je suis un homme oisif à une époque de paix
Ryokan, le moine fou est de retour, poèmes traduits de l'original par Cheng Wing fun & Hervé Collet, calligraphie de Cheng Wing fun, Moundarren, 1988
Yamamoto Eizo est né à Izumozaki en 1758. A dix-huit ans il décide d'entrer au monastère zen Kosho ji, proche du village. Il y devient le moine Ryokan, qui signifie " bon et bienveillant ".
Après le suicide de son père, il se retire dans un ermitage vide sur un versant du mont Kugami, à neuf kilomètres du village. L'ermitage, une hutte en chaume, a été baptisé Gogo an (l'ermitage Cinq mesures de riz) par le moine qui a vécu là précédemment.
Il adopte pour second nom de moine le sobriquet qu'on lui a donné, dans les villages avoisinants où il se joint aux jeux des enfants, à la vie des paysans, aux fêtes champêtres : Taigu, le Grand fou.
Il reste vingt années à Gogo an.
A soixante ans il juge préférable de descendre habiter au pied du mont Kugami. Il s'installe dans un petit ermitage dans le parc du temple shinto Otago.
Neuf années plus tard il va s'installer dans la résidence de son ami Kimura Motoemon à Shimazaki. C'est là qu'il rencontre Teishin, une jolie bonzesse âgée de vingt-neuf ans, avec qui il entretient aussitôt une amitié très complice.
Elle est auprès de lui lorsqu'il meurt en 1831.
ayant fini de mendier ma nourriture à un croisement,
je vais flâner du côté du temple de Hachiman
les enfants m'aperçoivent et se disent
" le moine fou de l'année dernière aujourd'hui est de retour "
Le recueil, le moine fou est de retour, rassemble des poèmes que Ryokan a composés en chinois à Gogo an.
les montagnes bleues, devant, derrière
les nuages blancs, à l'ouest, à l'est
même si quelqu'un vient à passer
je n'ai aucune nouvelle à lui communiquer
* * *
le vent printanier peu à peu s'adoucit
faisant tinter ma canne j'entre dans la ville de l'est
verts, verts, les saules dans les jardins
flottent, flottent les lentilles d'eau sur l'étang
dans mon bol le parfum du riz de mille familles
mon cœur a renoncé à la gloire des dix mille carrosses
suivant pieusement les traces des anciens bouddhas
j'ai pour discipline de mendier ma nourriture
* * *
Le jeu de balle que le moine partage avec les enfants consiste à jongler avec la balle. On compte les reprises jusqu'à ce que la balle tombe.
mon adresse est sans égale, écrit-il.
mon secret,
" un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept "
* * *
longue nuit d'hiver, longue nuit d'hiver
nuit d'hiver interminable, quand fera-t-il jour ?
la lampe sans flamme, le poêle sans charbon
la nuit sur l'oreiller j'entends seulement le son de la pluie
* * *
après avoir marché, marché je tombe sur une ferme
c'est la saison où ormes et mûriers sont à maturité
les moineaux se rassemblent dans un bosquet de bambous
ils gazouillent et voltigent en se suivant
un vieux paysan portant sa houe entre
il m'accueille comme une ancienne connaissance
il demande à sa femme de filtrer du vin trouble
et de cueillir des légumes pour l'accompagner
ensemble nous parlons et buvons
discuter et rire quoi de plus merveilleux ?
ensemble, joyeux et ivres,
au-delà du vrai et du faux
* * *
qui dit que mes poèmes sont des poèmes ?
mes poèmes ne sont pas des poèmes
si vous comprenez que mes poèmes ne sont pas des poèmes,
nous pourrons alors parler poésie