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  • : Un bloc-notes sur la toile. * Lou, fils naturel de Cléo, est né le 21 mai 2002 († 30 avril 2004).

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25 octobre 2014 6 25 /10 /octobre /2014 00:09
Alan Silitoe, Tony Richardson, La solitude du coureur de fond

Alan Silitoe, La solitude du coureur de fond (The Loneliness of the Long Distance Runner, nouvelle tirée d'un recueil du même nom, 1959), traduction française d'Henri Delgove, Éditions du Seuil – La Petite Ourse, Lausanne, 1966, pour la présente édition

Alan Silitoe, Tony Richardson, La solitude du coureur de fond

Frontispice de Pierre Monnerat

Alan Silitoe, Tony Richardson, La solitude du coureur de fond

Alan Sillitoe, né le 4 mars 1928 à Nottingham, dans une famille d'ouvriers, est l'un des Angry Young Men (Jeunes gens en colère), un mouvement littéraire ainsi forgé par la presse britannique dans les années 1950.

 

« Dès mon arrivée au Borstal, ils ont fait de moi un coureur de fond en cross. Ça doit être parce qu'ils trouvaient que j'avais la découpure qu'il faut, parce que j'étais grand et musclé pour mon âge (et je le suis toujours). Au fond, pour vous dire le vrai, je ne m'en faisais guère pour ça, parce que, de courir, ça a tout le temps été le fort dans notre famille, surtout quand il s'agit de se défiler de la police. Moi, j'ai toujours été bon à la course, avec, à la fois, du sprint et de la foulée, mais le seul ennui, c'est que malgré toute ma vitesse, et pour savoir jouer des flûtes, vous pouvez être, sûr que je m'y connais, même si c'est moi qui vous le dis, c'est pas ça qui m'a empêché de me faire piger par les cognes le jour que j'ai fait la boulangerie. »

 

La solitude du coureur de fond est une longue nouvelle (126 pages dans notre édition). C'est l'histoire de Colin Smith, un jeune homme âgé de dix-sept ans, placé dans un centre de redressement après un vol dans une boulangerie. Le directeur de l'établissement, « ce gros pansu de salaud avec ses yeux de veau », remarque ses qualités d'endurance et il mise sur lui pour remporter l'épreuve de course de fond qui oppose chaque année ses sujets aux élèves d'un collège privé.

Smith court et lui refuse la victoire : son indépendance l'emporte.

 

« C’est ça, qu’ils disent, l’entraînement idéal pour la grande journée des championnats, quand tous les messieurs-dames à groin de cochon – qui ne savent même pas que deux et deux font quatre et qui seraient empotés comme des manches s’ils n’avaient pas leurs esclaves pour les servir au doigt et à l’œil- viendront nous faire de beaux discours pour nous démontrer qu’il n’y a rien comme le sport pour vous ramener dans le droit chemin et vous empêcher d’avoir les doigts qui vous démangent de taquiner les serrures de leurs boutiques et de leurs coffres-forts, ou de vider les pennies de leurs compteurs à gaz avec des épingles à cheveux. Et comme récompense, on vous donnera un bout de ruban bleu et une coupe, après que vous vous serez bien esquintés à courir ou à sauter, tout comme des canassons, avec cette différence que les canassons, eux, on les traite mieux que nous ensuite. »

 

Le directeur joue sur la confiance : soyez franc jeu et vous en serez récompensés. Hypocrisie flagrante : son laquais juteux ne sait que gueuler au garde-à-vous. Le coureur sort ses tripes, mais il ne montre pas ce qu'il pense.

 

« Il possède peut-être des milliers de livres, et il est même bien possible qu'il en ait écrit lui-même, mais je suis bien tranquille, aussi sûr que je suis ici, que ce que je gribouille, ça vaut un million de fois ce qu'il pourrait jamais écrire. »

 

« Parce qu'une autre chose que les gens comme le directeur n'arriveront jamais à comprendre, c'est que je suis honnête, moi, et que je n'ai jamais été autrement qu'honnête, et qu'honnête, je le serai toujours.

[…]

Je suis convaincu que mon honnêteté est de la seule espèce qui existe au monde, et lui croit également que la sienne est la seule. »

 

Colin pense.

 

« C'est qu'il faut que je vous explique que mon paternel était mort d'un cancer de la gorge et que la mère avait touché un petit magot de cinq cents livres de l'assurance et comme primes de l'usine où il travaillait, "pour adoucir votre chagrin", qu'ils avaient dit, ou quelque chose du même genre. »

 

Après des achats de nippes, télé, mangeaille, il en restait trois cents gros billets.

 

La publicité de la télé fait miroiter tout ce qu'on peut acheter : les choses s'animent, alors que les réclames glacées du cinéma et les minables affiches n'ont pas de vie.

Colin et son copain Mike cassent le coffret de la caisse chez un boulanger. En rentrant, ils sifflent un air ancien.

 

John Walter Bratton, Teddy Bear Two-Step, 1907 – int. Rodney Jantzi, 2013, sur un Berlin Reed Organ, fabriqué à Berlin (Kitchener), Ontario, Canada, en 1904.

Alan Silitoe, Tony Richardson, La solitude du coureur de fond

Des paroles furent ajoutées à la mélodie en 1932 par Jimmy Kennedy, et la chanson devint Teddy Boys' Picnic.

 

Les deux Boys coulent les liasses de fafiots dans la descente d'eau devant la porte de la maison. Les flics les ont reconnus grâce à un témoignage. Ils viennent interroger Smith, il pleut, la gouttière vomit ses billets.

 

Au Borstal.

 

« L'abruti d'enflé de directeur expliquait à un abruti d'enflé de membre du Parlement […] que c'était uniquement sur moi qu'il comptait pour gagner pour le Borstal la Coupe du Ruban bleu du Championnat d'Angleterre de cross en fond. »

 

La course est lancée. Smith est loin en tête. Près de la ligne d'arrivée, il s'arrête, attend le second (venant du collège privé), le laisse passer.

 

Après six mois de travaux forcés aux corvées, en récompense, il est libéré. Il reprend son métier de crocheteur, tout en écrivant son récit qu'il confie à un ami sûr en vue de le faire paraître en livre, si les flics [lui] remettent le grappin dessus.

 

Le texte n'a pas vieilli, ni dans le propos d'un rebelle refusant une société injuste et, selon lui, définitivement figée, ni dans la musique de l'écriture dont on a pu se faire une idée plus haut.

 

Le film.

 

Alan Sillitoe (scénario), Tony Richardson (réalisation), The Loneliness of the Long Distance Runner, avec Tom Courtenay (Colin Smith, le coureur de fond), Michael Redgrave (Ruxton Towers, le directeur du centre) ; musique : John Addison ; montage : Antony Gibbs, 1962.

 

« Le beau titre. Comme tous les beaux titres, il satisfait d’abord à son harmonie propre. Satisfaction qui relève du « charme » poétique. Puis viennent les interprétations. Elles sont au moins deux comme pour toute poésie. Au premier degré nous demeurons sur le plan des apparences, de la réalité pure et simple : il s’agit bien d’un coureur de fond qui, tout le long de sa course épuisante, se trouve seul, livré à ses seules ressources physiques et morales. […] Au deuxième degré, sur le plan du symbole : tout au long de sa vie, assimilée à une épreuve sportive, tout homme est ce coureur solitaire, surtout quand il a choisi la révolte. Tout le film de Richardson se bâtit sur l’étroit enlacement de deux suites de scènes en accord avec cette double interprétation ; […] La réussite de ce film tient beaucoup à l’étonnante présence de Tom Courtenay. D’un physique plutôt ingrat – qui évoque l’oiseau tombé du nid, le petit animal frileux – il joue avec une étonnante variété. […] Excellente bande sonore où la musique, loin de faire double emploi avec l’image, joue en contraste grinçant (les cantiques sur une des images de passage à tabac) ou indique le sentiment suggéré par le mouvement de la caméra (jazz, par exemple, pour souligner la joie ou le burlesque) ; habilité du montage greffant l’une sur l’autre les deux suites d’images d’une façon dépouillée arbitraire. […] Mais la caméra travaille à suggérer par son mouvement les mouvements sur lesquels l’histoire se déroule. […] Elle s’efforce, court, souffle, halète, s’éblouit en accord avec Smith, ou s’immobilise (plan général) pour mieux s’étendre sur les paysages lorsque les quatre jeune chiens, au bord de la mer, gesticulent à la limite de l’horizon ou que le coureur s’élance dans la vaste fraîcheur de l’aube. »

Jean-Louis Bory, Des yeux pour voir, 1971

 

La fin du film, la course (V.O. non sous-titrée) : on peut commencer à 11' 41", mais on peut, encore mieux, emprunter ou acquérir le film (V.O. s/t français).

 

Alan Silitoe, Tony Richardson, The Loneliness of the Long Distance Runner, 1962

 

* * *

 

Teddy Boys' Picnic

 

If you go down in the woods today

You'd better go in disguise

In drainpipe trews and high coloured shoes

And something intense in ties

No need to wash its going to rain

Just take your cosh and your bicycle chain

Todays the day the teddy boys have their picnic

 

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commentaires

Y
je connaissais le titre mais le sujet... étonnant... vais essayer de mettre a main sur le film :-)
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L
Tu peux aussi lire la nouvelle. Un centimètre de plus sur ta PAL, ça ne paraîtra pas : - )
D
Ils te narguaient...
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D
Tu devrais leur apprendre pour arrondir ta pension... <br /> Il n'y a pas de petits coureurs chez overblog France, mais j'imagine leur solitude l'open-space...
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L
Ne t'en fais pas, leur space est open et convivial (entre eux). Il y a quelques années, pour fêter l'arrivée d'une première nouvelle version, encore plus lamentable (c'est possible, yes, they can !), ils avaient publié une photo d'entreprise (disparue depuis lors) : dans le jardin d'un hôtel particulier (toujours plus à l'ouest), le staff s'affichait une petite coupe à la main (pas du mousseux doux de chez Mimile).
D
Un contemporain d'Orwell qui livre un récit hautement politique...
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L
&quot;Un contemporain d'Orwell qui livre un récit hautement politique...&quot;<br /> Comme tu y vas ! &quot;hautement politique&quot; ! Tu veux ruiner ma réputation ?<br /> Non, juste un article de 'L'Equipe' en supplément inséré dans les 'Cahiers du cinéma' : un coureur à bout de souffle s'effondre avant la ligne d'arrivée.<br /> <br /> Pour la chronologie, c'est vrai. A quelques années près, Orwell écrivait : « Dire aux gens ce qu'ils n'ont pas envie d'entendre ».<br /> http://www.libellus-libellus.fr/2014/05/george-orwell-a-ma-guise-dire-aux-gens-ce-qu-ils-n-ont-pas-envie-d-entendre.html<br /> (les liens ne sont plus actifs sous le nouvel OverBlog ; l'équipe - en français : le staff - n'a même pas su recopier quelques lignes de Facebook)
L
Le Gentil, confus, s'est fondu dans un double fond (Belliard...) Mais l'essentiel est qu'il ait bon fond.
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L
Allo, Alain ?<br /> Non, Stéphane, tu confonds avec 'Trans-Europ-Express'.<br /> On sait que je n'aime pas dire du mal des gens, mais c'est vrai que tu es gentil.
L
Ce que le texte anglais, sur le fond, nous cachait, et que la traduction française nous révèle : où courait ce coureur ? &quot;Au fond, pour vous dire le vrai&quot; (3e ligne du 1er paragraphe cité). Qui l'eût cru ? Lou, sans doute. Qui l'eût dit ? Pas Lou, las.
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L
Merci, mon Gentil, de faire émerger le premier paragraphe en anglais. On en appréciera encore mieux la musique de l'écriture, comme il est dit.<br /> &quot;I didn't mind it much&quot; (je m'en foutais - tradalou) est devenu &quot;Au fond&quot; - le &quot;fond&quot; anticipant celui de l'étang des 'Choristes' - action-réaction, et la décoration du dirlo prend feu, à la fin.<br /> <br /> &quot;AS soon as I got to Borstal they made me a long-distance cross-country runner. I suppose they thought I was just the build for it because I was long and skinny for my age (and still am) and in any case I didn't mind it much, to tell you the truth, because running had always been made much of in our family, especially running away from the police. I've always been a good runner, quick and with a big stride as well, the only trouble being that no matter how fast I run, and I did a very fair lick even though I do say so myself, it didn't stop me getting caught by the cops after that bakery job.&quot;<br /> <br /> Que penses-tu du 'Berlin' ?

 


 
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