Lou

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  • : Un bloc-notes sur la toile. * Lou, fils naturel de Cléo, est né le 21 mai 2002 († 30 avril 2004).

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22 août 2014 5 22 /08 /août /2014 23:01
Émile Souvestre, Le  foyer breton – la ronde des korils

Émile Souvestre, Le foyer breton, 1844, Bibliothèque Marabout, 1975

Émile Souvestre, Le  foyer breton – la ronde des korils
Émile Souvestre, Le  foyer breton – la ronde des korils

Émile Souvestre est né à Morlaix en 1808 et mort à Paris en 1854. Il s'installe à Paris avec sa femme en 1836 et commence à publier des romans, avec succès : Autour du feu, Riche et pauvre, Le foyer breton, Le monde tel qu'il sera, considéré comme un des premiers romans d'anticipation, Un philosophe sous les toits... parmi bien d'autres. Au théâtre, il a donné des comédies, des vaudevilles et des drames. Il a consigné quelques-unes de ses leçons à l’École d'administration dans ses Causeries historiques et littéraires.

 

Récit du meunier

Les Korils de Plaudren

 

Il y avait autrefois dans le pays du blé blanc et dans celui de la pointe de terre une race de nains ou korigans partagée en quatre peuplades qui habitaient les bois, les landes, les vaux et les métairies. Ceux qui habitaient les bois s'appelaient kornikaneds, parce qu'ils chantaient dans de petites cornes qu'ils portaient suspendues à leur ceintures ; ceux qui habitaient les landes s'appelaient korils, parce qu'ils passaient toutes les nuits à danser des rondes au clair de lune, et ceux qui habitaient les vaux s'appelaient poul-pikans, c'est-à-dire qui ont leurs terriers dans les lieux bas. Quant aux teuz, c'étaient de petits hommes noirs qui se tenaient dans les prés et les blés mûrs ; mais comme les autres korigans les accusèrent d'être les amis des chrétiens, ils furent obligés de s'enfuir dans le Léonnais où il en reste encore peut-être quelques-uns.

 

En Plaudren, auprès du petit bourg de Loqueitas, il y avait une lande appelée Motenn- Dervenn. Là se trouvait un grand village de korils, des nains qui dansaient toutes les nuits. Celui qui osait alors traverser la lande était entraîné dans leur ronde jusqu'à l'épuisement.

Un soir, Bénéad Guilcher et sa femme revenaient des champs en passant par ce lieu où les kornikaneds et les poulpikans s'étaient joints aux korils pour mener le bal toute la nuit.

Bénéad tenait à la main une petite fourche à nettoyer la charrue, un bâton au pouvoir magique. Les nains s'écartèrent.

Il raconta l'aventure au pays, et, de ce jour, tout le monde sortit le soir avec sa petite fourche.

 

Bénéad était un homme joyeux, et... bossu. Il revint un soir chez les korils en espérant qu'ils le délivreraient de son fardeau.

Les korils commencèrent leur ronde en répétant leur chant accoutumé :

Lundi, mardi, mercredi...

Bénéad leur proposa d'allonger le refrain :

Lundi, mardi, mercredi,

Jeudi, vendredi, samedi.

Les korils étaient fous de joie. Pour remercier le poète, ils lui offrirent de réaliser un vœu : richesse ou beauté. Il choisit le second et en fut redressé, rajeuni, agrandi.

 

A son retour au village, on eut peine à le reconnaître. Bénéad garda son secret... jusqu'au jour où son créancier, un usurier, un méchant homme nommé Perr Balibouzik, parce qu'il bredouillait en parlant, le força à tout avouer.

Le soir même, Perr se rendit au Mottenn-Dervenn.

Il entra dans la ronde des petits hommes noirs qui se mirent à répéter le refrain agrandi par Bénéad.

Lundi, mardi, mercredi,

Jeudi, vendredi, samedi.

Et le fourbe d'ajouter encore quelque chose :

Et di... di... di... dimanche aussi.

Après, après, après ! crient les nains.

Di... dimanche aussi.

Le bègue ne sut rien dire de plus.

Fais un souhait ! fais un souhait !

Un sou... sou... hait, répéta-t-il. Guilcher a choi... si entre richesse et beauté.

Oui, Guilcher a choisi beauté et laissé richesse.

Hé bien, moi, je choisis ce que Guil... Guilcher a laissé.

 

Il se retrouva avec entre les deux épaules ce que Guilcher avait laissé, c'est-à-dire une bosse ! Il s'appelait maintenant Tortik-Balibouzik.

Il voulut se venger de Guilcher, car lui seul était cause du malheur. Il exigea d'être payé de ce qui lui était dû.

 

Pour sortir de son embarras, Guilcher décida de retourner au Mottenn-Dervenn.

Les korils le reçurent avec des clameurs de joie et reprirent leur ronde en chantant :

Lundi, mardi, mercredi,

Jeudi, vendredi, samedi,

Avec le dimanche aussi...

Et Guilcher acheva :

Et voilà la semaine finie !

 

En complétant ainsi le refrain, il délivra le petit peuple d'une malédiction qui les obligeait à rester dans la plaine en tournant inlassablement toutes les nuits.

Notre temps d'épreuve est fini et nous retournons dans notre royaume qui s'étend sous la terre, plus bas que la mer et les rivières.

Et ils lui donnèrent tous leurs sacs.

 

Hélas ! les sacs ne renfermaient que du sable, des feuilles mortes, des crins et une paire de ciseaux.

Sa femme poussa les hauts cris : les sacs de ces maudits étaient damnés !

Jésus ! pourvu qu'il me reste de l'eau bénite.

 

A peine la rosée de Dieu eut-elle touché les sacs, que les crins se changèrent en colliers de perles, les feuilles mortes en pièces d'or et le sable en diamants ! L'enchantement était détruit et les richesses que les korigans avaient voulu cacher aux chrétiens étaient forcées de reprendre leur véritable apparence.

[…]

Guilcher rendit à Balibouzik ses cinq écus ; il donna à chaque pauvre de la paroisse un boisseau de blé avec six aunes de toile, et paya au recteur cinquante messes à dix blancs, puis il partit avec sa femme pour Josselin, où ils achetèrent une maison et où ils eurent des enfants qui aujourd'hui sont devenus des gentilshommes.

Émile Souvestre, Le  foyer breton – la ronde des korils

La Grande Braderie de l'été vous propose de découvrir des chefs-d’œuvres injustement méconnus.

 

« La réimpression d'ouvrages distingués ou supérieurs, méconnus ou tombés dans l'oubli pour toutes ces causes (si souvent incompréhensibles) qui décident de la fortune des livres, ne devient-elle pas la ressource de la Curiosité littéraire, quand la littérature, chaque jour déclinant davantage, est, comme tant de choses, peut-être au moment de périr ? »

Jules Barbey d'Aurevilly

 

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Les contributions seront mises en lien au fur et à mesure.

 

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commentaires

D
Ils n'hésitaient pas à sauter dans la coupe pleine :-)
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D
Il existe donc une morale... Aux innocents les mains plaines !
Répondre
L
Une justice immanente, impermanente. Nos ancêtres les Gaulois, au temps du 'Bouclier arverne' étaient dans la pleine, n'est-il pas ? : - )

 


 
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