, 1986, int. Caroline Loeb

 

 

aujourd'hui

l'ouate sur les tessons puis les fourches rouges et le galop

le mur aujourd'hui et le soleil qui écrase l'ombre du jour contre la brique

 

aujourd'hui

les tessons les cris plats et étendus

et l'écrasement du jour

près des vermines

 

la rue aujourd'hui

près de l'ombre le bruit tordu du galop ô

du galop

la tresse avec l'ouate rouge vers les fourches

 

aujourd'hui la grille

ailleurs le fruit

 

 

 

C'est la ouate, Paroles et Musique : Philippe Chagny, Pierre Grillet, Caroline Loeb, 1986, int. Caroline Loeb

  

 


 

tendre amour

  

 

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8 juin 2012 5 08 /06 /juin /2012 23:01

   

Abeille-Nepal-rhododendron-

Rhododendron

 

L'espèce qu'on trouve dans l'Himalaya forme un arbre s'élevant jusqu'à 15 mètres.

Ses feuilles peuvent être toxiques,

mais le miel que les abeilles produisent à partir de ses fleurs est un remède fort recherché.

 

Abeilles-Nepal-danse pour information sur sites à 20kms

  Un nid d'abeilles géantes de l'Himalaya,

accroché à une falaise et protégé par un surplomb, près de la vallée de Bung, au Népal.

 

Dans la partie basse qu'on voit ici,

on observe un espace de communication

où les abeilles, en chantant, en dansant, échangent des informations

sur des sites de récolte distants parfois de 20 kilomètres.

 

 

Les abeilles aiment la musique.

 

Eparpillées, perdues, cachées,

Elles reviennent vers qui sait les appeler ;

Toutes connaissent le sens de la musique des sphères

Pas une ne passe à côté des harmonies cosmiques.

 

Le vif d'une cymbale percutée,

Le rythme de mains frappées en cadence,

Le sol martelé par les pas d'une danse,

Les ramènent vers l'œil de l'onde sonore.

 

I, Abeilles, Un langage silencieux, 1

 

 

Michel Onfray, La Sagesse des abeilles – Première leçon de Démocrite, Editions Galilée, 2012

 


 

La Sagesse des abeilles 01

 

  

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6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 23:01

 

D'une maison de thé.

 

Melody From A Bamboo House, Chinese Traditional Pipa Music, Oliver Sudden Prod, 1998, int. Liu Fang

 

 

Gâteau de lune

Un gâteau de lune.

 

Les deux sinogrammes du milieu, 昌門 (chāng mén) se traduisent littéralement par porte prospère (nom de l’une des portes donnant accès à l’état de Wu).

Les caractères de droite et de gauche, (dòu), haricot, et (shā), sable, indiquent le contenu : dòushā, pâte de haricot rouge.

 

Le gâteau de lune (traditionnel : 月餅 ; simplifié :  ; mandarin : yùe bǐng) est une pâtisserie chinoise en forme de lune consommée pendant la fête de la mi-automne (ou fête de la lune).

 

Il contient souvent des jaunes d’œufs salés (en général de cane) ce qui lui donne une couleur jaune rappelant également celle de lune.

La surface est décorée de motifs en relief ou de sinogrammes auspicieux, ou bien indiquant le contenu pour faciliter le choix des clients.

Il en existe en effet différentes sortes, dont certaines typiques d’une région donnée.

 

Quelques-uns des contenus les plus courants :

crème de lotus ou graines de lotus

cinq noix

pâte de durian

pâte de haricots rouges

purée de dattes

purée d’ananas confit

purée de haricot mungo

purée de soja

mélange de porc maigre haché, noix et fruits confits.

 

Aux gâteaux de lune est liée une anecdote historique : la tradition veut que le signal de la révolte des Chinois Han contre la dynastie mongole Yuan qui allait amener l’avènement des Ming ait été donné par le biais de messages cachés à l’intérieur de ces pâtisseries que seuls les Hans consommaient.

 

Sur le chemin de Tianyi, les repas sont des moments de joie partagée ou des épreuves vécues dans la souffrance, à l’image des variations du monde selon les saisons et l’histoire.

Tout commence dans un sourire lumineux de l’Amante.

>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre terre et ciel 

  

A l’initiative de Yumei, nous décidâmes, un jour de juin [1941 : Tianyi a 16 ans], de longer la rivière qui coulait non loin du village, jusqu’à sa source. La randonnée qui devait durer la journée entière ne demandait, au demeurant, que peu de préparatifs. Pour la nourriture, outre quelques thermos contenant de l’eau bouillante, nous n’emportâmes que des œufs durs cuits au thé rehaussé des cinq parfums, des tranches de porc laqué et des galettes aux graines de sésame, sans oublier quelques hottes d’oranges et de pomélos, toutes choses simples qu’adoraient les jeunes, fatigués de la cuisine familiale, trop grasse ou trop élaborée à leur goût.

[…]

Nous traversâmes quelques rares villages. La présence de Yumei, invariablement, y éveillait de la sympathie. […] Ce jour-là, elle n’avait rien d’autre à offrir aux paysans que les oranges et les pomélos. Les jeunes furent étonnés de s’apercevoir que ces fruits, ordinaires somme toute tant la province en produisait, étaient des objets de luxe aux yeux des paysans. Ils étaient bien trop jeunes pour savoir dans quel dénuement vivaient les paysans les plus pauvres […]. En échange, ils offrirent aux randonneurs des patates rouges et une sorte de fruit qui pousse sous la terre appelé « courge de terre ». Ce fruit sans pépins et à la chair blanchâtre  et croquante, au premier abord, a un goût de terre légèrement âcre, mais à mesure qu'on le mâche il donne un jus laiteux, frais et désaltérant.

 

La petite troupe arrive à la source, s'y désaltère et entre au village où l'on vénère Qū Yuán (屈原) (340 ?-278 ? avant J-C), le premier poète connu de la littérature chinoise, dont le lieu retient le nom.

 

Li Sao

Lí Sāo, Tristesse de la séparation

 

François Cheng donne un aperçu de son chant (sans référence).

 

Je laisse mon regard errer sur l'horizon :

Le retour tant espéré, quand viendra-t-il ?

L'oiseau s'envole pour regagner son nid ;

Et le renard mourant se tourne vers son gîte.

Intègre et loyal, me voici pourtant exilé ;

Quand pourrai-je l'oublier, quel jour, quelle nuit ?

 

Les randonneurs, assoiffés et affamés, se virent offrir le thé de chrysanthème accompagné de jujubes et de graines de lotus confites.

 

Au retour, les marcheurs s'arrêtèrent au bord de la rivière pour manger.

 

Ils allumèrent un feu et firent cuire dessus les patates rouges offertes par les paysans, en y mêlant des tiges de pavots et des légumes aromatiques cueillis tout au long de la journée.

Ah ! de toute ma vie, je ne retrouverai plus la divine saveur des patates cuites ce soir-là.

 

Au lycée d'Etat.

>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre terre et ciel 

 

Conditions matérielles déplorables.

[…]

La nourriture était composée uniquement de riz à moitié décortiqué et de légumes souvent avariés qu'on ingurgitait à la hâte, debout. On restait constamment sur sa faim et constamment on avait faim. Les plus fortunés fréquentaient les échoppes qui commençaient à proliférer autour du lycée. De ces échoppes montait l'insistante odeur de soupe aux nouilles agrémentée de porc sauté ou de bœuf mijoté, odeur qui était le parfum même du nirvana pour les narines de ceux qui ne pouvaient se les offrir. Ces derniers se contentaient d'ajouter dans le fond de leur bol de riz un doigt de saindoux, lequel en fondant, par sa légère onctuosité, suffisait à susciter un début d'extase ; ou encore de grignoter, tout en mangeant, une gousse d'ail ou un piment sec qui aidait à faire « descendre le riz ».

[…]

Afin d'améliorer un peu l'ordinaire, pour faire des remèdes aussi, un petit nombre d'élèves avaient recours, durant un temps, à la chair de serpent et à la viande de chien, lesquelles, selon la croyance traditionnelle, sont de nature fortement yang, donc « chaudes », aptes à guérir des maladies « froides » telles justement que la tuberculose ou la malaria.

 

A Guling, au cœur du mont Lu.

 

Un jour, passant devant une boutique, je fus littéralement « terrassé » par les effluves enivrants qui s'échappaient du soupirail. Sur le moment, ignorant en la matière, j'étais bien incapable de distinguer l'odeur du beurre de celle de la vanille, le parfum de la crème de celui de la mousse au chocolat. Je reconnaissais seulement, à travers les effluves, l'élément de fond qui me faisait une fois de plus palpiter : le lait.

[…]

A la forme souple, dodue, comme ayant poussé naturellement, des gâteaux chinois s'opposent ici des pièces aux contours nets, géométriques, miniatures de quelque ouvrage sculpté ou de quelque construction architecturale.

 

A la recherche de Yumei, en compagnie de Haolang.

>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre terre et ciel 

 

Pour le repas du soir, nous achetions de grosses galettes bien bourratives et attendions dans un coin du restaurant la fin du service ; car, à ce moment-là, disponible, le garçon nous servait volontiers, moyennant un pourboire, un potage fait simplement d'eau bouillante versée dans la grosse poêle qui avait servi à cuire les plats, et dans laquelle on mettait quelques pincées de ciboulette ou de légumes de saison. Plus tard, dans la nuit, nous pouvions avoir recours au fameux dandan mian vendu par des marchands ambulants. C'étaient des sortes de nouilles fines qu'on cuisait instantanément devant le client, avec au choix une douzaine d'assaisonnements succulents.

 

Sur la route.

 

On est sûr de trouver des marchands bien installés qui offrent force fruits, oranges, pastèques, cannes à sucre. Et surtout le thé aux chrysanthèmes chaud.

 

Les voyageurs arrivent à la ville de N., un port donnant sur un important affluent du Yangzi.

 

L'air était saturé de senteurs d'huile, de vin, de sel, de riz, de légumes marinés et d'épices de toutes sortes.

 

Tianyi rejoignant, seul, le vieil ermite, le peintre.

>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre terre et ciel

 

Ensemble, ils s'arrêtent dans leurs promenades,

pour déguster un vin nouveau ou goûter un plat de légumes frais cueillis.

 

A Dunhuang.

>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre terre et ciel 

 

Le 15 août 1945, à la fin de la guerre,

toute l'équipe se rendit à la ville où une fête était organisée autour de moutons entiers grillés. Dans le bruit des pétards mêlé aux sons des chants et des danses des Ouïgours, nous nous passions de main en main des pichets de vin qui ne désemplissaient pas. Après les viandes fortement aromatisées et les galettes de légumes, nous nous désaltérions en enfouissant la tête dans de gros fruits dégoulinant de jus, pastèques, melons, grappes de raisin, hamï

 

Avril 1948. L'Europe. A Paris.

>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre terre et ciel

 

Encore

les vapeurs appétissantes qui montaient des soupes aux nouilles et des plats aussi colorés qu'épicés.

 

A Rome.

 

Dans cette grande ville méridionale, où l'éclat des ors apostrophait l'ombre de la peste, je goûtai les mets typiques qu'offraient trattorie et rosticcerie le long des rues ; je me saoulai des odeurs et des bruits qui me portaient.

 

Dans les Pouilles.

 

Dans cette région où je me rendis, je découvris des fruits et des légumes – olives, artichauts, poivrons – d'une telle saveur parfumée qu'ils me rappelèrent ma terre chinoise.

 

Une voix vient à Tianyi.

 

Ne sois plus jamais quémandeur sur cette terre. Sois celui qui reçoit tout, même l'inconcevable. Et toutes les choses dont tu es le réceptacle, tu les porteras jusqu'au bout, afin que ceux qui cherchent consolation en toi survivent.

>>> Comme un message des abeilles

 

Avec deux compagnons, Hans et Mario.

 

Hans demandait : « Pourquoi peindre ?  »

« La vie continue ! répondit Mario avec bon sens. Il faut continuer à manger des spaghetti !  » et d'entraîner ses deux confrères vers les rues derrière, où les pâtes étaient succulentes et le Chianti aussi clair que le rire des filles.

 

Véronique.

>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre terre et ciel

 

« Me voilà ! Fais-moi une soupe aux nouilles. J'ai un estomac chinois maintenant !  »

 

Au camp.

>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre terre et ciel

 

La nourriture est…

 

« En cette vie, les choses se répètent et ne sont jamais les mêmes. »

 

 

Dào Dé Jīng - La Voie

 

   

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4 juin 2012 1 04 /06 /juin /2012 23:01

 

Abeilles-Nepal-Himalaya-

Dans l'Himalaya, les fleurs de rhododendron s'épanouissent de 1800 à 5800 mètres ;

elles sont particulièrement recherchées par les abeilles de la région.

 

Abeilles-Nepal-nid sous un surplomb d'une falaise

Un nid d'abeilles géantes de l'Himalaya, accroché à une falaise et protégé par un surplomb,

près de la vallée de Bung, au Népal.

On remarque l'architecture circulaire du palais, dont le diamètre est d'un mètre cinquante ;

en partie haute, la couveuse et la nourriture (le miel), en partie basse, le "forum" (> épisode suivant).

 

 

La neige recouvre la tombe de mon père.

 

I, Abeilles, Reprendre, 1 (extrait)

 

Dans cette nuit blanche

Je ne vis pas l'abeille

Mais je l'entendis.

 

 

La mort fait silence,

Sauf pour ce qu'elle doit dire.

 

 

L'abeille fit souvenance

De ce qu'elle a à dire.

 

 

Ainsi,

Au lever des étoiles,

Ou plus tard,

Quand s'inverse l'arc-en-ciel,

Le miel tombe de l'air en pluie de blancheurs.

 

 

Jamais il n'arrive avant le lever des Pléiades.

 

 

Le miel recouvre la terre comme une rosée.

 

I, Abeilles, Reprendre, 9

 

 

Michel Onfray, La Sagesse des abeilles – Première leçon de Démocrite, Editions Galilée, 2012

 

  

Abeilles-Nepal-Le miel tombe de l'air-

Le miel tombe de l'air en pluie de blancheurs.

 

 

 

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2 juin 2012 6 02 /06 /juin /2012 23:01

  

The perspective is bad for human being.

La perspectiva es muy mala para los hombres.

 

En compagnie de Michel Blanc, André Dussollier, Muriel Robin, Julie Ferrier…

 

Jean-Michel Ribes, Musée Haut Musée BasBraquemarts ou Kandinsky, 2007

 

Jean-Michel Ribes, Musée Haut Musée BasLa Perspective, 2007

 

Qu'appelle-t-on la perspective ?

 

La perspective nuit gravement à notre Gedächtnis.

 

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28 mai 2012 1 28 /05 /mai /2012 23:01

 
Les oies sauvages passent en volant,
Elles criaillent éperdues de tristesse,
Seuls ces quelques hommes avisés
Disent ma souffrance et ma peine.

Oies sauvages, poème du Livre des Odes ou Shi Jing
Le Shi Jing est un recueil de trois cent cinq poèmes
écrits entre le onzième et le cinquième siècle av. J.-C.

 

Chinese Traditional Pipa Music 350

 

 Oies sauvages descendant sur la plage de sable, Chinese Traditional Pipa Music, Oliver Sudden Prod, 1998, int. Liu Fang


Liu Fang - Traditional 350

Le dit de Tianyi - couverture 350François Cheng 300

 

François Cheng, Le dit de Tianyi, Editions Albin Michel, 1998

Une vie de rencontres, celle de Tianyi, le narrateur, ami et figure en miroir de l'auteur. Une traversée de la Chine de 1930 à 1968. Tianyi est né en 1925 au pied du mont Lu, dont la cime reste cachée dans les brumes.

Guling Zhen - 牯岭镇 - Vue depuis 700Vue de la montagne depuis Gulingzhen

 

Lushan - Gulingzhen satellite 700-midi-mai 2012Vue de Gulingzhen, Lushan depuis un satellite

 

Shitao - Conversation avec la montagne 700Shitao, Conversation avec la montagne

Une mère illettrée, si douce en son humilité, sa compassion, sa patience. Un père instituteur, écrivain public et calligraphe, qu'il perd quand il a dix ans. Emergeant de l'adolescence, il fait la connaissance de Yumei, l'Amante, dont il devient passionnément amoureux. Au lycée, Haolang, un camarade, devient l'Ami, aimé d'une amitié passionnée. Tianyi, l'Amante et l'Ami forment un curieux couple à trois, pour la vie, dans une situation complexe. Tianyi se retire un temps auprès d'un maître, ermite, peintre, poète, puis il rejoint une équipe de chercheurs et se voit confier la tâche de copier les fresques récemment redécouvertes dans les grottes de Dunhuang - mille ans de peinture chinoise. En 1948, doté d'une modeste bourse, il s'embarque pour la France en vue d'y étudier la peinture. A Paris, il rencontre Véronique, une musicienne : avec elle, il apprend les liens qui se tissent entre musique et peinture. En 1957, il retourne en Chine, à la recherche de Haolang et de Yumei. Cette quête le mène dans un camp de travail, au nord, là où l'on trouve le pire environnement naturel et humain des lieux de rééducation. Il revoit Haolang. Yumei a disparu. En 1968, la Révolution culturelle aplanit les montagnes.

- - -

Comment définir Le dit de Tianyi ?

 

Comme une étrange alchimie, mariant à une foisonnante densité la légèreté la plus éthérée ?
[François Cheng, évoquant la peinture de Tianyi dans l'Avant-Propos]

 

Un livre.
Extraits.


Ceux qui affirment que les cultures sont irréductibles les unes aux autres s'étonnent-ils jamais assez qu'une parole particulière, à partir du lieu d'où elle est issue, arrive tout de même à franchir les entraves et atteigne l'autre bout du monde, pour y être comprise. A cet autre bout du monde, ne nous a-t-il pas suffi d'ouvrir l'un de ces livres imprimés sur papier rudimentaire, pour qu'aussitôt nous nous immergions dans un univers autre, bientôt familier ? Nous vivions alors dans le dénuement le plus total. Il y avait les maladies. Il y avait les bombardements. Notre vie ne tenait qu'à un fil. Combien pourtant elle était, par l'imagination, imprégnée de saveur.


« Les cultures ont des racines tellement profondes qu'elles se rejoignent au centre de la planète. »

Pierre Barouh


« Il était une feuille avec ses lignes
Ligne de vie
Ligne de chance
Ligne de cœur.

Il était un arbre au bout de la branche.
Un arbre digne de vie
Digne de chance
Digne de cœur.

Cœur gravé, percé, transpercé,
Un arbre que nul jamais ne vit.
Il était des racines au bout de l'arbre.

Racines vignes de vie
Vignes de chance
Vignes de cœur.
Au bout des racines il était la terre.

La terre tout court.
La terre toute ronde.
La terre toute seule au travers du ciel.
La terre... »

Robert Desnos


Avant que tout ne soit perdu, avant que le siècle ne se termine, quelqu’un, du fond de l’insondable argile, a tout de même réussi, par la seule vertu de la parole, à faire don des trésors amassés le long d’une vie emplie de fureurs et de saveurs.


Brumes et nuages.


Brumes et nuages du mont Lu, si célèbres qu’ils s’étaient mués en proverbe pour désigner un mystère insaisissable, une beauté cachée mais ensorcelante. Par leurs mouvements capricieux, imprévisibles, par leurs teintes instables, rose ou pourpre, vert jade ou gris argent, ils transformaient la montagne en magie.
Dès cette époque, quoique confusément encore, j’avais l’intuition que le nuage serait mon élément, cette chose qui est immatérielle et pourtant substantielle, cette présence éthérée et presque palpable. Je comprendrai plus tard pourquoi les chinois sont si férus de nuages, pourquoi ils usent de l’expression nuages et pluies pour désigner l’acte d’amour et l’état d’extase et pourquoi les poètes et taoïstes parlent de manger ou caresser brumes et nuages.


Précepte de Wang Wei (VIIIe siècle) :


« Marcher jusqu'au lieu où tarit la source ;
Et attendre, assis, que se lève le nuage. »


Le maître, le sage ermite, peintre, poète, se souvient de son propre maître.


Tant que nous pratiquons tous les jours le Tai-chi-chuan, nous ne nous perdrons pas.
Comme dit le maître : « Au centre du Grand Vide, nous saurons capter le souffle qui relie Ciel et Terre, ici et ailleurs, et pourquoi pas, passé et futur. »


Le lendemain de sa déclaration, le poète inspiré me montra les vers qu'il venait de composer :


« Quand te submerge la nostalgie
Repousse-la vers l'horizon extrême
Oie sauvage fendant les nuages
Tu portes en toi la morte-saison
Roseaux gelés arbres calcinés
Ployés en bas sous l'ouragan
Oie sauvage délivrée des haltes
Libre enfin de voler, ou mourir...
Entre sol natal et ciel d'accueil
Ton royaume unique : ton propre cri ! »


Au commencement.


Au commencement il y eut ce cri dans la nuit. Automne 1930.


La vie, dite par Yumei.


Personne n'a de vie en soi : on vit toujours pour quelqu'un d'autre. Regarde cette fleur sauvage qui ne porte même pas de nom. Comme elle est pleinement elle-même. Sous prétexte de l'aimer, je la cueille, et je mets fin à son destin. Ainsi sur cette terre, sous ce ciel, quelqu'un vit innocemment sa vie ; d'autres, s'accordant des droits sur lui, font négligemment un geste pour l'interrompre, avant de disparaître un jour eux-mêmes, sans que personne ait jamais su pourquoi. Oui, pourquoi ?


Au lycée d'Etat où Tianyi doit désormais s'inscrire en raison de la pauvreté aggravée de sa mère, l'environnement humain, la discipline, l'enseignement sont franchement mauvais. Un jour, le professeur d'anglais, une jeune femme, interpelle un élève distrait.
Vous planez dans les nuages, alors ?
L'élève réplique :
Oui, oui, je suis dans les nuages !
On a vu le sens de l'expression nuages et pluies. Au milieu des éclats de rire, le professeur, candide, fait des compliments à l'élève. Le poème Les jonquilles de Wordsworth était en effet à l'étude :
« Je plane dans le ciel tel un nuage... »

 

Même dans les moments heureux où Yumei est proche, Tianyi demeure tiraillé entre la confiance en une douceur promise et le désespoir devant la fuite du temps. Jusqu'à ce que, du fond de la pénombre, jaillisse la chère voix :

« Mais il n'est pas tard ; faisons quelque chose encore... »


La Voie.


Un jour de février – comment l'oublier ? - nous faisions une excursion jusqu'à une clairière, à une dizaine de kilomètres de la ville. Nous passâmes l'après-midi à visiter une fabrique de porcelaine, à regarder les artisans, absorbés corps et âme dans leur travail, actionner à l'aide du pied le plateau tournant et modeler des deux mains l'argile tendre et docile.
[…]
Un peuple […] dont le génie réside dans les mains et dans les pieds, mains et pieds sortis de l'argile, couleur d'argile.
[…]
Par leurs actes, cent mille fois répétés, ces artisans perpétuent un mouvement circulaire, qui répond fidèlement au mouvement de la rotation universelle. Mouvement apparemment monotone mais chaque fois renouvelé, subtilement différent.


La rencontre d'humbles potiers rappelle une mystique du cercle dans l'esprit du Dao, La Voie.


Le fleuve.


Le fleuve semble se perdre, s'épuiser comme le temps qui passe.
Le sage ermite, peintre, poète a reçu Tianyi dans sa montagne, il est devenu son maître.


Oui, le fleuve comme symbole du temps : que signifie-t-il ?
[…]
Comment concevoir que l'irréversibilité de cet ordre impérieux qu'est le temps puisse être rompue ? C'est ici qu'interviennent les Vides médians inhérents à la Voie. Eux-mêmes Souffles, ils impriment à la Voie son rythme, sa respiration et lui permettent surtout d'opérer la mutation des choses et son retour vers l'Origine, source même du Souffle primordial. Pour le fleuve, les Vides médians se présentent sous forme de nuages. Etant de la Voie, le fleuve, comme il se doit, participe aussi bien de l'ordre terrestre que de l'ordre céleste. Son eau s'évapore, se condense en nuage, lequel retombe en pluie pour l'alimenter. Par ce mouvement en cercle vertical, le fleuve, assurant la liaison entre terre et ciel, rompt la fatalité de son propre cours forcené. De même, à ses deux extrémités, il imprime la même sorte de cercle entre mer et montagne, yin et yang. Ces deux entités, grâce au fleuve, entrent dans le processus du devenir réciproque : la mer s'évaporant dans le ciel et retombant en pluie sur la montagne, laquelle active sans cesse la source. Le terme rejoint par là le germe.
Le temps procéderait donc par cercles concentriques, ou par cercles tournant en spirale si vous voulez. Mais attention, ce cercle n'est pas la roue qui tourne sur elle-même, sur les choses du même ordre selon la pensée indienne, ni ce qu'on appelle l'éternel retour. Le nuage condensé en pluie n'est plus l'eau du fleuve, et la pluie ne retombe pas sur la même eau. Car le cercle ne se fait qu'en passant par le Vide et par le Change. Oui, l'idée de la mutation et de la transformation est essentielle dans la pensée chinoise. Elle est la loi même de la Voie. Le retour dont parle Laozi signifie finalement reprise de tout, certes, mais surtout changement en autre chose, en sorte qu'il y a constamment retour et que plus il y en a, plus fréquente est la possibilité de transformation, tant l'inspiration du Souffle primordial est inépuisable. C'est peut-être subtil ou paradoxal, mais c'est ainsi...


Le temps.
Parfois un instant.


Dans la carté qui filtrait entre les branches, l'instant se cristallisa en une pièce de jade sur laquelle scintilla une traînée de rosée.


1948, à Paris.


Tianyi prend un logement à l'est de la ville, rue de B., une rue montante aux pavés rugueux.
Il souffre de la solitude, observée à l'état endémique. Il découvre une Europe éloignée de son rêve, ravagée par ses monstres, le meurtre et la guerre, dans l'aveuglement où elle se complaît.

Et pourtant, la lumière revient avec Véronique, une musicienne, qui lui fait connaître sa région natale, son fleuve, la Loire, jusqu'à sa source.


Remonter à la source.


Retour en Chine à la recherche de l'Amante et de l'Ami. En cet automne 1957, l'école des Beaux-Arts de Hangzhou est écrasée sous le joug du nouveau régime. Un étudiant dissimule ses larmes.


« Cette brume fraîche me pique les yeux. »


Tianyi est déporté dans un camp de rééducation du Grand Nord où il espère revoir Haolang, naguère le révolutionnaire, aujourd'hui le révolté.


Au camp.


Devenus bêtes de somme, on a vite fait de s'habituer à la saleté ; on accepte la crasse qui colle à la peau comme la gale, qui attire les puces et alimente les poux. A côté la crasse, il est un avilissement autrement plus dur à supporter : avoir à courber l'échine devant la bêtise des chefs, à effacer tout trait personnel, comme si l'on était né de la poussière, sans passé, sans désir, dépourvu de tout lien affectif et de la nécessité, en somme, de porter un nom ou un visage.


Dans le désespoir qui le brise, il rêve de Yumei et l'entend dire de sa voix enjouée sa phrase favorite :


« Mais il n'est pas tard ; faisons quelque chose encore ! »


Un après-midi, Haolang, Tianyi et un compagnon de détention, Lao Ding se retirent à l'ombre d'un petit bois. Lao Ding parle :

 

« Demandons pardon et pardonnons à ceux qui nous ont fait du mal. »


Une parole reçue de bouddhistes, puis de chrétiens.


[…] embrasser toute la vie en sa singulière variété […]


Le souvenir du poème
« Quand te submerge la nostalgie » […]
revient à Tianyi.


Pour sûr, c'est ce qui nous reste : écrire.


Et encore.


« Mais il n'est pas trop tard ; faisons quelque chose encore ! »
La leçon s'est infléchie – trop.


Ce qui reste : écrire et peindre.

Calligraphie Tianyi 350

 


Un soir, d'humeur apaisée, Haolang se mit à réciter, puis à psalmodier un poème de Wang Wei.


« Au milieu de l'âge, épris de la Voie,
Sous le Zhongnan, j'ai choisi mon logis.
Quand le désir me prend, seul je m'y rends,
Seul aussi à jouir d'indicibles vues.

Marcher jusqu'au lieu où tarit la source ;
Et attendre, assis, que se lève le nuage.
Parfois, errant, je rencontre un ermite ;
On parle, on rit sans souci du retour. »


Trois en un. Un en trois. « Yumei – Haolan - Tianyi » ; « Tianyi – Yumei - Haolan » ; « Haolan – Tianyi - Yumei ».
[…]
Aux deux amis, il est donné de connaître l'innommée félicité. Pour un temps, pour jamais, ils sont devenus des êtres qui, selon les taoïstes, « se nourrissent de nuages et se couchent parmi les brumes ».


Automne 1968. L'arrivée des Gardes rouges...


Et une fois encore.


« Mais il n'est pas trop tard ; faisons quelque chose encore ! »

Montée dans la brume 01 700 

Montée dans la brume

 

Singes - monastère de la Terrasse des Arbres Vénérables

 

Singes au monastère de la Terrasse des Arbres Vénérables

 

Temple 700

 

Ecrire et prier
 

Oies sauvages descendant sur la plage de sable, Chinese Traditional Pipa Music, Oliver Sudden Prod, 1998, int. Liu Fang


- - -

Autres fils de lecture.


Le contraste au quotidien ; l'espace-temps ; le regard et le nu ; l'Amante et l'Ami ; le regard et le paysage.

Notre fil à suivre.


- nourritures terrestres, une vie de saveurs
- musiques célestes, où se rencontrent l'Encre et le Chant

_ _ _

Un peu plus.

Liu Fang Road 700

 

Liu Fang Road


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Contact : Simon Leow

Shenzhen satellite 700-midi-mai 2012

 

Vue de Shenzhen depuis un satellite

Nul temple du pípa et du gǔzhēng dans cette rue. Simple homonymie.
La photographie est belle. Quelque chose de Jeff Wall ***


Jeff Wall Mimic 1982 700

 

Jeff Wall, Mimic, 1982, 228,5 x 198

- - -

*** Jeff Wall, ici, et , et encore là.

 The Old Prison, 1987

 

 

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26 mai 2012 6 26 /05 /mai /2012 23:01

  
En compagnie de Josiane Balasko, Micha Lescot, Eva Darlan, Isabelle Carré et Pierre Arditi.

 

 

Jean-Michel Ribes, Musée Haut Musée BasFamily Art, 2007


Jean-Michel Ribes, Musée Haut Musée BasJoy-eu-se, 2007
 
 

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24 mai 2012 4 24 /05 /mai /2012 23:01

 

Un tendre amour, Paroles et Musique : Bobby Robinson, Pierre Saka, 1966, int. Dalida

tendre amour
et depuis l'annonce encore plus désespéré
avec ces manteaux du bout d'ennui d'or sur la pluie nue de ta chair qui rime ô

tendre amour
depuis l'annonce encore plus désespéré
avec cette pureté triste de versant nord les pics givrés de sucres des seins qui percent loin et dans la main la branche d'olivier ce terminus de tous les dieux qui souffrent

oui
les étoiles se perdent à jamais
dans la croix vierge ruisselante et sainte de cendres et de sueurs tandis que je m'empale au loin dans la horde et reste immaculé


ô tendre amour
et depuis l'annonce encore plus désespéré

 
Un tendre amour, Paroles et Musique : Bobby Robinson, Pierre Saka, 1966, int. Dalida
 
 

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22 mai 2012 2 22 /05 /mai /2012 23:01

 

Coluche, La publicité à la télévision_01

Coluche, La publicité à la télévision_02

 

 

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20 mai 2012 7 20 /05 /mai /2012 23:01

 
Au printemps, on préparait des beignets avec des fleurs d'acacia. Le ciel était encore bleu, pour un temps.

Intérieur nuit.
_ Souvenez-vous, c'était l'année dernière.

Alain Resnais (mise en scène), Alain Robbe-Grillet (scénario), Francis Seyrig (musique), L'Année dernière à Marienbad, 1961
 

 

L'ANNEE DERNIERE A MARIENBAD (1961) d'Alain Resnais-Bande A

 

_ Non, vraiment.
_ Vous restiez souvent dans votre chambre.

 

L'ANNEE DERNIERE A MARIENBAD (1961) d'Alain Resnai-copie-1

 

_ Vraiment, non. Je ne sais pas de quelle chambre vous parlez.
_ Le soir, vous mettiez votre longue robe noire. Nous nous retrouvions sur la terrasse.

 

L'ANNEE DERNIERE A MARIENBAD (1961) d'Alain Resnai-copie-2

 

_ Elle était blanche.

 

L'ANNEE DERNIERE A MARIENBAD (1961) d'Alain Resnai-copie-3

 

_ Noire.
_ Blanche.

 

L'ANNEE DERNIERE A MARIENBAD (1961) d'Alain Resnai-copie-4

 

_ Souvenez-vous.
_ Que s'est-il vraiment passé, l'année dernière ?
_ Le ciel s'est couvert de cendres. On ne reconnaît plus que ruines et ordures. Quelques souris sont revenues depuis que les chats ont disparu. Des fourmis, également.

 

L'ANNEE DERNIERE A MARIENBAD (1961) d'Alain Resnai-copie-5
  

 

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