La Toilette. Naissance de l'intime, Hazan, 2015 – 223 p., nombreuses illustrations, 29 €
Cet ouvrage est publié à l'occasion de l'exposition « La Toilette. Naissance de l'intime » organisée par le musée Marmottan-Monet à Paris du 12 février au 5 juillet 2015.
Auteurs du catalogue : Nadeije Laneyrie-Dagen et Georges Vigarello.
Pays-Bas du Sud, Le Bain, tenture de La Vie seigneuriale, vers 1500
Une tapisserie du musée de Cluny, un des éléments de la tenture des épisodes de La Vie seigneuriale, vers 1500, illustre un bain somptueux : des domestiques s'empressent auprès de la baigneuse, une nature luxuriante entoure la cuve de pierre, les instruments de musique, les parfums, les couleurs évoquent l'alerte des sens. Le bain serait plénitude, plaisir, l'occasion de représenter le nu aussi, un corps fin et délié triomphant dans un décor sublimé.
Un bain idéalisé glorifiant un corps abstrait des pratiques de l'ablution, rares à cette époque du fait de la rareté de l'eau dans les appartements et de la prévention des médecins contre sa nocivité.
Au XVIIe siècle, on préfère la toilette sèche : on s'essuie, on change de linge et le nettoiement s'accompagne de parfums et d'onguents – fort utiles en ces temps où la puanteur règne dans les couloirs et les antichambres des palais.
(de nos jours, l'odeur n'est plus la même)
Au XVIIIe siècle, la toilette, offerte en spectacle au siècle précédent, devient une scène intime où l'individu, le sujet, s'affirme. L'eau s'ouvre au bain et au bidet. L'espace privé se referme.
Ce mouvement se poursuit et s'amplifie au XIXe siècle. Le nu n'est plus celui du corps parfait, mythologique, mais celui du quotidien : les gestes secrets l'emportent sur l'idéal du trait.
Au XXe siècle, on ne montre plus que celle qui, dans le moment de la toilette, veut être seule.
Art Shay, Simone de Beauvoir après son bain, Chicago, 1950, photographie, tirage sur gélatine-argent, 33,02 x 21,59 cm, Chicago, Museum of Contemporary Art
Une très belle exposition sur un thème peu fréquenté et sous la conduite des excellents maîtres d’œuvre également rédacteurs du catalogue.
Des images... charmantes, comme on le voit dès la couverture.