Lou

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  • : Un bloc-notes sur la toile. * Lou, fils naturel de Cléo, est né le 21 mai 2002 († 30 avril 2004).

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Un lien en un clic sur les images.

30 septembre 2012 7 30 /09 /septembre /2012 23:01

 
Hynkel, rappelez-vous.

Charles Chaplin, Le Dictateur, 1940
Charlie Chaplin, 1940

Il rêvait de tenir le monde entre ses mains.

 


Alain Minc, 2009
Alain Minc, 2009

Les nouveaux maîtres du monde caressent ce rêve.
Leur Famille a été persécutée au temps du Vél' d'Hiv'.
Dans une inversion mimétique de l'histoire, ils prennent les traits de leurs anciens bourreaux, sous l'uniforme des temps modernes.

Hynkel, souvenez-vous, c'était l'année dernière à Berchtesgaden.

Son plus beau discours, son appel à la paix entre hommes de bonne volonté - à condition qu'ils ne soient pas trop basanés, pas trop communistes, pas trop homosexuels -, vous l'avez écouté et vous n'avez rien compris, parce que vous, vous connaissez l'allemand et vous n'avez pas oublié les paroles.
Eh oui ! C'était du n'importe quoi, du yaourt, du gibberish en anglais. On dit qu'un chanteur fait du yaourt, sans lactose, quand il a oublié les paroles et les remplace par un charabia.

Remerciements à Laïla Cherrat qui nous a donné la recette en anglais.

 

 

Highway To Hell, vous connaissez les paroles. 

 

Ecoutez Steeve Estatof, attentivement.


 

Steeve Estatof, Highway To Hell

Eh oui ! Dans les paroles, on reconnaît seulement « Highway to hell », mais reconnaissez la performance : 3' 30" en voix saturée, c'est rien, mais faut l'faire.

Ecoutez le sud.

Il shunte la dernière strophe, trop noire.


 

Steeve Estatof, Le Sud

On aime Steeve Estatof et la Messe de Tournai.



N'oubliez pas Nino Ferrer, Chez Harry, un moment rare.

 

Nino Ferrer, Le Sud, in album Concert Chez Harry, 1995

 

 

Et Charlot ? Il a oublié les paroles. Qu'importe ! dit-elle. Chante !


Charlie Chaplin, Les Temps modernes, 1936

La musique est de Léo Daniderff, les paroles de Bertal-Maubon et Henri Lemonnier.
En 1917.
Titine !


Andrex, Je cherche après Titine, 1958



* * *



En annexe

Highway to hell

livin' easy
lovin' free
season ticket on a one way ride
askin' nothin'
leave me be
takin' everythin' in my stride
don't need reason
don't need rhyme
ain't nothin' that I'd rather do
goin' down
party time
my friends are gonna be there too
I'm on the highway to hell
on the highway to hell
highway to hell
I'm on the highway to hell

no stop signs
speed limit
nobody's gonna slow me down
like a wheel
gonna spin it
nobody's gonna mess me around
hey satan
payin' my dues
playin' in a rockin' band
hey mumma
look at me
I'm on the way to the promised land
I'm on the highway to hell


 

 

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22 septembre 2012 6 22 /09 /septembre /2012 23:01

 
Hellzapoppin', rappelez-vous.
Nous en étions resté à l'art du déplacement.
Quand on se déplace, on change de point de vue, on perçoit le monde autrement.
L'univers est peut-être courbe, il nous apparaît informe. Question de perspective.


Filippo Brunelleschi, tavoletta
En 1415, Filippo Brunelleschi réalise sa première expérience sur la place San Giovanni à Florence. Il peint une vue du baptistère grâce à un dispositif permettant de faire coïncider le tableau avec l’édifice : la tavoletta. Le tableau est peint sur une face de la tavoletta qui est percée d’un œilleton. On tient la tavoletta face à soi du côté qui n’est pas peint et l’on regarde l’édifice par l’œilleton. On intercale alors un miroir tendu à bout de bras entre la tavoletta et l’édifice. Si tous les éléments du dispositif sont correctement disposés, l’image de la peinture reflétée par le miroir coïncide avec la vue de l’édifice. La perspective à l'italienne est née.

 


Leon Battista Alberti, Tableau de verre
En 1436, dans son De pictura, Leon Battista Alberti donne la théorie de l'expérience. On parle alors de construzione legitima : une vision géométrique du monde.
Sur le tableau de verre d’Alberti, le réel semble s'inscrire pour l’œil situé au sommet de la pyramide visuelle.
De là l'idée de la peinture comme une fenêtre ouverte sur le monde.

L'anamorphose est une application des recherches de Piero della Francesca sur la perspective.

 


 

Piero della Francesca, Flagellation du Christ 700
Piero della Francesca, Flagellation du Christ, huile sur bois, 1450, 81 x 59

Tableau complexe.
L'éclairage de la scène de flagellation et celui de la ville viennent de sources différentes, le ciel et le monde.
La perspective est comme fausse : il y a plusieurs points de fuite.

L'anamorphose est une application particulière de la perspective.

« La perspective est généralement considérée, dans l’histoire de l’art, comme quelque chose de réaliste restituant la 3e dimension. C’est avant tout un artifice qui peut servir à toutes les fins. Nous en traitons ici le côté fantastique et aberrant : une perspective dépravée par une démonstration logique de ses lois. »
Jurgis Baltrušaitis, Anamorphoses ou Thaumaturgus Opticus – Les Perspectives dépravées, Flammarion, 1984

Avant de poursuivre notre parcours historique, voyons une icône bien connue d'Andreï Roublev.

 


 Andreï Roublev, Icône de la Sainte-Trinité, vers 1411 70
Andreï Roublev, Icône de la Sainte-Trinité, tempera sur bois, vers 1411, 100 x 150

En haut, de gauche à droite, la maison d’Abraham, le chêne de Mambré et le rocher.
[voir NOTE 1]

En bas, un quadrangle qui figure la terre.

Au centre, une coupe, la coupe de la Nouvelle Alliance, le sang du Christ (Luc, 22, 20). À l’intérieur de la coupe, on aperçoit une tête d’agneau, ou, si l’on tourne la coupe vers la droite, le visage du Christ mort.

 


 Andreï Roublev détail

Ainsi, l’agneau est une image de l’Ancienne Alliance et, en même temps, du Christ, l’Agneau immolé (1 Pierre, 1, 19). Quand saint Jean Baptiste voit arriver Jésus, il l’appelle l’Agneau : Voici l’Agneau de Dieu (Jean, 1, 29).

Revenons à nos moutons.

 


 Leonard-de-Vinci--Tete-de-bebe-et-oeil--Codex--copie-1.jpg
Léonard de Vinci, anamorphose d’un visage d’enfant et d’un œil, Codex Atlanticus,1485
À regarder depuis la droite du dessin, en regard frisant.

 


 Hans Holbein le Jeune, Les Ambassadeurs 700
Hans Holbein le Jeune, Les Ambassadeurs, huile sur bois, 1533, 209,5 x 207

Il s'agit d'un double portrait de Jean de Dinteville et Georges de Selve.
Ses dimensions sont exceptionnelles dans l'œuvre de Holbein.
Au premier plan, une serpillière, ou un os de seiche comme on en trouvait dans les cabinets de curiosités.

 


 Hans Holbein le Jeune, Les Ambassadeurs anamorphose   Hans Holbein le Jeune, Les Ambassadeurs crâne
Depuis un point de vue oblique, un crâne humain, souvent présent dans les vanités.

 

 

Felice Varini, Couloir des illusions, Oiron, 1993 700
Felice Varini, Couloir des illusions, Château d'Oiron, collection Curios & Mirabilia, 1993

L'installation se compose de quatre lignes bleues, sur les murs et au plafond, chaque ligne se reflétant dans le miroir placé au centre où apparaît une ellipse.
Il y a donc quatre tracés et quatre ellipses.
Pour voir une figure géométrique dans le miroir, il faut se poser à l'un des quatre coins du tableau.

1/ Il faut être quatre, en regards croisés, pour voir l'ensemble : une invitation à l'échange ;
2/ L'appareil photographique n'enregistre qu'un cercle et non une ellipse (on notera que la prise de vue est légèrement décalée, annonçant une autre figure) ;
3/ Dans le coin gauche (masqué) de la grande porte vitrée, Felice Varini a mis un léger trait de crayon à la hauteur de ses yeux pour diriger le travail ; voilà comment nous connaissons la taille de l'artiste, la même que celle de Lou.


* * *

NOTE 1

Relisons la visite de trois étrangers à Abraham et Sara (Genèse, 18)

Yahvé apparut à Abraham au Chêne de Mambré, tandis qu'il était assis à l'entrée de la tente, au plus chaud du jour. Ayant levé les yeux, voilà qu'il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui ; dès qu'il les vit, il courut de l'entrée de la Tente à leur rencontre et se prosterna à terre. Il dit : « Monseigneur, je t'en prie, si j'ai trouvé grâce à tes yeux, veuille ne pas passer près de ton serviteur sans t'arrêter. Qu'on apporte un peu d'eau, vous vous laverez les pieds et vous vous étendrez sous l'arbre. Que j'aille chercher un morceau de pain et vous vous réconforterez le cœur avant d'aller plus loin ; c'est bien pour cela que vous êtes passés près de votre serviteur ! » Ils répondirent : « Fais donc comme tu as dit. »

Abraham se hâta vers la tente auprès de Sara et dit : « Prends vite trois boisseaux de farine, de fleur de farine, pétris et fais des galettes. » Puis Abraham courut au troupeau et prit un veau tendre et bon ; il le donna au serviteur qui se hâta de le préparer. Il prit du caillé, du lait, le veau qu'il avait apprêté et plaça le tout devant eux ; il se tenait debout près d'eux, sous l'arbre, et ils mangèrent.

Ils lui demandèrent : « Où est Sara, ta femme ? » Il répondit : « Elle est dans la tente. » L'hôte dit : « Je reviendrai vers toi l'an prochain ; alors, ta femme, Sara, aura un fils. » Sara écoutait, à l'entrée de la tente, qui se trouvait derrière lui. Or Abraham et Sara étaient vieux, avancés en âge, et Sara avait cessé d'avoir ce qu'ont les femmes. Donc, Sara rit en elle-même, se disant : « Maintenant que je suis usée, je connaîtrais le plaisir ! Et mon mari qui est un vieillard ! » Mais Yahvé dit à Abraham : « Pourquoi Sara a-t-elle ri, se disant : ‘Vraiment, vais-je encore enfanter, alors que je suis devenue vieille ?’ Y a-t-il rien de trop merveilleux pour Yahvé ? À la même saison l'an prochain, je reviendrai chez toi et Sara aura un fils. » Sara démentit : « Je n'ai pas ri », dit-elle, car elle avait peur, mais il répliqua : « Si, tu as ri. »

S'étant levés, les hommes partirent de là et se dirigèrent vers Sodome. Abraham marchait avec eux pour les reconduire.
 

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18 septembre 2012 2 18 /09 /septembre /2012 23:01

 

Blake Edwards, The Party, 1968

On observera tout au long des séquences l'art du gag filé, étiré, l'art de montrer l'ordinairement invisible (un simple cordon téléphonique), un art qui s'inscrit dans le jeu de Jerry Lewis (1965 : Family Jewels), de Jacques Tati (1967 : Playtime).

 
Pré-générique




_ You're through, you're washed up, you're finished ! You'll never make another movie again !
_ Does that include television, Sir ?
_ I'll kill him, I'll kill him, I'll kill him !

Blake Edwards, The Party – It's good to be having a good time

Le petit oiseau espiègle.

 

Séquence 1


Au piano,on entend le thème de Nothing to lose (voir séquence 4).
Le blagueur est Buddy Lester, acteur fétiche de Jerry Lewis.
_ I never touch it, thank you... I'm on a diet, but the hell with it. Hellzapoppin' ?

 

Séquence 2

 

Birdie num num.
Faut-il rappeler ce que veut dire bird en slang ?
1 - Jeune femme attirante et peu farouche.
2 - Ce qui fait tout le charme du Manneken-piss (voir séquence 4)
3 - Coke (voir séquence 4, les musiciens au placard - bird désigne aussi l'emprisonnement, le placard)
_ Some idiot blew up the set (voir pré-générique 2).

 
Séquence 3

 

Strawberry soup.
Le siège retiré : une entrée de clown traditionnelle. Dans le même registre, le saladier s'efface au moment où tombe l’œuf.
Le bouchon, traditionnel, attendu, différé.
Le coquelet rôti - servi en perruque.
La tarte à la crème, on ne s'en lasse pas.

 
Séquence 4


Merveilleuse Claudine Longet.

Nothing to lose.

Blake Edwards, The Party – It's good to be having a good time


Séquence 5

 

L'orchestre joue dans la mousse jusqu'au dernier moment. Party, Par-Titanic (au golf, on enregistre un birdie lorsqu'on marque un par - 1).

Blake Edwards, The Party – It's good to be having a good time
It's good to be having a good time.

*
Autre film catastrophe où l'on prend du bon temps.


Robert Dhéry, Le Petit Baigneur, 1968

Jacques Legras en chaire dans son église, Notre-Dame des courants d'air.

*

Hellzapoppin', 1941, l'ancêtre. Le gag filé : « Mrs Jones... ». Les citations : Rosebud. Le jeune homme qui voudrait avoir 29 ans est au régime... Il a pris trois assiettes. Quand on lui tape sur le ventre, elles tombent en miettes.

L'art de la métonymie, du déplacement.

Qu'est-ce qu'une anamorphose ?

Vivement dimanche !

 

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14 juillet 2012 6 14 /07 /juillet /2012 23:01

 

 

La Vierge, l’Enfant Jésus et sainte Anne est une œuvre  de Léonard de Vinci, conçue vers 1499-1500. Elle est mentionnée pour la première fois en 1501, dans la correspondance d’Isabelle d’Este. Elle est inachevée à la mort de Léonard, en 1519.


Léonard de Vinci, Vierge à l'Enfant avec sainte -copie-5
Léonard de Vinci, Vierge à l'Enfant avec sainte Anne, 1501-1519, avant restauration

 

Léonard de Vinci, Vierge à l'Enfant avec sainte
Léonard de Vinci, Vierge à l'Enfant avec sainte Anne, huile sur peuplier, 168 × 130, 1501-1519, Paris, Musée du Louvre [clic]


Le thème, souvent traité du XIIIe au XVIe siècle, est celui de la « Sainte Anne trinitaire » où Sainte Anne, la Vierge Marie et l'enfant Jésus sont réunis, dans un propos exégétique : l'abandon accueillant de la mère et de la grand-mère au sacrifice librement consenti de l'Agneau.

 
Genèse

 

Léonard de Vinci, Vierge à l'Enfant avec sainte Anne et s
Léonard de Vinci, Vierge à l'Enfant avec sainte Anne et saint Jean-Baptiste enfant, Carton de Burlington House, vers 1499-1500, Londres, The National Gallery

 

Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l'Enfant avec
Léonard de Vinci, Sainte Anne, la Vierge et l'Enfant avec un petit agneau, 8,7 x 15,2, vers 1500-1501, Venise, Galleria dell'Accademia

 

Ce petit dessin, où l'agneau remplace saint Jean-Baptiste, est le point de départ de la composition en cours.

 

Léonard de Vinci, Etude pour la tête de la Vierge, vers 1
Léonard de Vinci, Etude pour la tête de la Vierge, vers 1507-1510, New York, The Metropolitan Museum of Art

 

Léonard de Vinci, Etude pour le manteau de la Vierge, vers
Léonard de Vinci, Etude pour le manteau de la Vierge, vers 1507-1510, Paris, Musée du Louvre

 
Le sfumato.

 

Léonard de Vinci, Vierge à l'Enfant avec sainte -copie-4

Léonard de Vinci, Vierge à l'Enfant avec sainte Anne, vers 1501-1519, détail


En toi, Yahvé, j'ai mon abri, sur moi pas de honte à jamais !
En ta justice défends-moi, délivre-moi, tends vers moi l'oreille et sauve-moi.
Sois pour moi un roc hospitalier, toujours accessible; tu as décidé de me sauver, car mon rocher, mon rempart, c'est toi.
Psaumes, 71 (trad. Bible de Jérusalem)

 

Léonard de Vinci, La Vierge aux Rochers, huile sur toile
Léonard de Vinci, La Vierge aux Rochers, huile sur toile  199 x 122, 1483, Paris, Musée du Louvre

 

Léonard de Vinci, La Vierge aux Rochers, huile sur bois, 1
Léonard de Vinci, La Vierge aux Rochers, huile sur bois, 190 x 120, 1495-1508, Londres, The National Gallery,


La Vierge aux Rochers, peinte pour une église de Milan, dit le mystère de l’Incarnation à travers les figures de Marie, de Christ et de saint Jean-Baptiste. Pour la première fois, les personnages sont placés dans un paysage naturel éclairé de multiples sources lumineuses : le sfumato estompe, comme la brume, les marques du pinceau.

 

 
D'autres versions du thème.

 

 

Atelier de Quentin Metsys, Vierge à l'Enfant dans un paysa
Atelier de Quentin Metsys († 1530), Vierge à l'Enfant dans un paysage, Poznan, Musée National

 

Bernardino Luini, Vierge à l'Enfant avec sainte Anne, sain
Bernardino Luini, Vierge à l'Enfant avec sainte Anne, saint Joseph et saint Jean Baptiste enfant, vers 1530, Milan, Veneranda Biblioteca Ambrosiana

 

Raphaël, La Vierge à l'Enfant avec le petit saint Jean-Ba
Raphaël, La Vierge à l'Enfant avec le petit saint Jean-Baptiste (La Belle Jardinière), huile sur bois, 1505-1508, 122 x 80, Paris, Musée du Louvre
[clic]

 

Léonard ingénieur.
 

 

Léonard de Vinci, Machines hydrauliques, Codex Atlanticus,

Léonard de Vinci, Machines hydrauliques, Codex Atlanticus, 1483-1518, Biblioteca Pinacoteca Accademia Ambrosiana

 

Léonard de Vinci, Aile volante, Codex Atlanticus, Bibliote
Léonard de Vinci, Aile volante, Codex Atlanticus, 1483-1518, Biblioteca Pinacoteca Accademia Ambrosiana

 

Marcel Duchamp, Tu m', 1918

Marcel Duchamp, Tu m', 1918, New Haven, Connecticut, détail d'après 3 stoppages étalon, 1913, MoMA

 

Léonard de Vinci, Bicyclette, Codex Atlanticus, Biblioteca
Léonard de Vinci, Bicyclette, Codex Atlanticus, 1483-1518, Biblioteca Pinacoteca Accademia Ambrosiana

 

Marcel Duchamp, Avoir l'apprenti dans le soleil, 1914, Phil
Marcel Duchamp, Avoir l'apprenti dans le soleil, 1914, Philadelphia Museum of Art

 
Un vautour ?

 


Peter Paul Rubens Un enfant avec un oiseau 1624 600
Peter Paul Rubens, Un enfant avec un oiseau, 1624

 

Léonard de Vinci, Codex sur le vol des oiseaux 700

« Il semble que j'aie depuis toujours été destiné à m'occuper du vol des oiseaux. Dans mon plus ancien souvenir d'enfance, il me semble qu'un vautour a volé jusqu'à moi, m'a ouvert la bouche de sa queue et l'a plusieurs fois battue de-ci de-là entre mes lèvres. »
Léonard de Vinci, Codex sur le vol des oiseaux, 1505, Biblioteca Nazionale Universitaria di Torino

A partir de cette petite phrase, Sigmund Freud (Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci, 1910) analyse sauvagement Léonard : il serait homosexuel (se distinguant des « normaux » - cf. infra), le vautour (que Freud, qui n'a jamais vu la Sainte Anne, voit dans le manteau de la Vierge) étant associé à la mère charognarde, source de perversion dans sa relation à la femme. Cette conclusion précoce (!) est fondée sur une erreur de transcription, non pas seulement en français (vautour en place de milan), erreur connue dès 1923, les psychanalystes freudiens préférant encore écouter l'uccello dans leur Gleichschwebende Aufmerksamkeit.

Regardons.

 

Léonard de Vinci, Vierge à l'Enfant avec sainte -copie-3
Léonard de Vinci, Vierge à l'Enfant avec sainte Anne, 1501-1519, détail

 

Milan royal nb 350
Milan royal

 

Vautour fauve nb 350
Vautour fauve


Il n'y a pas de milan dans le giron de la Vierge.


Et pourtant, il pourrait y avoir un vautour dans les plis contournés du manteau : il faudrait alors une juste accommodation pour déchiffrer ce qui est à percevoir, comme dans les images d'Epinal.

 

Images d'Epinal 1850-1904 700


Images d'Epinal Charles Pinot, Enfance de Paul et Virginie
Charles Pinot, Enfance de Paul et Virginie, 1864


Un trait de Léonard de Vinci, peut-être.


Le vautour a inspiré Max Ernst.

 

Max Ernst, Le Baiser, 1927, huile sur toile, 129 x 161,2, T
Max Ernst, Le Baiser, 1927, huile sur toile, 129 x 161,2, The Solomon R. Guggenheim Foundation, Peggy Guggenheim Collection, Venise


On y vient, on y vient, préparez vos mouchoirs.

 
La Juive, le goy et le vautour.

 
Elisabeth Roudinesco, Pourquoi tant de haine ?, Mediapart, 2010
[si le texte est trop petit, CTRL + molette]


Oublions les bourdes, amusantes, comme cette répétition fébrile « de de » dans la phrase où la psychanalyste parle des « hésitations » de Freud.
Passons sur l'orthographe hésitante...

Laissons les erreurs.

Elle reproche à Michel Onfray de n'être « formé à aucune tradition de recherche universitaire », alors qu'il a soutenu, à Caen, en 1986, une thèse de troisième cycle, intitulée « Les implications éthiques et politiques des pensées négatives de Schopenhauer à Spengler »

Elle écrit : « Onfray a pu affirmer qu'Emmanuel Kant, philosophe allemand des Lumières, n'était qu'un précurseur d'Adolf Eichmann ». Non, le propos est « inverti », c'est Eichmann qui s'était référé à Kant. Il reste la part d'ombre du philosophe des Lumières, qui autorise la lecture d'Eichmann : l'impératif catégorique, au cœur de la morale de Kant, impose de suivre un commandement, sans conditions, lorsqu'il est de droit.

La loi variant selon les saisons et les pays, on en arrive à des monstruosités.

1/ Dans notre pays, les Juifs sont raflés du 3 octobre 1940 au 9 août 1944.

En France, le 3 octobre 1940, l'Etat français promulgue le premier « Statut des Juifs ». La loi du 4 octobre 1940 sur « les ressortissants étrangers de race juive » prévoit d'enfermer ces derniers dans des camps d'internement comme celui de Gurs, en zone libre, où sont ensuite parqués les Juifs déportés par les Allemands, depuis l'Alsace, la Lorraine, la Belgique (cette loi est annulée le 9 août 1944).

[Sous les gouvernements d'Edouard Daladier, le 12 novembre 1938, un décret porte création de centres de rétention pour les étrangers indésirables ; le 6 février 1939, les membres des Brigades internationales et les réfugiés républicains de la Guerre civile espagnole sont internés dans les camps de Rivesaltes ou de Gurs]

Il y aurait alors un impératif de droit, une loi émanant d'un état libre : il serait, inconditionnellement, interdit de cacher un Juif, obligatoire de le dénoncer s'il n'a pas rejoint un camp, dans un « départ volontaire » (terme qu'on entend en ce moment). Etes-vous kantien ?

2/ Au XVIIIe siècle, un enfant naturel n'existe pas en droit.

Au temps de Kant, un enfant naturel n'a pas d'existence selon la loi : on peut donc l'effacer, l'homicide d'ectoplasmes n'étant pas prévu. Alors ?

Allons encore, et nous passons des pages dans un texte déjà étique.

Selon l'historienne de la psychanalyse, « Freud n'était ni homophobe ni misogyne ».

Lisons : « Les homosexuels se distinguent des normaux par leur objet sexuel [...] [Ils] ont renoncé à l'accouplement des organes génitaux opposés et [...], dans leur acte sexuel, remplacent chez leur partenaire l'organe sexuel par une autre partie ou région du corps. Peu importe que cette partie ou région se prête mal, par sa structure, à l'acte en question : les individus de ce groupe font abstraction de cette considération, ainsi que de l'obstacle que peut opposer la sensation de dégoût (ils remplacent le vagin par la bouche, par l'anus). [...] Mais assez de ces horreurs ! »
Sigmund Freud, Introduction à la psychanalyse, 1916, Traduit de l’Allemand, avec l’autorisation de l’auteur, par le Dr. S. Jankélévitch, en 1921

Elle poursuit l'Onfray « reprenant à son compte des accusations grotesques contre Daniel Cohn-Bendit ».

Assez de ces horreurs erreurs ! Lisez, vous verrez.


Michel Onfray, Réponse de Michel Onfray à Elisabeth Roudinesco, Mediapart, 2010
[si le texte est trop petit, CTRL + molette]


Jacques Van Rillaer, Analyse d’affirmations d’Elisabeth Roudinesco dans « Mais pourquoi tant de haine ? » (Seuil, 2010), Science... & pseudo-sciences, 2010
[si le texte est trop petit, CTRL + molette]

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Michel Onfray, Le crépuscule d'une idole , L'affabulation freudienne, Grasset, 2010 - 612 p., 22,40 euros

Elisabeth Roudinesco, avec Guillaume Mazeau (Paris), Christian Godin (Clermont-Ferrand), Franck Lelièvre (Caen), Pierre Delion (Lille), Roland Gori (Marseille), Mais pourquoi tant de haine ?, Seuil, 2010 - 100 p. (dont 18 / E. R.), 12,20 euros

12,20 euros nous donnent 2,48 roudinescos, soit 0,122 euro / page
22,40 euros onfray nous donnent 0,0366013071895425 euro / page

Au cours du change, le onfray est nettement plus avantageux.

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Pourquoi tant de haine est le premier album du groupe Ministère A.M.E.R. (pour Action, Musique et Rap), sorti en 1992.

 

Ministère AMER, Pourquoi tant de haine, 1992
(c'est pénible)

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Georges Léonnec, Le Clou du Louvre, La Vie Parisienne 35,
Georges Léonnec, Le Clou du Louvre, La Vie Parisienne 35, 1911 - allusion au vol de la Joconde

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Deux juifs se rencontrent au voisinage d'un établissement de bains : « As-tu pris un bain ? » demande l'un d'eux - « Comment ? dit l'autre, en manquerait-il donc un ? »
Sigmund Freud, Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient, 1905, traduit de l'allemand par Marie Bonaparte et le Dr. M. Nathan, Gallimard, 1930

 

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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 23:01

 

David Weiss, à gauche, et Peter Fischli, 2008

Peter Fischli est né le 8 juin 1952, David Weiss, le 21 juin 1946 († 27 avril 2012), à Zürich.
Le Cours des Choses est présent au château d'Oiron, dans la collection d’œuvres contemporaines, Curios & Mirabilia, conçue selon la tradition des cabinets de curiosités aux XVIe et XVIIe siècles.
 

Fischli & Weiss, Le Cours des Choses (Der Lauf der Dinge), 1987, extrait


Dès le premier tronçon du circuit, vous comprenez que les catastrophes vont s'enchaîner irrémédiablement. Après le deuxième ou le troisième épisode, vous devenez fataliste, peut-être même coupez-vous le film, comme on éteint le poste de radio ou le téléviseur lorsqu'il est question d'une mort annoncée des océans, d'une famine mondiale (voir le film Soleil vert - Soylent Green, 1973), d'un accident nucléaire (voir le film Malevil, 1981).


En 1973, l'aube éclairait le 29e jour du nénufar *, le ciel était encore bleu.

 


Nino Ferrer, Le Sud, 1975 (avec de belles images de La Réunion)


Un jour ou l'autre il faudra qu'il y ait la guerre
On le sait bien
On n'aim' pas ça, mais on ne sait pas quoi faire
On dit c'est le destin


C'est le cours des choses.



Nénufar à Kew Gardens, Londres, 2003

 

* Dans un étang, un nénufar double de surface chaque jour. Le 30e jour, il recouvre l'étang, éteignant toute vie aquatique. Quel est le dernier jour où l'on pourrait encore intervenir, alors que le monstre n'occupe que la moitié de l'étang ?
 

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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 23:01


Gerhard Richter – jeux de miroirs

De la musique avant toute chose, l'Art de la fugue, 14, dans une interprétation rare, par un quatuor à cordes, qui répond mieux à notre propos que celle, plus traditionnelle, de Helmut Walcha (que nous vous invitons à écouter encore – il était aveugle et nous allons parler de miroirs).

 


Jean-Sébastien Bach, Art de la fugue, 14, Canon per augmentationem in contrario moto - contra- punctus, a 3, int. Juillard String Quartet, 1992

 


Gerhard Richter a dialogué, discuté, disputé, avec les anciens et les modernes.


Une première confrontation évidente pour comprendre les photos-peintures.


Gerhard Richter – jeux de miroirs
Robert Mapplethorpe (Autoportrait), photographie, 1975

Gerhard Richter – jeux de miroirs
Gerhard Richter, I.G., 1993, huile sur toile, 72 x 102

 


Anciens.

 


Gerhard Richter – jeux de miroirs
Johannes Vermeer, Femme en bleu lisant une lettre, 1663-64

Gerhard Richter – jeux de miroirs
Gerhard Richter, Lectrice, 1994, huile sur toile, 72 x 102

Gerhard Richter – jeux de miroirs
Titien, Annonciation, circa 1535, huile sur toile, 166 x 266, Scuola Grande di San Rocco, Venise

Gerhard Richter – jeux de miroirs
Gerhard Richter, Annonciation d'après Titien, 1973, huile sur toile, 125 x 200

 


Modernes.

 


Gerhard Richter – jeux de miroirs
Joseph Kosuth, One and Three Chairs, 1965, 200 x 271 x 44

Gerhard Richter – jeux de miroirs
Gerhard Richter, Chaise de profil, 1965, huile sur toile, 90 x 70


Gerhard Richter ne reconnaît pas à l'image une qualité artistique intrinsèque, ce qui le rapproche de certains de ses contemporains (voir Gerhard Richter – l'inquiétude transgressée).


Gerhard Richter – jeux de miroirs
Sigmar Polke, Manfred Kuttner, Gerhard Richter, Konrad Lueg – dans le jardin de la Galerie Parnass, en février 1964 (il avait neigé), devant leurs œuvres

 

Miroirs et verres.

 
Gerhard Richter expose des miroirs depuis 1981.

En cela, comme dans ses photos-peintures, il reprend la tradition des peintres de paysages utilisant le miroir noir de Lorrain, petit miroir convexe, teinté au noir de fumée, dont se servent les paysagistes pour voir, en réduction, leur motif isolé de son environnement et reflété en échelle de gris ou en couleurs estompées.

Gerhard Richter – jeux de miroirs
Miroir de Lorrain, 1830 (pour cet exemplaire), 9 x 12

Gerhard Richter – jeux de miroirs
Claude Gellée, dit le Lorrain, Paysage, 1655-1660

Gerhard Richter – jeux de miroirs
Gerhard Richter, Huit gris en miroir

Gerhard Richter – jeux de miroirs
Gerhard Richter, Miroir

Gerhard Richter – jeux de miroirs
Gerhard Richter, Miroir


Le miroir est une peinture en mouvement.

 
Gerhard Richter – jeux de miroirs
Marcel Duchamp, La Mariée mise à nu par ses célibataires, même, 1915-1923, Philadelphia Museum of Art

Gerhard Richter – jeux de miroirs
Gerhard Richter, 4 panneaux de verre, 1967, verre et métal, 190 x 100

Gerhard Richter – jeux de miroirs
Marcel Duchamp, Nu descendant un escalier, 1913

Gerhard Richter – jeux de miroirs
Gerhard Richter, Ema (Nu sur un escalier), 1966, huile sur toile, 200 x 130
 


Ensemble, en musique.

 


Gerhard Richter – jeux de miroirs
Gerhard Richter, Glenn, 1983, huile sur toile, 190 x 500


Glenn Branca, est un compositeur et guitariste américain d'avant-garde, maître du mouvement no wave.


Gerhard Richter – jeux de miroirs
Gerhard Richter, Cage 3, 2006, huile sur toile, 290 x 290

 

John Cage, 4' 33", 1952 (conception dès 1948), int. BBC Symphony Orchestra, dir. Lawrence Foster, 2004

Quatre minutes et trente-trois secondes de silence (on lit dans la partition : Tacet), soutenu par les sons de l'environnement.
Quatre minutes et trente-trois secondes font 273 secondes, peut-être une référence au zéro absolu Celsius (- 273 degrés), température à laquelle tout mouvement est gelé. On remarquera également que sur un clavier AZERTY (Marcel Duchamp avait présenté son Pliant de voyage en 1916) le 4 correspond au signe « ' » et le 3 au signe « " ».

Gerhard Richter – jeux de miroirs
Marcel Duchamp, Pliant de voyage, 1916


- - -


Gerhard Richter : Panorama, Musée National d'Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, 6 juin – 24 septembre 2012.

Gerhard Richter : Dessins et travaux sur papier, Musée du Louvre, Paris, 7 juin – 17 septembre 2012.

 

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4 juillet 2012 3 04 /07 /juillet /2012 23:01

 

 

Jean-Sébastien Bach, Art de la fugue, 14, Canon per augmentationem in contrario moto - contra- punctus, a 3, int. Helmut Walcha, 2007

[à écouter avant ou après les films : - )]

 

 

Peintures photographiques / Vanités / Recherche d'une harmonie perdue


Les photos-peintures de Gerhard Richter sont pour lui une alternative à l'art informel européen des années '50 et au pop-art américain des années '60.


Jean Fautrier


Roy Lichtenstein

En même temps qu'il manifeste son désaccord avec Marcel Duchamp sur la fin de la peinture, il ne reconnaît pas à l'image une qualité artistique intrinsèque, ce qui le rapproche de Sigmar Polke ou Konrad Lueg (à suivre...).

Les tableaux sont rendus flous en les frottant à l'éponge lorsque la peinture est encore fraîche.

J'estompe pour rendre l'ensemble homogène, pour que tout soit d'égale importance et sans importance. J'estompe pour que rien n'ait l'air léché, artistique, mais pour que ce soit technique, lisse et parfait.
Gerhard Richter, Notes 1964-1965


Gerhard Richter, Crâne, 1983, huile sur toile, 55 x 50

Une vanité.


Gerhard Richter, Tante Marianne, 1965, huile sur toile, 120 x 130

Une œuvre emblématique de la mémoire, que cultive Gerhard Richter, des persécutions nazies : Marianne, tenant ici le petit Gerhard, a été tuée en 1945, dans le cadre de la politique eugéniste (elle était schizophrène).

Gerhard Richter – l'inquiétude transgressée
Gerhard Richter, Portrait de jeunesse, 1988, huile sur toile, 67 x 62

Le peintre s'intéresse tout autant à l'actualité : Ulrike Meinhof était l'égérie de la Fraction Armée Rouge, appelée également Bande à Baader.

Gerhard Richter – l'inquiétude transgressée
Gerhard Richter, Betty, 1988, huile sur toile, 102 x 72

Betty est la fille de l'artiste.

Désir de la beauté dans l'art que nous ne possédons plus, c'est pourquoi elle se détourne.
Gerhard Richter, Entretien avec Babette Richter, 2002

Gerhard Richter – l'inquiétude transgressée
Gerhard Richter, Chinon n° 645, 1987, huile sur toile, 200 x 320

Les paysages sont importants pour Gerhard Richter qui considère que la lumière est essentielle dans son œuvre.

 

Gris

 

Gerhard Richter – l'inquiétude transgressée
Gerhard Richter, Gris, 1973, huile sur toile, 300 x 250

 

 

Quand j’ai commencé (il y a environ huit ans) à recouvrir plusieurs toiles de gris, c’était parce que je ne savais plus quoi peindre ni ce qu’il fallait peindre. Pour moi, il était évident qu’un prétexte aussi pitoyable n’entraînerait que des résultats aberrants. Pourtant, avec le temps, j’ai constaté des différences qualitatives entre les diverses surfaces grises et j’ai remarqué que celles-ci n’exprimaient plus rien de cette motivation destructrice. Ces toiles m’ont donné une leçon. En universalisant un dilemme personnel, elles l’ont résolu : la détresse est devenue constructive, relativement belle et aboutie, donc peinture.
Le gris. Au pire, il n’exprime rien, ne suscite ni sentiment ni association d’idée ; en réalité, il n’est ni visible ni invisible. Cette insignifiance lui confère la propriété de communiquer, de mettre en évidence et ceci d’une manière presque illusionniste comme sur une photo. Aucune autre couleur n’est capable de visualiser le néant.
Gerhard Richter, Lettre à Edy de Wilde, 23 février1975

Les Gris fonctionnent parfois comme des miroirs (à suivre...).

 

Peintures abstraites, paysages voilés

 

 

Gerhard Richter – l'inquiétude transgressée
Gerhard Richter, Forêt (3), 1990, huile sur toile, 340 x 260

A la source, il y a bien une forêt peinte avec un souci de réalisme et d'une manière un peu kitsch. La représentation est effacée au racloir (voir film) qui étale la peinture fraîche pour n'en laisser que la quintessence.

Gerhard Richter – l'inquiétude transgressée
Gerhard Richter, Blanc, 2006, huile sur Aludibond, 30 x 40


Gerhard Richter : Panorama, Musée National d'Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, 6 juin – 24 septembre 2012.

Gerhard Richter : Dessins et travaux sur papier, Musée du Louvre, Paris, 7 juin – 17 septembre 2012.


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A suivre : Gerhard Richter – jeux de miroirs.
Miroirs, verres, dialogue avec les anciens et les contemporains ; et une autre interprétation de l'Art de la fugue, 14.

 

 

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24 juin 2012 7 24 /06 /juin /2012 23:01

 
Le Jardin des Délices - Obsidienne 300

 

 

Guillaume Dufay, Par droit je puis bien complaindre et gemir, ensemble Obsidienne, dir. Emmanuel Bonnardot, in album Le Jardin des Délices - Chansons de la Renaissance / Manuscrit de Bayeux / Dufay / Josquin, Calliope, 2004

[Certaines lignes ne figurent pas dans l'enregistrement]


Par droit je puis bien complaindre et gemir,
Qui sui esent de liesse et de joye.
Un seul confort ou prendre ne scaroye,
Ne scay comment me puisse maintenir.

Raison me nuist et me veut relenquir,
Espoir me fault, dansen quel lieu que je soye:
  Par droit je puis bien complaindre et gemir,
  Qui sui esent de liesse et de joye.

Dechassiés suy, ne me scay ou tenir,
Par Fortune, qui si fort me gueroye ;
Anemis sont ceus qu'amis je cuidoye,
Et ce porter me convient et souffrir.

  Par droit je puis bien complaindre et gemir,
  Qui sui esent de liesse et de joye.
  Un seul confort ou prendre ne scaroye,
  Ne scay comment me puisse maintenir.


Guillaume Dufay

Guillaume Dufay (Du Fay, Du Fayt) (1397 ? - 1474) est un compositeur franco-flamand fort en grâce à la cour des ducs de Bourgogne. Né à Beersel, près de Bruxelles, il est le fils naturel d'un prêtre par ailleurs inconnu et d'une femme nommée Marie Du Fayt.

En nous proposant une de ses chansons, Par droit je puis bien complaindre et gemir, G. T., depuis sa Music Lodge, nous a conviés à le découvrir.

Répéter, comme je le fais souvent, que la musique n'a pas besoin des maisons de disques, c’est bien, encore faut-il le démontrer. J’ai écrit il y a quelques années un long article sur le sujet, mais, pour les fainéants, il existe une manière beaucoup plus simple de s’en convaincre : écouter ce petit bijou qu’est Par droit je puis bien complaindre et gémir. On a encore un pied dans le Moyen Age lorsque cette chanson a été écrite, la Renaissance n’en est qu’à ses débuts. Pas d’industrie du disque brassant des centaines de millions de dollars, pas de droits d’auteur ; on est à mille lieux de l’accumulation de savoirs, cultures, techniques et technologies de notre époque.
[...]
Je vous recommande particulièrement la très belle version […] d'Emmanuel Bonnardot et l’ensemble Obsidienne.

 Obsidienne

Obsidienne, ensemble vocal et instrumental dirigé par Emmanuel Bonnardot, entend faire vivre le répertoire du Moyen Age et de la Renaissance, simplement, avec naturel, en réconciliant l’art de l’interprétation avec celui de l’improvisation.

Catherine Sergent, chant, psaltérion
Florence Jacquemart, chant, flûtes et cornemuses
Fabienne Etuin, chant
Hélène Moreau, chant, psaltérion
Nicole Jolliet, chant, organetto
Pascale Haarscher, chant, flûtes, chalemie
Barnabé Janin, chant, vièles
Raphaël Picazos, chant
Xavier Terrasa, chant, chalemies, flûtes
Pierre Bourhis, chant, récitant
Pierre Tessier, chant, récitant
Ludovic Montet, chant, tympanon, percussions
Daniel Sarda, chant
Emmanuel Bonnardot, direction, chant (baryton ou contre-ténor), vièles

 Vièliste 350


Jérôme Bosch, le Jardin des Délices

Jérôme Bosch - Le Jardin des délices - 700
Jérôme Bosch, Le Jardin des délices, huile sur bois, 1504, 220 x 195, Museo del Prado, Madrid

[un clic droit sur l'image, nouvel onglet, et vous aurez l’œuvre tout près du texte]

Peu de documents permettent de connaître la vie de Jérôme Bosch. Jan van Aken, de son vrai nom, est né dans une famille de peintres (son père et son grand-père, la famille étant venue deux siècles plus tôt d'Aix-la-Chapelle, Aken), vers 1450, à Bois-le-Duc, en néerlandais s'Hertogenbosch : il trouve ainsi son pseudonyme et, suivant la mode en cours, il latinise son prénom en Hieronymus. Après son mariage, en 1478, avec Aleyd van de Meervenne - issue de la riche société -, il est accueilli à la confrérie de Notre-Dame, association religieuse et caritative, consacrée au culte de Marie.

Ses personnages monstrueux sont inspirés des bestiaires du Moyen Âge – Jehan de Mandeville, Voyage d'outre mer, Marco Polo, Le Devisement du monde - et des récits accompagnant la récente découverte de l'Amérique.

Marco Polo Le Devisement du monde 1298 miniature 640

Plus récemment, encore, en 1993, Joan Fontcuberta invente le mystérieux et monstrueux cocatrix évoluant dans les douves du château d'Oiron.

 Joan Fontcuberta Cocatrix 1993 600


Le Jardin des Délices

Martin Berhaim le plus ancien globe connu 1492 600
Martin Berhaim, le plus ancien globe connu,1492

 

[un clic droit sur l'image]

 

 Jérôme Bosch - Le Jardin des délices - Panneaux fermés
 Jérôme Bosch, Le Jardin des délices, huile sur bois, 1504, 220 x 195, Museo del Prado, Madrid

[un clic droit sur l'image]

 


Panneaux latéraux fermés

Les panneaux latéraux fermés montrent un globe transparent, baigné par des eaux animées de vie végétale dans un décor minéral.
En haut, à gauche, dans le creux d'un nuage, on aperçoit la figure de Dieu, un peu à la manière dont elle a été sculptée par Jehan Aert van Tricht, en 1492, dans l’un des fonts baptismaux de la cathédrale Saint-Jean, à Bois-le-Duc, ville natale de Jérôme Bosch (Sint-Janskathedraal, s'Hertogenbosch).

 Jehan Aert van Tricht Doopvont Sint-Janskathedraal s'Hertog Jehan Aert van Tricht Doopvont Sint-Janskathedraal-copie-1

Il s’agit du troisième jour de la Création, avant la génération, le quatrième jour, du Soleil, de la Lune et des étoiles. Toutefois, pour Ernst Gombrich, le sujet serait la Terre de laquelle se retirent les eaux du déluge, l'arc-en-ciel étant le signe de l'alliance renouée entre Dieu et les hommes.

La figuration de la Genèse est mise en évidence par deux phrases en lettres d'or gothiques en haut de chaque panneau : Ipse dixit et facta sunt - Ipse mandavit et creata sunt , Il dit et cela se fit, Il commanda et cela se créa, une citation de Psaumes, 33, 9, rappelant la Genèse :

Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre.
Or la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l'abîme, un vent de Dieu tournoyait sur les eaux.
Dieu dit : Que la lumière soit et la lumière fut.
Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière et les ténèbres.
Dieu appela la lumière jour et les ténèbres nuit . Il y eut un soir et il y eut un matin : premier jour.
Dieu dit : Qu'il y ait un firmament au milieu des eaux et qu'il sépare les eaux d'avec les eaux et il en fut ainsi.
Dieu fit le firmament, qui sépara les eaux qui sont sous le firmament d'avec les eaux qui sont au-dessus du firmament,
et Dieu appela le firmament ciel . Il y eut un soir et il y eut un matin : deuxième jour.
Dieu dit : Que les eaux qui sont sous le ciel s'amassent en une seule masse et qu'apparaisse le continent et il en fut ainsi.
Dieu appela le continent terre et la masse des eaux mers, et Dieu vit que cela était bon.
Dieu dit : Que la terre verdisse de verdure : des herbes portant semence et des arbres fruitiers donnant sur la terre selon leur espèce des fruits contenant leur semence et il en fut ainsi.
La terre produisit de la verdure : des herbes portant semence selon leur espèce, des arbres donnant selon leur espèce des fruits contenant leur semence, et Dieu vit que cela était bon.
Il y eut un soir et il y eut un matin : troisième jour.
Genèse, 1, 1-13
(trad. Bible de Jérusalem)


Panneaux ouverts

On lit.
A gauche : la création d'Eve, le péché originel, l'exil du paradis terrestre ; flore et faune fantastiques, selon la représentation de l'époque.
A droite : l'enfer et ses tourments, un prêche de la terreur.
Au centre : le Jardin, sa sensualité, ses jouissances éphémères.

Dès le XVIe siècle, l’œuvre a été louée pour sa haute moralité par le Chroniqueur de l'Ordre de Saint-Jérôme, et historien de l'Escorial.
En 1593, lors de son entrée au monastère San Lorenzo el Real, le triptyque, alors intitulé L'Arbouse, était décrit comme une figure de la complexité du monde résumée par diverses extravagances de Jérôme Bosch.
Le peintre aurait trouvé sa source dans les commentaires des Psaumes de saint Augustin, et ceux du livre de Job de saint Grégoire.

On est bien loin de l'iconoclaste que les surréalistes ont cru voir.


Avant le Jardin

Jérôme Bosch Tryptique du Chariot de foin 600
Jérôme Bosch, Le Chariot de foin, huile sur bois, 212 x 147, Museo del Prado, Madrid

La datation demeure dans l'ordre de l'hypothèse : l’œuvre aurait été exécutée entre 1501 et 1502, selon Walter Bosing (Jérôme Bosch, entre le ciel et l'enfer, Taschen, 2001) et Mia Cinotti (Tout l'œuvre peint de Jérôme Bosch, coll. Les Classiques de l'art, Flammarion, 1967) ou plus tôt, entre 1485 et 1490, selon Charles de Tolnay (Hieronymus Bosch, Les Éditions Holbein, 1937).

Une voix dit : "Crie", et je dis : "Que crierai-je ? " - "Toute chair est de l'herbe et toute sa grâce est comme la fleur des champs.
L'herbe se dessèche, la fleur se fane, quand le souffle de Yahvé passe sur elles; oui, le peuple, c'est de l'herbe
l'herbe se dessèche, la fleur se fane, mais la parole de notre Dieu subsiste à jamais.
Isaïe, 40, 6-8

Mes jours sont comme l'ombre qui décline, et moi comme l'herbe je sèche.
Mais toi, Yahvé, tu trônes à jamais ; d'âge en âge, mémoire de toi !
Psaumes, 102, 12-13
(trad. Bible de Jérusalem)


Panneaux latéraux fermés

 Jérôme Bosch Tryptique du Chariot de foin panneaux fermé
 

 

Un voyageur entrevoit les dangers de la vie.

[un clic droit sur l'image]

 

 

Panneaux ouverts

 Jérôme Bosch Tryptique du Chariot de foin panneau central
 

[un clic droit sur l'image]

 


On lit.
A gauche : le paradis terrestre, la création d'Eve, la tentation, le péché, l'exclusion.
A droite : l'enfer.
Au centre : le chariot de foin.
Au sommet du tas de foin, à l'ombre d'un arbre, un couple, trois musiciens, un voyageur (?), un ange en prière et un démon sonnant du cor.
Chevauchant sur le chemin, le pape, l'empereur, le roi, le duc... des Etats de ce temps.
Certains figurants se battent pour monter sur le chariot et se retrouvent écrasés sous ses roues. D'autres annoncent la parousie de Christ au travers des nuages.
Au bord inférieur, six groupes mystérieux, notamment celui des religieuses.

 


Les sources.
Au XVIe siècle, le père Fray José de Sigüenza, historien de l'Escorial explique le sujet de l’œuvre en citant Isaïe et Psaumes (cf. supra).
Charles de Tolnay rapporte un proverbe flamand : « Le monde est une montagne de foin d'où chacun se tire comme il peut. »

Une allégorie moralisante annonçant le Jardin.

 

 

~ ~ ~
 

 


G.T. conclut ainsi :
 
Et si jamais cela faisait naître chez certains un goût pour les chansons anciennes, je vous conseille vivement d’écouter l’ensemble italien de musiques médiévales La Reverdie […]. C’est d’ailleurs grâce à eux que je me suis intéressé il y a de nombreuses années à la musique du Moyen Age, alors qu’elle m’indifférait auparavant. Pour la petite histoire, c’est à la même période, fin des années 90, que je me suis pris de passion pour le rap US… j’aime les grands écarts.

 

 

La Reverdie

Un ensemble italien de musique ancienne.

La Reverdie 600

 

 

Bestiarium Nuova Era 1990 300

 


Ar Bleizi-Mor / Anonyme, Bretagne, IXe siècle, in album Bestiarium - Animals in the Music of the Middle Ages, Nuova Era Internazionale, 1990-2010

Ar Bleizi-Mor

Ballade recueillie par Jean- Marie de Penguern (1807 – 1856) et publiée par François-Marie Luzel (1821 - 1895) dans Gwerzioù Breizh-Izel, 1868

    Lemmomp hor c'hleveïou,
    War-lein ar meneziou,
    'Vit mont d'ar brezeliou

[Certaines lignes ne figurent pas dans l'enregistrement]

Arru e listri 'r bleizdi-mor,
Da digass brezel en Arvor;
Ar Ieodet ho deuz komerret.
Hag ann iliz ho deuz dewet.

    Lemmomp, etc.

Ann eskop-koz n' em skuill daero,
Hen euz renket leuskel hë vro;
Et ez e da glask ur vro-all,
E-lec'h na deui ket an dut-fall.

Den na gred ken chomm en Arvor,
Gant an euz ouz ann dut-a-vor;
Parko, tier, loened ha tud,
Holl int gwallet, braz ha munud.

Met ar roue, p'hen euz klewet,
He dent gant broüer 'n euz skrignet:
Em laket e prest en he hent,
Gant he holl dut, he holl gerent.

Un arme vraz 'zo bet savet,
Hag en Arvor 'z omp arruet;
Bars ur blenenn, en bro-Arvor,
E meump bet kat ar bleizdi-mor.

Epad tri de hon euz stourmet,
Epad tri de hon euz kannet;
Epad ter noz, hep heana,
N'hon ëuz gret tra nemet laza

Laza, ken a ruille 'r goad-ru,
'Vel diou waz vraz, euz ann daou-du;
Laza, evel dorna kolo,
Kolo-segal, pa ve daro !

Strakal 're hor zaoliou-kleze,
'Vel taoliou 'n horz war an anne,
Ken a fraille pennou tud-vor,
Evel istrenn hanter-digor.

Keit ma pade ann argadenn,
Ar brini 'nije uz d'hon fenn;
Pa zo bet fin, en em goagal,
Int bet diskennet d'ar festal !

    Lemmomp hor c'hleveïou,
    War-lein ar meneziou,
    'Wit mont d'ar brezeliou !


TRADUCTION

Les loups de mer

Aiguisons nos épées,
Sur le haut des montagnes,
Pour aller aux combats !

Voici venir les navires des loups de mer,
Qui apportent la guerre en Armorique !
Ils ont pris le Guéodet,
Et en ont incendié l'église.

Aiguisons, etc.

Le vieil évêque, les larmes aux yeux,
A été forcé de quitter sa patrie;
Il est allé chercher un autre pays
Où ne viendront pas les méchants.

Personne n'ose plus rester en Armorique,
Tant on a en horreur les hommes de mer;
Moissons, animaux et gens,
Ils détruisent tout, grands et petits.

Mais le roi, dès qu'il en a été instruit,
A grincé des dents avec rage,
Et vite il s'est mis en route,
Avec tous ses gens et ses parents.

Une grande armée a été levée,
Et nous sommes descendus en Armorique ;
Dans une grande plaine, au pays d'Arvor.
Nous avons rencontré les loups de mer.

Pendant trois jours nous avons résisté,
Pendant trois jours nous nous sommes battus ;
Pendant trois nuits, sans reprendre haleine,
Nous n'avons fait que tuer

Tuer, a faire ruisseler le sang rouge,
Des deux côtés, comme deux grands ruisseaux :
Tuer, comme on bat la paille,
La paille de seigle, quand il est mûr !

Et nos coups d'épée retentissaient,
Comme les coups de masse sur l'enclume,
Et fracassaient les crânes des hommes de la mer,
Comme des huîtres entr'ouvertes !

Pendant que dura le combat,
Les corbeaux voltigeaient sur nos têtes;
Et quand ce fut fini, en croassant,
Ils s'abattirent pour le festin

Aiguisons nos épées,
Sur le haut des montagnes,
Pour aller aux combats !
 
 

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14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 23:01

 
Musiques, oui, prenez le temps d'écouter.
 

Liu Fang in Ottawa-

 

 

Wang Huiran, Dance of the Yi People, 1960, int. Liu Fang


Tianyi, lié d'amitié avec Haolang, jeune peintre et lettré, rencontre la peinture.
>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre ciel et terre

Là où l'Extrême Orient, par réductions successives, cherche à atteindre l'essence insipide où l'ultime de soi rejoint l'ultime de l'univers, l'Extrême Occident, par surabondance physique, exalte la matière, glorifie le physique et, ce faisant, glorifie son propre rêve le plus secret et le plus fou.
[…]
Les œuvres de Romain Rolland et de Gide, Jean Christophe, La Vie de Beethoven, La Symphonie pastorale, … avaient aiguisé chez nous l'envie d'entendre de la musique classique occidentale.
[…]
La fièvre nous saisit à la vue d'une banale affiche annonçant un concert symphonique – où figurait justement La Symphonie pastorale – au Conservatoire national qui se trouvait dans une ville à plus de trente kilomètres de distance. Il nous fallut marcher un jour entier […]

 

 

Ludwig van Beethoven, Symphonie n°6 (Pastorale), 1er mvt, Orchestre du XVIIIe siècle (instruments anciens), dir. Franz Brüggen


[La danse pastorale comme vous ne l'avez peut-être jamais entendue]

Le maître de Tianyi lui enseigne à s'exercer à la calligraphie, puis au dessin et enfin à l'encre.
>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre ciel et terre
http://www.libellus-libellus.fr/article-fran-ois-cheng-le-dit-de-tianyi-entre-terre-et-ciel-brumes-et-nuages-du-mont-lu-105963016.html

Le vieil ermite, peintre et poète, lui fait découvrir les correspondances entre la Chine et l'Occident.

A Dunhuang, il lit toute l'évolution de la peinture chinoise.
>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre ciel et terre

En Hollande, la peinture flamande.

Je suis allé en Hollande. J'ai vu Rembrandt à Amsterdam et Vermeer à La Haye. Je reconnus en eux deux sommets de la peinture occidentale : la flamme passionnelle de l'un et la musique silencieuse de l'autre.

 


Claude Debussy, Sonate pour violon et piano en sol m, int. Ivry Gitlis, Martha Argerich, 1976


[Nous avons en réserve, sur demande, l'interprétation – inégalée ? - de Christian Ferras et Pierre Barbizet, en 1953, mais Ivry Gitlis est un immense musicien, qui se bat avec son archet comme Pao Casals dans ses fameuses Suites de Bach : tous les deux cultivent la « limite » - quelle émotion ! Et que dire de Martha Argerich ! Entre terre et ciel ! Tout près du ciel]

[…] je me posais une question […] : « Ces toiles que j'admire en ce moment, dans l'état où je me trouve, me sont-elles de quelque secours ? Me guérissent-elles de ma peur, de ma soif, de ma blessure, de ma solitude ? »
C'est oui.

Quant à Rembrandt [il voyait] que sa lumière venait de quelque obscurité originelle […]
Une leçon que nous enseignent les icônes : leur lumière vient du noir, dont émergent les couleurs, alors que la théorie scientifique nous apprend l'inverse.

En Italie, la peinture de la Renaissance.
Florence, Rome...
>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre ciel et terre

C'était fort de ma propre tradition et de mon expérience à Dunhuang que je parvins finalement à affronter cette autre peinture ; faute de quoi, je me serais senti écrasé.
Ce qu'on appelle « l'accroche dans l'expérience personnelle », une méthode qui rend plus familières les œuvres d'art, qui autorise leur parcours. Cette astuce est beaucoup plus difficile à mettre en pratique avec des œuvres anciennes qui requièrent connaissance non seulement de l'histoire de l'art (c'est vrai pour les œuvres d'aujourd'hui), mais également de l'histoire de notre monde.

[Sur demande, il sera offert une « accroche » de notre universel jeu]

>>> voir Musée haut, Musée bas de Jean-Michel Ribes (une série récente en trois épisodes dans Libellus) : « Jé té dis qué c'est une extincteur » - « Non ! ». Il faut regarder, et se regarder, regardant.

[…] ce que m'avait enseigné le maître : que la Création provient du Souffle primordial, lequel dérive du Vide originel. Ce Souffle primordial se divisant à son tour en souffles vitaux yin et yang et en bien d'autres a rendu possible la naissance du Multiple. Ainsi reliés, l'Un et le Multiple sont d'un seul tenant. Tirant conséquence de cette conception, les peintres visaient non pas à imiter les infinies variations du monde créé mais à prendre part aux gestes mêmes de la Création.

Lors d'un récital du violoncelliste Pierre Fournier, il rencontre Véronique, une musicienne assistant comme lui au concert.
Musique et peinture vont ensemble.
>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre ciel et terre

Tandis que résonnaient les sons de sa clarinette dans la pièce d'à côté, je travaillais à mes toiles.
[…]
L'homme s'apaiserait s'il consentait à écouter seulement la musique qui résonne là, en lui et hors de lui – d'écouter humblement la femme devenue un chant trop nostalgique pour être accessible.

Ecoutons Jiang Ting, regardons de magnifiques photographies qui nous rappellent les brumes du mont Lu.
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Jiang Ting-

 

 

Wang Huiran, Dance of the Yi People, 1960, int. Jiang Ting


 


 


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François Cheng, Le dit de Tianyi – entre ciel et terre, brumes et nuages du mont Lu

François Cheng, Le dit de Tianyi – nourritures terrestres, une vie de saveurs

François Cheng, Le dit de Tianyi, Editions Albin Michel, 1998

 

 


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6 juin 2012 3 06 /06 /juin /2012 23:01

 

D'une maison de thé.

 

Melody From A Bamboo House, Chinese Traditional Pipa Music, Oliver Sudden Prod, 1998, int. Liu Fang

 

 

Gâteau de lune

Un gâteau de lune.

 

Les deux sinogrammes du milieu, 昌門 (chāng mén) se traduisent littéralement par porte prospère (nom de l’une des portes donnant accès à l’état de Wu).

Les caractères de droite et de gauche, (dòu), haricot, et (shā), sable, indiquent le contenu : dòushā, pâte de haricot rouge.

 

Le gâteau de lune (traditionnel : 月餅 ; simplifié :  ; mandarin : yùe bǐng) est une pâtisserie chinoise en forme de lune consommée pendant la fête de la mi-automne (ou fête de la lune).

 

Il contient souvent des jaunes d’œufs salés (en général de cane) ce qui lui donne une couleur jaune rappelant également celle de lune.

La surface est décorée de motifs en relief ou de sinogrammes auspicieux, ou bien indiquant le contenu pour faciliter le choix des clients.

Il en existe en effet différentes sortes, dont certaines typiques d’une région donnée.

 

Quelques-uns des contenus les plus courants :

crème de lotus ou graines de lotus

cinq noix

pâte de durian

pâte de haricots rouges

purée de dattes

purée d’ananas confit

purée de haricot mungo

purée de soja

mélange de porc maigre haché, noix et fruits confits.

 

Aux gâteaux de lune est liée une anecdote historique : la tradition veut que le signal de la révolte des Chinois Han contre la dynastie mongole Yuan qui allait amener l’avènement des Ming ait été donné par le biais de messages cachés à l’intérieur de ces pâtisseries que seuls les Hans consommaient.

 

Sur le chemin de Tianyi, les repas sont des moments de joie partagée ou des épreuves vécues dans la souffrance, à l’image des variations du monde selon les saisons et l’histoire.

Tout commence dans un sourire lumineux de l’Amante.

>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre terre et ciel 

  

A l’initiative de Yumei, nous décidâmes, un jour de juin [1941 : Tianyi a 16 ans], de longer la rivière qui coulait non loin du village, jusqu’à sa source. La randonnée qui devait durer la journée entière ne demandait, au demeurant, que peu de préparatifs. Pour la nourriture, outre quelques thermos contenant de l’eau bouillante, nous n’emportâmes que des œufs durs cuits au thé rehaussé des cinq parfums, des tranches de porc laqué et des galettes aux graines de sésame, sans oublier quelques hottes d’oranges et de pomélos, toutes choses simples qu’adoraient les jeunes, fatigués de la cuisine familiale, trop grasse ou trop élaborée à leur goût.

[…]

Nous traversâmes quelques rares villages. La présence de Yumei, invariablement, y éveillait de la sympathie. […] Ce jour-là, elle n’avait rien d’autre à offrir aux paysans que les oranges et les pomélos. Les jeunes furent étonnés de s’apercevoir que ces fruits, ordinaires somme toute tant la province en produisait, étaient des objets de luxe aux yeux des paysans. Ils étaient bien trop jeunes pour savoir dans quel dénuement vivaient les paysans les plus pauvres […]. En échange, ils offrirent aux randonneurs des patates rouges et une sorte de fruit qui pousse sous la terre appelé « courge de terre ». Ce fruit sans pépins et à la chair blanchâtre  et croquante, au premier abord, a un goût de terre légèrement âcre, mais à mesure qu'on le mâche il donne un jus laiteux, frais et désaltérant.

 

La petite troupe arrive à la source, s'y désaltère et entre au village où l'on vénère Qū Yuán (屈原) (340 ?-278 ? avant J-C), le premier poète connu de la littérature chinoise, dont le lieu retient le nom.

 

Li Sao

Lí Sāo, Tristesse de la séparation

 

François Cheng donne un aperçu de son chant (sans référence).

 

Je laisse mon regard errer sur l'horizon :

Le retour tant espéré, quand viendra-t-il ?

L'oiseau s'envole pour regagner son nid ;

Et le renard mourant se tourne vers son gîte.

Intègre et loyal, me voici pourtant exilé ;

Quand pourrai-je l'oublier, quel jour, quelle nuit ?

 

Les randonneurs, assoiffés et affamés, se virent offrir le thé de chrysanthème accompagné de jujubes et de graines de lotus confites.

 

Au retour, les marcheurs s'arrêtèrent au bord de la rivière pour manger.

 

Ils allumèrent un feu et firent cuire dessus les patates rouges offertes par les paysans, en y mêlant des tiges de pavots et des légumes aromatiques cueillis tout au long de la journée.

Ah ! de toute ma vie, je ne retrouverai plus la divine saveur des patates cuites ce soir-là.

 

Au lycée d'Etat.

>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre terre et ciel 

 

Conditions matérielles déplorables.

[…]

La nourriture était composée uniquement de riz à moitié décortiqué et de légumes souvent avariés qu'on ingurgitait à la hâte, debout. On restait constamment sur sa faim et constamment on avait faim. Les plus fortunés fréquentaient les échoppes qui commençaient à proliférer autour du lycée. De ces échoppes montait l'insistante odeur de soupe aux nouilles agrémentée de porc sauté ou de bœuf mijoté, odeur qui était le parfum même du nirvana pour les narines de ceux qui ne pouvaient se les offrir. Ces derniers se contentaient d'ajouter dans le fond de leur bol de riz un doigt de saindoux, lequel en fondant, par sa légère onctuosité, suffisait à susciter un début d'extase ; ou encore de grignoter, tout en mangeant, une gousse d'ail ou un piment sec qui aidait à faire « descendre le riz ».

[…]

Afin d'améliorer un peu l'ordinaire, pour faire des remèdes aussi, un petit nombre d'élèves avaient recours, durant un temps, à la chair de serpent et à la viande de chien, lesquelles, selon la croyance traditionnelle, sont de nature fortement yang, donc « chaudes », aptes à guérir des maladies « froides » telles justement que la tuberculose ou la malaria.

 

A Guling, au cœur du mont Lu.

 

Un jour, passant devant une boutique, je fus littéralement « terrassé » par les effluves enivrants qui s'échappaient du soupirail. Sur le moment, ignorant en la matière, j'étais bien incapable de distinguer l'odeur du beurre de celle de la vanille, le parfum de la crème de celui de la mousse au chocolat. Je reconnaissais seulement, à travers les effluves, l'élément de fond qui me faisait une fois de plus palpiter : le lait.

[…]

A la forme souple, dodue, comme ayant poussé naturellement, des gâteaux chinois s'opposent ici des pièces aux contours nets, géométriques, miniatures de quelque ouvrage sculpté ou de quelque construction architecturale.

 

A la recherche de Yumei, en compagnie de Haolang.

>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre terre et ciel 

 

Pour le repas du soir, nous achetions de grosses galettes bien bourratives et attendions dans un coin du restaurant la fin du service ; car, à ce moment-là, disponible, le garçon nous servait volontiers, moyennant un pourboire, un potage fait simplement d'eau bouillante versée dans la grosse poêle qui avait servi à cuire les plats, et dans laquelle on mettait quelques pincées de ciboulette ou de légumes de saison. Plus tard, dans la nuit, nous pouvions avoir recours au fameux dandan mian vendu par des marchands ambulants. C'étaient des sortes de nouilles fines qu'on cuisait instantanément devant le client, avec au choix une douzaine d'assaisonnements succulents.

 

Sur la route.

 

On est sûr de trouver des marchands bien installés qui offrent force fruits, oranges, pastèques, cannes à sucre. Et surtout le thé aux chrysanthèmes chaud.

 

Les voyageurs arrivent à la ville de N., un port donnant sur un important affluent du Yangzi.

 

L'air était saturé de senteurs d'huile, de vin, de sel, de riz, de légumes marinés et d'épices de toutes sortes.

 

Tianyi rejoignant, seul, le vieil ermite, le peintre.

>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre terre et ciel

 

Ensemble, ils s'arrêtent dans leurs promenades,

pour déguster un vin nouveau ou goûter un plat de légumes frais cueillis.

 

A Dunhuang.

>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre terre et ciel 

 

Le 15 août 1945, à la fin de la guerre,

toute l'équipe se rendit à la ville où une fête était organisée autour de moutons entiers grillés. Dans le bruit des pétards mêlé aux sons des chants et des danses des Ouïgours, nous nous passions de main en main des pichets de vin qui ne désemplissaient pas. Après les viandes fortement aromatisées et les galettes de légumes, nous nous désaltérions en enfouissant la tête dans de gros fruits dégoulinant de jus, pastèques, melons, grappes de raisin, hamï

 

Avril 1948. L'Europe. A Paris.

>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre terre et ciel

 

Encore

les vapeurs appétissantes qui montaient des soupes aux nouilles et des plats aussi colorés qu'épicés.

 

A Rome.

 

Dans cette grande ville méridionale, où l'éclat des ors apostrophait l'ombre de la peste, je goûtai les mets typiques qu'offraient trattorie et rosticcerie le long des rues ; je me saoulai des odeurs et des bruits qui me portaient.

 

Dans les Pouilles.

 

Dans cette région où je me rendis, je découvris des fruits et des légumes – olives, artichauts, poivrons – d'une telle saveur parfumée qu'ils me rappelèrent ma terre chinoise.

 

Une voix vient à Tianyi.

 

Ne sois plus jamais quémandeur sur cette terre. Sois celui qui reçoit tout, même l'inconcevable. Et toutes les choses dont tu es le réceptacle, tu les porteras jusqu'au bout, afin que ceux qui cherchent consolation en toi survivent.

>>> Comme un message des abeilles

 

Avec deux compagnons, Hans et Mario.

 

Hans demandait : « Pourquoi peindre ?  »

« La vie continue ! répondit Mario avec bon sens. Il faut continuer à manger des spaghetti !  » et d'entraîner ses deux confrères vers les rues derrière, où les pâtes étaient succulentes et le Chianti aussi clair que le rire des filles.

 

Véronique.

>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre terre et ciel

 

« Me voilà ! Fais-moi une soupe aux nouilles. J'ai un estomac chinois maintenant !  »

 

Au camp.

>>> François Cheng, Le dit de Tianyi – entre terre et ciel

 

La nourriture est…

 

« En cette vie, les choses se répètent et ne sont jamais les mêmes. »

 

 

Dào Dé Jīng - La Voie

 

   

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