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  • : Un bloc-notes sur la toile. * Lou, fils naturel de Cléo, est né le 21 mai 2002 († 30 avril 2004).

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9 juin 2015 2 09 /06 /juin /2015 00:15
Marco Malvaldi, Le mystère de Roccapendente – un mystère gourmand

Marco Malvaldi, Le mystère de Roccapendente (Odore di chiuso, Sellerio Editore, 2011), traduit de l'italien par Lise Chapuis, Christian Bourgois, 2012, 10/18, 2013

Marco Malvaldi, Le mystère de Roccapendente – un mystère gourmand

Marco Malvaldi, photographie : Nicola Ughi

Marco Malvaldi est né à Pise en 1974. Après des études de chimie, il a été chercheur pendant dix ans à l'université de Pise. Passionné de musique baroque, il a étudié le chant lyrique au conservatoire avant d'entamer une brève carrière de chanteur professionnel. Il a écrit son premier livre La Briscola in cinque (paru en Italie en 2007) alors qu'il achevait la rédaction de sa thèse. Le mystère de Roccapendente, son quatrième roman, a reçu le prix le Prix Castiglioncello e Isola d'Elba-Raffaello Brignetti 2011. Marco Malvaldi vit à Vecchiano, en Toscane, avec sa femme et leur fils.

Source : Éditeur

 

Dans un château toscan, un vendredi du mois de juin 1895, arrive le lourd et moustachu Pellegrino Artusi. Il est précédé par la réputation de son fameux ouvrage, La Science en cuisine et l'art de bien manger, un livre de cuisine vivant et cultivé (le premier du genre) qui a véritablement donné naissance à la tradition culinaire italienne. Le baron Romualdo Bonaiuti l'a cordialement invité à venir passer quelques jours au sein de sa maisonnée. Et quelle maisonnée ! Le fils aîné est un poète amateur rongé par l'ambition ; le fils cadet est un coureur de jupons alcoolique et sans gêne ; la fille, seul membre talentueuse de la famille, est étouffée par sa condition féminine ; une acariâtre grand-mère veille sur tous le monde depuis son fauteuil à roulettes ; la demoiselle d'honneur voudrait juste rester invisible ; et deux cousines qui ont passé l'âge de se marier servent de tapisserie. Sans compter les nombreux serviteurs : une cuisinière géniale, un mystérieux majordome et une femme de chambre hautaine et plantureuse. Mais Pellegrino Artusi n'est pas le seul invité : un photographe a également été convié sans qu'on sache trop pourquoi. Tous les éléments du crime en chambre close sont désormais réunis, la partie peut commencer.

Source : Éditeur

 

Incipit

 

Commencement

 

L'apparence de la colline de San Carlo dépend essentiellement de l'heure de la journée.

Le matin, le soleil se lève de l'autre côté du col ; le château ayant été construit un peu en dessous de la crête, ses rayons ne parviennent pas à pénétrer directement par les fenêtres des chambres où reposent le septième baron de Roccapendente, ses proches et ses hôtes (souvent nombreux), qui peuvent donc dormir tranquillement jusqu'à une heure tardive.

[...]

En revanche, la deuxième personne que l'on attend est célèbre et digne d'une certaine estime, ce qui rend l'attente plutôt fébrile. Au fond, les résidents, bien qu'il s'agisse d'oisifs professionnels qui n'ont pas produit une heure de travail honnête de toute leur vie, ont été contraints par la chaleur inhumaine à une journée entière d'immobilité dans la fraîcheur des grandes pièces, et maintenant plus encore que d'habitude ils éprouvent de l'ennui. C'est pourquoi la venue de cet invité constitue véritablement le « clou » de la journée. Les habitants du château se promènent donc par deux ou par trois, en échangeant des hypothèses sur le personnage, l'oreille tendue vers un éventuel bruit de roues et de chevaux.

[...]

Il est certainement gros.

Vous croyez ?

Le contraire m'étonnerait. Avez-vous jamais vu un cuisinier maigre ?

Non, non. Mais en réalité cet homme n'est pas cuisinier de métier, n'est-ce pas ? A ce que l'on dit, c'est un marchand de tissus.

C'est ce qu'il semble. Et ce n'est pas son seul commerce. Je ne voudrais pas...

Tandis qu'il réfléchissait à ce qu'il n'aurait pas voulu, Lapo Bonaiuti di Roccapendente croisa l'espace d'un instant le regard vide et anxieux de Mlle Barbarici, infirmière et dame de compagnie de sa grand-mère Speranza, en se demandant peut-être pour la millième fois qui aurait bien pu s'envoyer une pareille horreur.

Qu'est-ce que vous ne voudriez pas ?

Rien, rien. Des idées à moi. De toute façon, cela renforce ce que je disais. Un commerçant ayant la marotte de la bonne chère. C'est quelqu'un qui amasse. De l'argent à la banque, et de la graisse. Vous verrez, il va nous falloir appeler pour qu'on le décoince de la baignoire, si jamais il en connaît l'usage.

Oh, que dites-vous, monsieur Lapo ?

[...]

Ce n'est quand même pas lui qui fait à manger, n'est-ce pas ?

Je ne saurais dire, grand-mère.

Parce que moi, je ne mange rien si ce n'est pas Parisina qui l'a préparé. Et puis un homme, imagine. Depuis quand les hommes se mettent-ils à faire la cuisine, tout de même ?

[...]

Grand-mère, il y a des gens qui viennent.

C'est là le seul moyen de la faire cesser : le décorum avant tout. Cecilia le sait ; c'est pour cela aussi que, dans cette maison, elle ne se sent pas bien.

Cecilia est petite, elle a les cheveux rassemblés en une tresse et des mains potelées ; pour le corps, il faut faire preuve d'un peu d'imagination, car il est enfermé dans un vêtement qui tient de la robe de bure et du silo. Ce n'est pas grave, car le point fort de la jeune fille, ce sont les yeux. Un regard direct, franc et souriant ; deux grands yeux sombres jaspés de vert qui savent très bien que, ce matin, vous n'avez pas changé de caleçon, mais qui vous font comprendre qu'au fond cela vous regarde.

Loin des diverses discussions, monsieur le baron guette en haut du jardin un signe de la part de Teodoro, son précieux majordome. Attendant que celui-ci lui annonce, par un simple changement de posture, l'arrivée imminente, monsieur le baron se demande ce qu'il deviendrait, en ce moment, sans Teodoro.

[...]

Monsieur Pellegrino Artusi, bienvenue à Roccapendente.

 

Vendredi, à sept heures du soir, c'est l'heure du dîner au château. On sert un pasticcio de dimensions colossales sous le plafond de Jacopuccio da Campigliglia où sont représentés en peinture les dieux de l'Olympe en leurs jeux et querelles. Pellegrino Artusi est ravi et repu. Au dessert, une tarte à la ricotta fraîche sur un fond de biscuits au beurre émiettés, garnie de myrtilles et de framboises.

 

Samedi, de bon matin, un hurlement saisit le château. Mlle Barbarici vient de s'évanouir devant l'entrée de la cave dont la porte ferrée est fermée de l'intérieur où gît le majordome – que la gouvernante a aperçu par le trou de la serrure avant de s'effondrer en hurlant.

Samedi, à l'heure du déjeuner, le docteur Bertini annonce à la maisonnée assemblée que Teodoro a été empoisonné.

Ainsi, adieu repas !

Marco Malvaldi, Le mystère de Roccapendente – un mystère gourmand

Un empoisonnement à la belladone dans le porto servi au baron – il y a à peine goûté, Teodoro a fini son verre, comme de coutume.

 

Dans la cave, le vase de nuit (Odore... ça sent le renfermé) de Teodoro puait le relent d'asperges. Or, le défunt détestait les asperges et les avait refusées au dîner. Son pot de chambre a donc été utilisé par l'assassin.

 

On se restaure.

Cervelles d'agneau à la milanaise. Nettoyez et blanchissez la cervelle comme à la postière, puis faites-la cuire comme ci-dessus, retirez de la braisure ; passez au tamis et ajoutez une cuillère de farine pommadée avec deux onces de beurre, faites bouillir cette fricassé* cinq minutes, en mélangeant sans cesse, puis ajoutez une lieson* de deux jaunes d’œufs avec du jus de citron, un peu de persil ciselé, versez le tout sur la cervelle coupée en morceaux, puis morceau par morceau badigeonnez avec un peu de sauce, roulez dans la panure, et faites frire prestement dans la graisse bouillante. Servez avec du persil frit.

* en français dans le texte

 

Dimanche matin, avant la messe, on vient de tirer sur monsieur le baron. A l'heure du déjeuner, Parisina a préparé un sanglier aux pruneaux.

Bonne mère, c'était divin.

 

Le dimanche soir, on dîne d'un poisson à la mayonnaise. La mayonnaise est une émulsion stable d'huile dans une base aqueuse constituée de jus de citron et de vinaigre. En pratique, c'est comme s'il s'agissait d'un ensemble de minuscules petites gouttes d'huile éparpillées dans une matrice aqueuse. La stabilité de ces gouttes est obtenue grâce à une composante du jaune d’œuf appelée lécithine...

 

Qui est l'assassin ?

 

Selon Pellegrino Artusi, conseillant Artistico, l'enquêteur : « Éliminez l'impossible. Ce qui reste, quoique improbable, doit forcément être la vérité. »

 

Bon sang, mais c'est bien sûr !

 

Légèrement en dehors de la pièce, se tenait la baronne mère, qui se détachait avec netteté dans l'encadrement de la porte, comme un tableau.

 

James Abbott McNeill Whistler, Arrangement in Grey and Black N° 1, Portrait of the Artist's Mother, 1871

 

Goûterez-vous un polpettone à la tsigane selon maître Pellegrino Artusi ?

 

Bien ficelé, agréablement ponctué d'entremets gourmands, un récit qui se goûte des yeux et des papilles.

 

- - -

 

Autres nourritures terrestres.

 

Umberto Eco, Le Cimetière de Prague

François Cheng, Le dit de Tianyi

Qiu Xiaolong, La Danseuse de Mao

 

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commentaires

L
Qu'il existe un prix Castiglioncello e Isola d'Elba-Raffaello Brignetti, voilà qui mérite un prix à l'inventeur d'une telle appellation. Que "Goncourt" fait court chez nous autres, pauvres. Et même pas "de Goncourt", en dépit de l'attachement acharné (jusqu'au procès) des deux frères à leur particule. Ingrats héritiers. Ne faudrait-il pas pétitionner pour le requalifier en "prix Jules et Edmond de Goncourt", enfin digne de tenir son rang en regard du prix Isola Bella d'Elba Melba, décerné à un natif de Pise, qui vit et s'est reproduit à Pise, et qui doit avoir aussi un bon rang au classement PISA ?
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L
Que Marco Malvaldi ait reçu le Castiglioncello e Isola d'Elba-Raffaello Brignetti qui n'est jamais revenu qu'à lui, c'est un mystère, je te l'accorde.<br /> <br /> Brignetti... J'entends là comme une sourde réminiscence de ta rancune à l'égard de Brighelli qui a gagné des sous et de la gloire en publiant des manuels scolaires que tu aurais pu pondre si tu n'avais pas été, déjà, tout occupé à lire des quatrièmes de couverture.<br /> <br /> Quant au classement des pizza, je ne sais... Pour moi, la première, la seule, est la Margherita, avec le basilic.
Y
J'aime les roman qui donnent faim, enfin sauf pour ce qui est de la cervelle qui ne me met guère en appétit (j'ai jamais pu, les ris de veau éventuellement mais pas la cervelle) sinon j'ai l'impression que tu as un souci avec les majordomes Lou, non ?
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L
Le souci, c'est qu'ici le majordome est la victime. Le coupable peut se repérer en cours de lecture : à vouloir faire mieux, parfois on en fait trop. Les asperges nuisent gravement à votre santé et à celle de votre entourage.
D
Ton billet est appétissant, j'en ai l'eau à la bouche (intéressantes aussi les références à la fin). J'espère que c'est toi qui cuisine à la maison...
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L
Je mitonne mes pages.
M
Quand je vois "italien" je pense "je le veux" . Comment est le style?
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L
Tu as ici des extraits assez longs qui t'en donnent une idée - en français.<br /> Tu pourras faire la cuisine en lisant : en plus des indications données dans le récit, il y a un supplément de dix pages de "Recettes extraites de 'La science en cuisine et l'Art de bien manger' de Pellegrino Artusi" (personnage historique). Je te recommande le Sabayon et son Biscuit :<br /> Sabayon<br /> 3 jaunes d’œuf, 30 g de sucre en poudre, 1/2 dl de vin de Chypre, de Marsala ou de Madère.<br /> Biscuit<br /> 50 g de fécule de pomme de terre, 20 g de farine de blé, 90 g de sucre en poudre, 3 œufs, zestes de citron.<br /> Evidemment, tout est dans la manière d'assembler les ingrédients. Comme pour un roman.
L
"la partie" qui "peut commencer" "en chambre close", surtout avec un "membre talentueuse" (eh oui, ma couv', eh oui !) et "tous le monde" (oui, oui), est-elle de celles à qui un vain peuple pense ?
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L
Non, Jef, t'es pas toute seule<br /> Mais arrête de pleurer <br /> Comme ça devant tout le monde

 


 
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