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  • : Un bloc-notes sur la toile. * Lou, fils naturel de Cléo, est né le 21 mai 2002 († 30 avril 2004).

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17 octobre 2016 1 17 /10 /octobre /2016 00:15
Peter Heller, La Constellation du Chien – Quand serai-je chez moi ?

Peter Heller, La Constellation du Chien (The Dog Stars, Alfred A. Knopf, 2012), traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy, Actes Sud, 2013 – Babel, 2015 ; photographie de couverture : © Stephanie Schneider

Peter Heller, La Constellation du Chien – Quand serai-je chez moi ?

Peter Heller, Portrait © Michael Lionstar

Ecrivain “de plein air”, Peter Heller collabore régulièrement avec la presse magazine. Coup d’essai, coup de maître, La Constellation du Chien (Actes Sud, 2013) est son premier roman.

 

Quelque part dans le Colorado, neuf ans après la Fin de Toute Chose, dans le sillage du désastre. L’art de survivre est devenu un sport extrême, un jeu de massacre. Soumis aux circonstances hostiles, Hig, doux rêveur tendance chasse, pêche et poésie chinoise, fait équipe avec Bangley, vieux cow-boy chatouilleux de la gâchette. Bangley défend la baraque comme un camp retranché. Hig “sécurise le périmètre”, à coups de méthodiques vols de surveillance à bord de “la Bête”, solide petit Cessna 182 de 1956 toujours opérationnel. Partage des compétences et respect mutuel acquis à force de se sauver mutuellement la vie, ils ont fini par constituer un vieux couple tout en virilité bourrue et interdépendance pudique. Mais l’homme est ainsi fait que, tant qu’il est en vie, il continue à chercher plus loin, à vouloir connaître la suite.

A la fois captivant roman d’aventures, grand huit des émotions humaines, hymne à la douloureuse beauté de la nature et pure révélation littéraire, La Constellation du Chien est tour à tour contemplatif et haletant, déchirant et hilarant.

4e de couverture

 

Incipit

 

Je laisse tourner la Bête, je garde des réserves d'Avgas 100, j'anticipe les attaques. Je ne suis pas si vieux, je ne suis plus si jeune. Dans le temps, j'aimais pêcher la truite plus que tout au monde ou presque.

Mon nom, c'est Hig, un nom un seul. Big Hig, si vous en voulez un autre.

Si je me suis déjà réveillé en larmes au milieu d'un rêve, et je ne dis pas que c'est arrivé, c'est parce qu'il ne reste plus une truite, plus une. La truite mouchetée, arc-en-ciel, fario, fardée, dorée, plus une.

C'en est fini du tigre, de l'éléphant, des grands singes, du babouin, du guépard. De la mésange, de la frégate, du pélican (gris), de la baleine (grise), de la tourterelle turque. Je n'ai pas pleuré jusqu'à ce que la dernière truite remonte le courant sans doute en quête d'une eau plus froide.

 

Au commencement était la Peur. Vint la grippe, laissant peu d'autres survivants que Hig et son ami de fortune, Bangley, et Jasper, un bouvier australien recueilli par Hig. Les familles, atteintes d'une maladie du sang qui s'est propagée après la grippe, sont contaminées : parents et enfants meurent régulièrement.

 

Melissa, ma femme, était une vieille hippy. Pas si vieille. Elle était belle. Dans cette histoire, elle aurait pu être Eve, sauf que je ne suis pas Adam.

 

Hig entretient de bonnes relations avec les Mennonites, les familles, dans leur campement sur la montagne. Il leur rend quelques services, ils lui en sont reconnaissants. Bangley réprouve ce rapprochement, il craint la contamination.

 

Hig passe de la musique des fois, mais il évite d'écouter tout ce dont il était fan avant le monde du temps fini, les chansons de la route.

 

Il se récite un poème de Li Po :

Devant mon lit brille la lune

Serait-ce sur le sol du givre ?

Je lève la tête, contemple la lune

Je baisse la tête, pense à mon village natal

 

Parfois des intrus s'approchent. On les tue, on les enterre, sans tendresse ni regret. On en est arrivé là.

 

Vu du ciel, depuis la Bête, tout paraît en ordre.

 

Bref je me demande d'où vient ce besoin de raconter.

Comme pour animer la plus profonde beauté qui serait figée dans une immobilité mortelle.

Insuffler de la vie par le récit.

 

Entre la pêche, la chasse et le potager, dans le sillage d'un désastre s'opère un dédoublement : nostalgie et conscience du présent, vie et mort mêlées.

 

Une nuit – Hig et son chien sont partis pour la montagne encore enneigée, Jasper meurt, gelé, blotti contre son maître.

Jasper. Petit frère. Mon cœur.

Hig creuse une tombe, la recouvre d'un monticule de pierres. Il reste seul. Avec la Douleur.

Le chagrin est un élément. Il possède son propre cycle comme le carbone, l'azote. Il ne diminue jamais. Il traverse tout.

 

Hig reprend son vol. Il aperçoit la Femme. Après un accueil plutôt méfiant et un peu violent, il est admis par la Belle et son père. Ils s'envolent, retour au domaine où veille Bangley : Cima, son père et deux agneaux – L'Arche de Noé.

 

Mon poème préféré, celui de Li Shang-yin, fait :

Quand serai-je chez moi ?

Quand serai-je chez moi ? Je ne le sais pas.

Dans les montagnes, par cette nuit pluvieuse

Le lac d'automne est en crue.

Un jour nous nous retrouverons.

La lumière de la bougie près de la fenêtre qui donne à l'ouest.

Et je te dirai quel souvenir j'ai eu de toi

Ce soir sur la montagne orageuse.

 

Un style télégraphique à la manière des dépêches d'agences. Une sensibilité à fleur de plume : Melissa, Jasper, Bangley, les familles mourantes, Cima. Une philosophie dépouillée : Li Po, Li Shang-yin.

Le monde pourrait-il renaître ou le temps est-il fini ?

Un grand roman, qui invite à lire encore et encore.

 

* * *

 

Remerciements à Laure Payen-Amaudry, Une chose et son contraire, qui nous a suggéré cette lecture, et à BlueGrey, Le cri du lézard, pour sa belle chronique.

 

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commentaires

D
Le rêve américain...
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L
Les pauvres sont éliminés, les nantis sont épargnés.
Y
Ah oui je l'avaus deja reperé puis oublié celui-ci... Je le remets a l'ordre du jour (ou des temps)
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L
Tout pour te plaire : dystopie, émotion, sagesse.
P
merci Lou pour cet article
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L
Je comprends que tu sois particulièrement sensible à un moment du récit...

 


 
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