Lou en mission au bordel
Michel Audiard, Georges Lautner, Les Barbouzes, 1964
Une série, Maison close, est lancée sur Canal+.
Il y a quelque temps, j'ai eu l'imp(r)udence d'annoncer en commentaire d'une page de Jimidi :
Il faudrait qu'un jour je vous parle des bordels de Tours, aujourd'hui maisons bourgeoises (très chères, ce sont de très belles maisons). Il y a trente ans, sous l'égide de Jean Royer, ces maisons étaient devenues de belles propriétés sans commerce, mais les résidents avaient gardé les lanternes rouges, un patrimoine.
Je n'ai aucune image. Il faudrait que je (re)fasse le voyage, au risque de rencontrer Mélanie (de Tours), et il est bien connu que je ne publie rien sur mon seul témoignage. On dira donc, ici, que je raconte une belle histoire.
C'était en 1981, au cours d'un stage d'une semaine (dommage qu'on ait supprimé ces grands moments, coûteux mais instructifs !).
Les anciens bordels se trouvaient sur la rive gauche, si je me souviens bien.
Jean Royer, bon catholique qui n'avait pas lu l'évangile, menait croisade contre la turpitude.
Dans mon enquête, j'avais repéré (c'est une statistique, une journée avait suffi pour un relevé complet) que Tours était la ville qui comptait le plus grand nombre de sex-shops et de salles porno en rapport à la population.
J'en avais conclu que Jean Royer n'avait aucun pouvoir dans sa commune ou bien qu'il était hypocrite.
Cette étude n'a jamais produit une séquence pédagogique - à ma connaissance (non, Mélanie, je ne parle pas de vous, "ma connaissance" veut dire : les informations dont je dispose - et je ne dispose pas de vous).
Un voyage à Tours, c'est faisable dans la journée, mais en trente ans, si tout a changé...
Jimidi demande alors : un stage de quoi ?
Il n'y a vraiment que les étrangers à la grande maison pour poser une telle question.
C'était un stage national (je représentais mon académie, pas moins, parmi une vingtaine d'élus) sur les PACTE (devenus PAE en 1981-1982).
Premier jour
Prise de contact. Nos maîtres, détachés de la FOEVEN (et du monde), étaient plus lacaniens [note 1] que le prince. Début du stage, selon l'ordre de mission, 9 h. Vers 10 h 30, le second missionnaire est arrivé, et les maîtres se sont pointés vers 11 h 30. Il était temps de nous inviter à la cantine, située à 50 m, mais pourquoi se presser. Retour à la case départ vers 14 h 30. Silence. Une heure. Peu à peu quelques bavardages dans les rangs. Au bout du bout de cette heure longue un collègue a lancé (l'impudent !) : on commence quand ? on pourrait commencer par se présenter. Silence. Ledit individu a repris : je suis Machin, professeur de lettres modernes à Evreux. Il y a des contagieux. La parole a fait le tour de la table, en passant par Lou, qui n'en a pas manqué une : à mon tour, je vais m'allonger (il n'y a que le perturbateur premier qui ait compris, à ce qu'il m'a dit, parce que nous avons rapidement pris "contact" - non ! Mélanie ! pas comme ça ! vous gardez toutes vos chances), je suis etc.
Deuxième jour
_ Aujourd'hui, on travaille.
[Réactions spontanées : Aaah !]
_ Vous vous mettez en équipe et vous fabriquez un PACTE. Compte-rendu demain.
Le stage (de quoi ? m'enfin !) se passant près de Vouvray, j'ai proposé à mon partenaire : "Le Vouvray et le tuffeau" (Mélanie, lisez à haute voix, sans tenir compte de la graphie).
_ Non, m'a-t-il dit, on va faire un tour à Tours.
L'idée n'est donc pas de moi. Reddite, ergo, quae sunt Caesaris, Caesari (Mt, 22, 21).
Troisième jour
Compte-rendu de l'opération.
Le compagnon faisait du théâtre avec ses élèves, il était à l'aise, mais il a dit : A toi.
Lou est parti : Eh bien, nous deux, on a fait les bordels, les cinémas porno (mais on n'est pas entré, ce n'est pas remboursé dans les frais) et les sex-shops. Preuve ! (quelques préservatifs amusants - que nous avons laissés sur la table et qui sont disparus le lendemain). Et ainsi de suite.
On a fait un tabac (enfin, Lou, l'autre était un ascète). Les applaudissements ont, semble-t-il, un peu dérangé les dirigeants du divan.
Quatrième jour
_ On a été non-directifs, aujourd'hui on devient directifs.
Consignes pour l'après-midi.
(on attendait l'inspecteur général chargé des PACTE)
14 heures : le silence avait changé de camp.
_ Oui ? Euh ? Hein ? Lou ?
_ Non, j'ai tout dit hier.
_ Oui, vous pouvez redire.
_ Non, le premier principe en pédagogie est de ne pas répéter ce qui n'a pas été entendu.
_ Oui, mais...
Là, il y a eu un bon Samaritain. Il a fait son devoir : visite pé-da-go-gi-que du château d'Amboise. L'inspecteur était ravi, et puis il avait réservé dans le meilleur restaurant des environs. Lou était à une table éloignée, ce qui a évité les familiarités.
Dixit Jimidi : Hi hi ! Toujours pensé que l'Education Nationale et le Surréalisme avait partie liée...
Hi hi ! Rions en attendant...
[note 1]
Mon correcteur orthographique (OpenOffice) suggère lacédémoniens.