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  • : Un bloc-notes sur la toile. * Lou, fils naturel de Cléo, est né le 21 mai 2002 († 30 avril 2004).

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20 juillet 2014 7 20 /07 /juillet /2014 23:01
La Grande Braderie de l'été – Eugène Mouton, L'Invalide à la tête de bois

Eugène Mouton, L'Invalide à la tête de bois (1857), Bibliothèque Marabout, 1975

La Grande Braderie de l'été – Eugène Mouton, L'Invalide à la tête de bois

Eugène Mouton, alias Mérinos, né le 13 avril 1823 à Marseille, mort le 8 juin 1902 à Paris, est un magistrat et écrivain français.

Dans sa nouvelle La fin du Monde (1872), il imagine le réchauffement de la planète, dû à l'industrialisation, et la disparition de l'espèce humaine.

 

Histoire de l'invalide à la tête de bois

 

Ce n'est pas à moi qu'il faut dire que l'Invalide à la Tête de Bois n'a jamais existé, et par une bonne raison : c'est que c'était mon camarade de régiment et que nous avons brossé les Turcs ensemble.

Vous me direz que je cherche à vous faire accroire : il n'y a que les conscrits qui ne croient à rien. Je vous donne ma parole d'honneur que c'est très vrai !

Ainsi !

Donc, quand je le vis arriver au régiment, il avait vingt ans. C'était un beau soldat, grand, gros, un fort homme comme moi. Il faisait son service comme tout le monde, ni mieux ni pis. Je ne suis pas homme à vous dire une chose pour l'autre, moi.

Il s'appelait Dubois et il était picard. Pas moyen de s'ennuyer avec lui : il nous faisait

crever de rire par ses farces. Mais dame ! il n'était pas Picard pour rien : au moindre mot il prenait la mouche et dégainait. Le servent lui disait toujours :

Dubois, tu te feras casser la tête avec tes manières !

Eh bien ! si on me la casse, je m'en ferai faire une de bois, qu'il disait.

On ne fit pas attention à ce propos-là sur le moment : et j'ai toujours eu l'idée, depuis, que c'est ce qui est cause qu'il a eu une tête de bois.

Nous entrons en campagne.

A la première bataille il eut le nez emporté d'un coup de sabre en sauvant son colonel, à qui un brutal de Turc voulait faire violence à la faveur du tumulte de la mêlée. Le colonel, reconnaissant de ce dévouement, le fit soigner dans sa tente el lui paya un nez d'argent peint en couleur de chair.

Dubois, trop orgueilleux de cette faveur, cessa d'être bon enfant. Il se moquait de ceux qui n'avaient qu'un « nez de viande », comme il disait, ajoutant que « c'était bon pour des clampins, des feignants el des propres à rien ».

Ce langage insultant déplut : une nuit, pendant qu'il dormait, on gratta la couleur de son nez, qu'on passa ensuite au rouge d'Angleterre, si bien qu'il brillait comme un pommeau de sabre. Au point du jour, on se réveilla en sursaut pour recevoir l'ennemi, qui venait de l'orient. Dubois saute à bas du lit, met son nez sans y regarder et s'élance aux relranchements. Ce nez, étincelant aux premiers rayons de l'astre du jour, attira l'attention du général ennemi, qui lui fit envoyer une balle forcée : la balle toucha et Dubois eut l’œil gauche crevé.

En échange de son œil Dubois eut la croix et les galons de sergent. Alors il se mit à apprendre à lire et à écrire, dans l'espoir de se faire nommer colonel à la première affaire : il ne prenait pas garde que son nez donnait à sa voix un son métallique désagréable qui devait lui interdire tout espoir d'avancement.

Vint une autre bataille plus furieuse que les deux autres. Ce jour-là Dubois fil merveilles cl combattit comme un César, mais la fortune le trahit encore une fois.

Il venait de prendre à lui tout seul «ne batterie à cheval de douze canons de quarante-huil, lorsqu'il eut la sotte idée de regarder dans un des canons pour voir s'il y avait beaucoup de mitraille dedans. Un artilleur ennemi, profilant de son imprudence, s'avança à pas de loup sur son cheval, mit le feu à la pièce, et le coup partit.

Au bruit de l'explosion, Dubois, que sa présence d'esprit n'abandonnait jamais, fit un mouvement pour se retirer, mais il était trop lard : la mitraille lui emporta presque toute la tête avec son nez d'argent, sauf son bon œil et une dent devant.

 

On le croit mort, on l'enterre, on pleure tant et si bien sur sa tombe que les larmes l'inondent – or, il avait horreur de l'eau. Il se réveille, on le confie à un chirurgien pour l'amputation, puis à un sculpteur pour façonner la bille. De bois. D'un vieux sapin de la Forêt-Noire.

Dubois, nasillard au temps de son nez d'argent, prend maintenant un fort accent allemand. L'artiste lui a donné un nez camard et une bouche en cul-de-poule, et voilà Dubois qui se met à parler :

Ponchour, més gônmrates ! Gôment fus bordez-fus ?

Il cultive les facéties, jusqu'au delà de l'océan, revient en France et en triomphe, se met à la pêche. Il capture, fou de joie, un soulier qu'il prend pour une carpe. Cet excès de joie l'achève : il était trop bête pour devenir fou : il devint idiot.

Aujourd'hui, il ne sort plus de l'hôtel des Invalides.

La Grande Braderie de l'été – Eugène Mouton, L'Invalide à la tête de bois

 

Esculape, L'invalide à la pine de bois

La Grande Braderie de l'été – Eugène Mouton, L'Invalide à la tête de bois

La Grande Braderie de l'été vous propose de découvrir des chefs-d’œuvres injustement méconnus.

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Les contributions seront mises en lien au fur et à mesure.

 

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commentaires

S
Je vous approuve pour votre recherche. c'est un vrai œuvre d'écriture. Continuez
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L
Apparemment, on n'apprend pas à écrire à l'EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Spam et Serrurerie).
D
Fichtre, j'y vais avec ma voiture Codex Urbanus...
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L
http://codexurbanus.tumblr.com/image/91740891210<br /> T'as même pas le droit !
D
Il y a bientôt un vide-grenier chez toi ? <br /> Encore un incunable ! Voilà un auteur dont je n'avais jamais entendu parler. J'irais voir s'ils l'ont à la bibliothèque municipale.
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L
Il peut se trouver dans une médiathèque. Sinon, en occasion, bien et pas cher, sur un site de vente. Il y a une série à venir, même collection, je les ai tous.<br /> <br /> Message personnel :<br /> Tu as désorganisé mon organisation, tu en auras le fruit vendredi prochain. Un presque incunable. Regarde ta boîte aux lettres ; - )

 


 
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