Jean-Marc La Frenière, La langue est mon pays, Éditions Trois Pistoles, 2010
A défaut d'un pays
il nous reste la langue
La langue est mon pays. Je meurs et je revis à chaque bout de phrase. Du bois mort dans l'âtre fait revivre la flamme. Il suffit d'un seul mot pour ouvrir une porte. Il suffit d'un poème pour redonner courage. Il suffit d'un motif dans les limailles de l'aimant et les cristaux de neige pour retrouver sa route. Il suffit d'un baiser pour effacer la haine. Il suffit d'un insecte au milieu du désert pour trouver l'oasis. Il suffit d'un regard au milieu de la nuit pour trouver la lumière. Le ciel se dessine sur une plume d'oiseau, l'océan sur une vague. Il suffit d'un galet de la grosseur d'un ongle pour porter la rivière.
Pour certains, la vie n'est qu'une collection de robes et de ronds de jambe, d'habits et d'abitudes. Il faudrait en faire une collation d'amour, faire son miel du moindre battement d'aile, faire lever le pain dans le ventre des affamés. Je sème dans les banques des armuriers qui font faillite, des imbéciles heureux dans les tours à finance, des caresses de braise dans le mouvement du froid, des fleurs à la peau neuve à l'affût de la pluie, une pomme dans chaque main, du rêve dans la prose, des éclats de mer sous la peau des yeux, des éclats de rire dans les larmes, de la chaleur humaine au comptoir des mots. Entre chaque virgule, je transporte un coin de table pour accueillir les fous, les désespérés, les âmes qui se cherchent. Il faut voir plus loin que l'horizon des villes. A défaut d'autre chose, je refais le soleil avec des bouts de chandelle, la ligne d'horizon avec un bout de ficelle.
La vie marche avec nous même quand nous rêvons.
Mes mots sont de vieux souliers déformés par la marche. On y voit des cals sur l'orteil d'une phrase, des ecchymoses sur la peau du silence. Je cherche un alphabet vivant, un lexique de chair, une grammaire affamée.
Entre terre et ciel, brumes et nuages.
Entre la brume du lac et les nuages roses, le soleil sort de son hamac.
Le pèlerin en révolte dans Un feu me hante reprend son bâton sur le chemin de l'amour, des cailloux de nostalgie. Un chant d'amour.
Le soleil sort de son hamac, Éveillez-vous !
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En partenariat avec LIRESOUSLEMAGNOLIA
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Jean-Marc La Frenière, Un feu me hante
Jean-Marc La Frenière, J'écris avec la terre