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  • : Un bloc-notes sur la toile. * Lou, fils naturel de Cléo, est né le 21 mai 2002 († 30 avril 2004).

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1 juillet 2016 5 01 /07 /juillet /2016 00:15
Nikos Kazantzaki, Alexis Zorba – la vie de Cocagne

Níkos Kazantzákis, Νίκος Καζαντζάκης, Aléxis Zorbás, Βίος και Πολιτεία του Αλέξη Ζορμπά, 1946 / Nikos Kazantzaki, Alexis Zorba, traduit du grec par René Bouchet, Editions Cambourakis, 2015

 

Dans ce roman écrit entre 1941 et 1943, aux heures les plus sombres de l’histoire de la Grèce moderne, Nikos Kazantzaki, presque sexagénaire, dresse le bilan d’une existence placée sous le signe du conflit intérieur et de la quête philosophique. Loin de sa version folklorique popularisée par le film de Cacoyannis et l’interprétation qu’en a donnée Anthony Quinn, l’Alexis Zorba du romancier grec apparaît surtout comme le prétexte à une interrogation sur les formes et le sens de la liberté. Il préfigure la célèbre épitaphe choisie par son auteur : « Je n’espère rien, je ne crains rien, je suis libre ».

« Crois-moi, être un homme, c’est ça : être libre ! »

Zorba

Premier rabat de couverture

Nikos Kazantzaki, Alexis Zorba – la vie de Cocagne

Auteur d’une œuvre considérable qui embrasse tous les genres – romans, essai philosophique, théâtre et poésie –, Níkos Kazantzákis, né en Crète en 1883, est incontestablement l’une des figures les plus marquantes de la littérature grecque moderne.

Premier rabat de couverture

 

- - -

 

Disciple de Bergson dont il a suivi les cours au Collège de France à Paris, admirateur de l'oeuvre de Nietzsche à qui il a consacré sa thèse, tenté successivement par les expériences contradictoires du léninisme et du bouddhisme, il donne une première synthèse de sa réflexion dans cette somme de plus de trente-trois mille vers commencée en 1924, plusieurs fois réécrite et publiée en 1938, qu'est son épopée L'Odyssée.

Préface de René Bouchet

 

Incipit

 

J’ai fait sa connaissance au Pirée où j’étais descendu prendre le bateau pour la Crète. Le jour était sur le point de se lever. Il pleuvait. Un fort sirocco poussait les embruns jusque sur le petit café. Les portes vitrées étaient fermées, il y avait dans l’air des relents de sueur et d’infusion. Il faisait froid dehors, l’haleine des clients avait embué les carreaux. Cinq ou six marins vêtus de gilets bruns en poil de chèvre, qui avaient passé la nuit sur place, buvaient du café et de la sauge et regardaient la mer à travers les vitres opaques.

Etourdis par les lames de la tempête, les poissons avaient trouvé refuge dans la tranquillité des eaux profondes et attendaient que, plus haut, la mer se calme. Les pêcheurs, entassés dans les cafés, attendaient eux aussi que la colère divine s’apaise et qu’une fois rassurés les poissons remontent à la surface mordre à l’hameçon. Les soles, les rascasses, les raies rentraient dormir après leurs expéditions nocturnes. Le jour se levait.

 

Une écriture lumineuse, dans la magnifique traduction de René Bouchet (les traducteurs sont des écrivains, parfois de grands écrivains, nous l'avons déjà dit).

 

Alexis Zorba, l'ami du narrateur, vient du monde des klephtes (κλέφτες, « voleurs ») – à l'origine, des bandits des montagnes de Grèce durant la période de la Grèce ottomane. Il a étudié l'art du santouri auprès du maître Retsep Effendi.

Nikos Kazantzaki, Alexis Zorba – la vie de Cocagne

Musicien de rue, Athènes, 2005

 

Son santouri est pratiquement son seul bagage.

 

Ecoutez le santouri.

 

Mer, douceur automnale, îles baignées de soleil, voile diaphane de pluie fine vêtant l'immortelle nudité de la Grèce. Quelle joie, me disais-je, pour l'homme à qui il a été donné de voguer avant sa mort sur les eaux de la mer Egée.

 

Zorba se souvient du soulèvement de la Crète contre le joug ottoman : des oreilles arrachées, des têtes coupées... C'est un mystère ! Murmure-t-il. Un granbd mystère ! Pour que la liberté règne dans le monde, est-ce qu'on a vraiment besoin de tous ces meurtres, de toutes ces atrocités ?

 

Son patron et lui débarquent en Crète où un chef de village, un homme fier et généreux, leur a loué une mine de lignite. Ils se logent chez Madame Hortense, fine cuisinière aux appâts charmeurs encore pour Zorba.

Belle sirène des rivages, nous sommes des naufragés que la mer a jetés dans ton royaume. Daigne, ô ma sirène, partager notre repas !

 

La femme est un mystère.

 

Sur le rivage, un gamin chante des chansons d'amour, des mantinades crétoises.

 

Νίκος Ζωιδάκης, Μαντινάδες, 2008

 

Faire chaque chose en son temps (déjeuner d'une poule au pilaf, extraire le lignite...), vivre dans l'instant présent, danser : c'est la leçon de Zorba – la vie de Cocagne.

 

Michael Cacoyannis, Zorba le Grec, 1964

 

Et Dieu dans tout ça ?

Ne le rabroue pas comme ça : lui aussi, il a besoin de nous, le pauvre !

 

Un moine dit au narrateur : l'éternité existe jusque dans notre vie éphémère, mais il nous est très difficile de la trouver tout seuls, égarés que nous sommes par les soucis quotidiens.

 

Entre farce et tragédie, l'histoire réunit deux univers, dans le fragile équilibre de l'incertitude.

Nikos Kazantzaki, Alexis Zorba – la vie de Cocagne

2016, année grecque, avec Cryssilda et Yueyin !

 

_ _ _

 

ANNEXE

 

Αγάπη είναι ν αγαπάς

πιο πάνω απ τη ζωή σου

και την καρδιά σου να ρωτάς

κι όχι τη λογική σου

 

Αν είχε η καρδιά μυαλό

ποτέ δε θα πονούσε

εκείνο που μας αγαπά

εκείνο θ αγαπούσε!

 

Εσύ μου λες πως μ αγαπάς

κι εγώ πως σε πιστεύω

ακόμα και το ψέμα σου

έμαθα να λατρεύω!

 

Πες μου τη λέξη σ αγαπώ

πως θέλεις να στη λέω

με τι να συνοδεύεται

με γέλιο ή θες να κλαίω;

 

Κι άμα σ αρέσει να πονώ

χάρη θα στο ζητήσω

να με πληγώνεις πιο συχνά

για να σ ευχαριστήσω!

 

Έφυγες μα δεν έφυγα

πρόδωσες μα θα μείνω

κι όταν αγάπη χρειαστείς

ζήτα μου να σου δίνω!

 

Στην αλυσίδα που φορείς

και στο σταυρό που έχεις,

κρέμομαι εγώ κι όχι ο Χριστός

φως μου να το κατέχεις!

 

Γιατί τη θέση του Χριστού

επήρα στο σταυρό σου

να με φορείς απάνω σου

να μ έχεις φυλαχτό σου!

 

Δώσε μου κάτι άχρηστο

κι ασήμαντο για σένα

να κάνω αγάπης φυλαχτό

να το κρατώ για μένα!

 

Πόσο μωρό μου σ αγαπώ

κι ένας στραβός το βλέπει

κι εσύ μου λες δεν γίνεται

δεν κάνει και δεν πρέπει

 

Ήθελα να μουνα τυφλός

αρκεί να ξέρω μόνο

πως θα κρατάς το χέρι μου

να περπατώ στο δρόμο

 

Ήθελα να μουνα μουγγός

και να σε συναντήσω

και να ναι η λέξη σ αγαπώ

αιτία να μιλήσω

 

Με μια φωτογραφία σου

κοιμάμαι κάθε βράδυ

μα είναι χαρτί και δεν μπορεί

για να μου δώσει χάδι

 

Αν αισθανθείς στον ύπνο σου

κάτι να σε παιδεύει

μη φοβηθείς η σκέψη μου

είναι και σε χαϊδεύει

 

Μη φοβηθείς αν αισθανθείς

κάτι στα σωθικά σου

εγώ σκαλίζω για να βρω

μια θέση στην καρδιά σου

 

Εις το δημοτικό σχολειό

πήγα ως την πρώτη τάξη

κι όμως η ψεύτρα η ζωή

μου χει πολλά διδάξει

 

Γυμνάσιο και λύκειο

δεν έχω τελειωμένο

τα βάσανα καθηγητή

μ έχουνε καμωμένο

 

Από τα πολλά τα βάσανα

ξέχασα πως με λένε

και δίνω ξένη σύσταση

και λάθος με γυρεύουν

 

Κι άμα δεν ήμουνα εγώ

ήθελα να κατέω

τίνος θα τση δινε ο Θεός

τις πίκρες απού έχω

 

Kι όταν θα μπω στην εκκλησιά

ως κι οι εικόνες κλαίνε

και σα με δούνε καλώς τονε

τον δυστυχή μου λένε

 

Επήγα ν ανάψω ένα κερί

στην εκκλησιά για μένα

κι ύστερα το μετάνιωσα

και τ άναψα για σένα

 

Πήγα ν ανάψω δυο κεριά

μα βρήκα μόνο ένα

και σκυψα και προσκύνησα

και τ άναψα για σένα!

 

Όμως εσύ τρία κεριά

στην εκκλησιά πάντα ν ανάβεις φως μου

τα δυο για μας, το μοναχό

για τς άτυχους του κόσμου

 

Ένα κερί κι ένα κορμί

μια διαφορά έχουν μόνο

το ένα λιώνει από τη φωτιά

και τ άλλο από τον πόνο

 

Νίκος Ζωιδάκης, Μαντινάδες, 2008

 

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27 juin 2016 1 27 /06 /juin /2016 00:15
Mariam Petrosyan, La Maison dans laquelle – aux confins de la ville

Mariam Petrosyan, La Maison dans laquelle, traduit du russe par Raphaëlle Pache, éd. Monsieur Toussaint Louverture, 2016

Mariam Petrosyan, La Maison dans laquelle – aux confins de la ville

Mariam Petrosyan, Մարիամ Պետրոսյան, est une romancière arménienne écrivant en russe.

 

Dans la Maison, vous allez perdre vos repères, votre nom et votre vie d’avant. Dans la Maison, vous vous ferez des amis, vous vous ferez des ennemis. Dans la Maison, vous mènerez des combats, vous perdrez des guerres. Dans la Maison, vous connaîtrez l’amour, vous connaîtrez la peur, vous découvrirez des endroits dont vous ne soupçonniez pas l’existence, et même quand vous serez seul, ce ne sera jamais vraiment le cas. Dans la Maison, aucun mur ne peut vous arrêter, le temps ne s’écoule pas toujours comme il le devrait, et la Loi y est impitoyable. Dans la Maison, vous atteindrez vos dix-huit ans transformé à jamais et effrayé à l’idée de devoir la quitter.

Ensorcelante évocation de l’enfance et de l’adolescence, La Maison dans laquelle est un chant d’amour fantastique à cet âge ingrat et bienheureux, à ses exaltations et ses tragédies, au sentiment de frustration et de toute-puissance qui le traverse. Mariam Petrosyan a réussi à créer un univers bariolé, vivant et poétique, pétri de cette nostalgie et de cet émerveillement que nous avons tous au fond de nous et qui fait que, parfois, nous refusons de grandir et d’affronter la brutalité du monde qu’on appelle la réalité.

Premier rabat de couverture

 

A 18 ans, Mariam Petrosyan (née en 1969 à Erevan) ébauche les personnages qui deviendront les héros d’un livre qu’elle mettra plus d’une dizaine d’années à écrire, sans jamais chercher à le faire publier : La Maison dans laquelle. Dans les années 1990, elle finit par laisser un exemplaire du manuscrit à des amis. Quinze ans plus tard, après être passé de lecteurs en lecteurs, celui-ci tombe entre les mains d’un éditeur, qui y jette un œil poli avant de le dévorer en quelques jours. Dès sa sortie, en 2009, le livre est lauréat de nombreux prix, et devient un best-seller intergénérationnel et international (250.000 exemplaires vendus en Russie, traductions en italien, polonais, danois, letton, macédonien, norvégien, espagnol et hongrois), dont la communauté de fans ne cesse de grandir. Mariam Petrosyan est aujourd’hui considérée (bien qu’elle soit toujours arménienne) comme l’une des écrivaines russes les plus novatrices. La Maison dans laquelle est son seul roman. Selon ses propres dires, elle ne l’a pas écrit ; elle y a vécu.

Second rabat de couverture

 

Incipit

 

La Maison se dresse aux confins de la ville, en bordure d'un quartier appelé les « Peignes » où d'interminables immeubles sont alignés en rangs crénelés, telles des dents plus ou moins régulières. Séparées à la base par des cours de béton servant d'aires de jeux, les tours sont percées d'innombrables yeux. Là où elles n'ont pas encore poussé, s'étendent des ruines masquées par des palissades. Les enfants, d'ailleurs, s'intéressent bien plus aux décombres qui s'y cachent, refuge des rats et des chiens errants, qu'aux espaces aménagés pour eux.

 

La Maison dans laquelle est un aérolithe romanesque. La Maison semble être un pensionnat délabré, tout également inquiétant et rassurant, dans lequel vivent, parlent et grandissent des adolescents, le plus souvent handicapés et associés en bandes rivales. Des pages enchantées, noires, hypnotiques, où l'on entrevoit Lewis Carroll, Tim Burton et William Golding.

A ce jour, le seul autre ouvrage publié de Mariam Petrosyan est un petit conte de fées intitulé Le Chien qui pouvait voler, Сказка про собаку, которая умела летать, 2014.

 

Un chef-d'œuvre.

 

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25 mai 2016 3 25 /05 /mai /2016 00:15
Luisa Gallerini, La Momie de Pâques – un labyrinthe vers le paradis

Luisa Gallerini, La Momie de Pâques, 2015

 

Des bains turcs du Caire aux hypogées de la Vallée des Rois, des catacombes d’Alexandrie au désert du Sinaï, une jeune égyptologue mène au XIXe siècle une mystérieuse chasse aux momies morcelées. Le Nil, fleuve ancestral qui relie le monde des vivants à celui des morts, la mènera au cœur de l’Egypte occulte, celle des prêtres magiciens, des dieux d’Héliopolis, des premiers chrétiens et des évangiles, des prophéties millénaires, des stèles et des cérémonies funéraires, des monastères orthodoxes et des gemmes aux extraordinaires vertus.

Lorsque, déguisée en homme, elle rencontre Madame Gallerini sur une cange qui les conduit à Thèbes, elle ne sait pas encore que celle-ci lui sera d’une aide précieuse pour déchiffrer l’ultime héritage du Christ et comprendre pourquoi l’Eglise, depuis sa naissance, ne cesse de fabriquer de pieuses reliques de Saints. Elle ne sait pas non plus qu’en se liant d’amitié avec la belle vacancière, cette dernière prendra peu à peu dans son existence une place inattendue.

Un siècle et demi plus tard, c’est le hasard avancent certains, le Destin affirment d’autres, qui met entre les mains de Marie le carnet de voyage de l’exploratrice. Du jour au lendemain, sa vie bascule ; entre Paris, Londres et Rome s’engage alors une périlleuse course poursuite pour la Vie Eternelle.

4e de couverture

Luisa Gallerini, La Momie de Pâques – un labyrinthe vers le paradis

Passionnée de littérature et d'aventure, Luisa Gallerini fait partie de ces êtres imaginaires qui n'ont d'existence qu'aux yeux de leurs lecteurs. Pourtant, quand la fiction se mêle à la réalité, il arrive parfois qu'un personnage se libère des pages d'un livre pour pénétrer dans le monde réel ; à l'inverse, certains de leurs créateurs deviennent prisonniers de leurs œuvres, et délaissent la réalité pour la folie.

4e de couverture

 

Incipit

 

La prise de la Bastille

 

Ce qui est hasard à l'égard des hommes est dessein à l'égard de Dieu.

(Bossuet, La Politique tirée des propres paroles de l'Ecriture sainte)

 

Claudio Monteverdi, L'incoronazione di Poppea (1642), III, VIII, Pur ti miro, Anne Sophie von Otter (Poppea), Mireille Delunsch (Nerone), Les Musiciens du Louvre, dir. Marc Minkowski, Aix-en-Provence, 1999

 

Les journaux avaient annoncé la réhabilitation de la place de la Bastille, mais la réalité dépassait de loin ce qu’avait imaginé Marie. Le carrefour n’était plus qu’un vaste chantier et la pluie, qui ruisselait dans la panse des caniveaux, giclait sur les trottoirs disloqués. Aucune voiture ne circulait plus et les rares promeneurs s’éteignaient aussi vite qu’ils surgissaient. La clameur de Paris, sourde, froissait les arbres et barbotait dans la Seine. Marie ne savait pas encore, alors qu’elle grommelait sous l’averse, ce qui l’attendait ce soir-là. Toute à la joie d’assister au Couronnement de Poppée, elle marchait d’un pas rapide. Quand une lueur rouge entra furtivement dans son champ de vision, elle n’y prêta aucune attention. Ce fut l’énorme bétonneuse, qui stationnait tous feux éteints à l’entrée de l’Opéra Bastille, la pelle enterrée dans l’épaisse brume, qui la tira de ses méditations.

[...]

Quittant la chaussée, elle s’engagea, confiante, sur les vestiges de la place. Pourtant, si la magie de Paris illuminait cette nuit-là les décombres fantomatiques de son habituelle majesté, quelque chose d’autre émanait de l’esplanade désarticulée, quelque chose d’insaisissable. A mi-chemin, la lueur rouge, à laquelle elle n’avait pas pris garde quelques heures auparavant, attira son regard. Intriguée, elle revint sur ses pas et emprunta, pour s’en approcher, un remblai de ciment aussi étroit qu’une poutre. Mais son imagination lui avait sans doute joué des tours car elle ne trouva sur place qu’un amas de cailloux, de mégots, de terre et de ferraille. De surcroît, lorsqu’elle se redressa, elle constata avec désespoir que l’on pouvait d’ores et déjà inventorier sur sa robe de soirée délicatement maculée, de nombreuses souillures représentatives des richesses du sous-sol parisien. Consternée, elle considérait avec dégoût l’état déplorable de ses escarpins lorsqu’elle aperçut la bandelette.

Luisa Gallerini, La Momie de Pâques – un labyrinthe vers le paradis

Papyrus d'Hounefer, ca 1310 avant J.-C.

Une bandelette couverte de hiéroglyphes.

Luisa Gallerini, La Momie de Pâques – un labyrinthe vers le paradis

Un oiseau de pierre au bec élancé.

Luisa Gallerini, La Momie de Pâques – un labyrinthe vers le paradis
Luisa Gallerini, La Momie de Pâques – un labyrinthe vers le paradis
Luisa Gallerini, La Momie de Pâques – un labyrinthe vers le paradis
Luisa Gallerini, La Momie de Pâques – un labyrinthe vers le paradis
Luisa Gallerini, La Momie de Pâques – un labyrinthe vers le paradis

Une amulette.

 

Très excitée par sa découverte, Marie remporte son trésor chez elle. Le lendemain matin, elle reprend son travail, ennuyeux et purement alimentaire.

 

Nourritures terrestres

 

A l’heure du déjeuner, elle évite Chez Gégène, fuyant une nourriture douteuse, baignant dans la sauce et le graillon, sa population de cadres moyens, son odeur de tabac froid aux relents de friture, avec une tarification prohibitive, inversement proportionnelle à la qualité des mets. Elle contourne le troupeau bien discipliné de ses collègues ventripotents, qui devaient à leurs fréquentes bacchanales culinaires leurs panses rebondies : comment renoncer à un hamburger gorgé de mayonnaise, ou à une andouillette bien grasse bordée de pommes de terre rances sautées à l’ail ou aux frites épaisses à peine cuites, huileuses et molles, servies Chez Gégène sur un lit de vieille salade terreuse.

Luisa Gallerini, La Momie de Pâques – un labyrinthe vers le paradis

Luisa Gallerini, Marie, bleue

 

Marie Desjardins, la narratrice, est une jolie fille âgée de trente-cinq ans : de longs cheveux lui tombent dans les yeux en une épaisse frange ; son visage est doux et gracieux ; mince, elle mesure près d’1m70, et affiche des formes généreuses qui attisent bien souvent la convoitise de la gente masculine. D’un naturel gaffeur, elle collectionne les brèves rencontres. Pour gagner sa croûte, elle assure sans conviction un emploi de gestionnaire de projets au sein d'une société bancaire localisée à la Défense – elle s'ennuie souvent mais laisse une large part au rêve et à l'imaginaire. Elle vit à Paris, rue d’Enghien, dans le 10e arrondissement.

 

 

Le revers de la médaille

 

Ne sais-tu pas que la source de toutes les misères de l'homme, ce n'est pas la mort, mais la crainte de la mort ?

(Epictète)

 

Marie se rend au Louvre, département des antiquités égyptiennes.

C’est alors qu’elle aperçut, nichés dans une vitrine sombre et poussiéreuse, des oiseaux comme le sien, des oiseaux-âmes.

Elle rencontre Philippe Roussel, chercheur en égyptologie, trente ans. Elle lui montre son amulette : c'est un faux ; le long de la patte gauche de l'oiseau, une date est inscrite à l'encre, MDCCCLXV. Le papyrus, en revanche, un papyrus funéraire, serait beaucoup plus ancien, entre 50 et 100 avant J.-C.

Une idylle se forme.

 

Le récit tient son fil dans le labyrinthe du temps et des lieux, du XIXe siècle à nos jours, du Nil à la Bastille.

Luisa Gallerini, La Momie de Pâques – un labyrinthe vers le paradis

Partons en Dahabeya vers Thèbes.

 

Nourritures terrestres

 

A bord de la cange, l'exploratrice dîne d'un filet de poisson sans saveur, servi sur une nappe de riz trop cuit, avec une galette de pain ramollie et un verre de vin blanc.

 

Marie nageait dans des eaux troubles.

 

Elle s'identifie à une jeune égyptologue du XIXe siècle, elle en rêve en prenant son café.

Le soleil flânait sur la toile cirée et le ciel revêtait les rideaux de reflets bleu océan. La journée s'annonçait magnifique.

 

Philippe est arrêté sous l'inculpation de vols au département des antiquités égyptiennes du Louvre et, notamment, le vol d'un précieux papyrus connu sous le nom de Rituel de l'embaumement. Il refuse de reconnaître les faits et de livrer l'identité de sa complice, une jeune femme. Il s'ensuit des tensions entre le musée du Louvre et le musée du Caire, la France et l'Egypte.

Marie découvre sur une page du carnet de voyage de l'exploratrice un message inscrit en marge à l'encre sympathique – un jus d'oignon blanc.

Au matin, en lisant le journal, elle apprend que Philippe a été retrouvé mort dans une cellule du commissariat du 1er arrondissement de Paris. Les experts sont formels : il s'est suicidé dans la nuit en se plantant un crayon dans la carotide.

On aime ce burlesque.

[NDL : le meurtre déguisé en suicide au cours d'une garde à vue est devenu un usage]

 

Grâce au réconfort d'un carré de chocolat noir, elle peut reprendre le décryptage du message caché. Les dernières lignes l'appellent à Rome – loin des recherches de la police.

 

Carnet de l'exploratrice, lundi 23 mars 1863, à Thèbes.

 

Elle s'engage dans un couloir funéraire, une fissure étroite, une tombe. Et là ! Une momie en morceaux, un phylactère, un hypocéphale – et une amulette, qu'elle emporte avec un rouleau de papyrus conservé en parfait état dans une jarre.

L'hypocéphale annoncerait la venue du Christ près de deux millénaires avant sa naissance !

 

Dans le labyrinthe, le mystère repose également sur le travestissement, un jeu entre le féminin et le masculin.

 

Marie est à Rome, en l'église Santa Maria in Cosmedin – une sculpture à l'entrée recèle un trésor.

Luisa Gallerini, La Momie de Pâques – un labyrinthe vers le paradis

Bocca della Verità, Santa Maria in Cosmedin, Rome.

La Bocca della Verità est un masque en bas-relief sur marbre, datant de 1632, muré dans la paroi du pronaos de l'église Santa Maria in Cosmedin de Rome.

La Bouche de la Vérité est peut-être piégée, mais l'héritière légitime du carnet de voyage des exploratrices du XIXe siècle est autorisée.

 

Un vieux cafetier rencontré plus tôt lui apporte un dîner : une cuisse de poulet grillée, une copieuse portion de riz. On mange parfois bien dans ce roman.

 

On ne saurait en dire plus, sinon très peu : l'auteur est un personnage du roman ; il s'agit d'un roman érudit, lisible par tous grâce aux nombreuses notes, dans une écriture transparente comme on a pu le voir.

 

Nous ne sortions pas de l'Enfer, mais du Purgatoire ; le Paradis, enfin, nous avait ouvert ses portes.

 

A commander sur Amazon – il s'agit d'une auto-édition, imprimée par Amazon.

 

- - -

 

Annexe

Luisa Gallerini, La Momie de Pâques – un labyrinthe vers le paradis

Pur ti miro,

Pur ti godo,

Pur ti stringo,

Pur t'annodo,

Più non peno,

Più non moro,

O mia vita, o mi tesoro.

Io son tua...

Tuo son io...

Speme mia, dillo, dì,

Tu sei pur, speme mia

L'idol mio, dillo, dì,

Tu sei pur,

Sì, mio ben,

Sì, mio cor, mia vita, sì.

Pur ti miro,

Pur ti godo,

Pur ti stringo,

Pur t'annodo,

Più non peno,

Più non moro,

O mia vita, o mi tesoro.

Luisa Gallerini, La Momie de Pâques – un labyrinthe vers le paradis
Luisa Gallerini, La Momie de Pâques – un labyrinthe vers le paradis
Luisa Gallerini, La Momie de Pâques – un labyrinthe vers le paradis

Patrick Szymanek, Oiron, Collégiale

Le Sobek n'apparaît pas dans le récit, mais Patrick Szymanek et son compagnon nous l'ont trouvé dans leur chantier de fouilles – dont nous gardons le secret, et il s'accorde tellement bien à l'Egypte ancienne et à notre proche collégiale !

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17 mai 2016 2 17 /05 /mai /2016 00:15
Jean-Pierre Minaudier, Poésie du gérondif – du rêve et de la poésie

Jean-Pierre Minaudier, Poésie du gérondif, Vagabondages linguistiques d'un passionné de peuples et de mots, illustration de couverture : Denis Dubois, Le Tripode, 2014

Jean-Pierre Minaudier, Poésie du gérondif – du rêve et de la poésie

Jean-Pierre Minaudier n'est pas un homme ordinaire. Cet amateur de mots est victime d'une terrible addiction : il possède une des plus grandes bibliothèques personnelles au monde de grammaires et s'en nourrit comme d'autres lisent des poèmes et des BD (qu'il lit aussi). Dans Poésie du gérondif, armé de ses quelque 1163 grammaires, concernant plus de 800 langues, il nous raconte avec humour et quantité d'exemples pourquoi chaque langue véhicule une vision particulière de l'univers...

Ancien élève de l'Ecole normale supérieure et historien de formation, Jean-Pierre Minaudier s'est découvert sur le tard un amour pour les langues rares. Depuis, il enseigne le basque et l'estonien (qu'il traduit aussi, on lui doit notamment la version française de L'Homme qui savait la langue des serpents, d'Andrus Kivirähk) et jongle compulsivement avec les centaines d'autres idiomes qui nichent dans sa bibliothèque.

4e de couverture

 

Incipit

 

Alexandre Vialatte a donné de l’homme une définition éternelle autant qu’irréfutable : « Animal à chapeau mou qui attend l’autobus 27 au coin de la rue de la Glacière ». On peut tout aussi bien le concevoir comme le seul être susceptible de poésie, le seul capable de jongler avec les mots dans un but esthétique car le seul à en avoir à sa disposition ; le seul aussi, sans doute, qui sache porter à l’infinie diversité du monde une attention gratuite et bienveillante. Dans ce sens où la poésie est gaîté et se fond dans le rêve, l’humour et la curiosité, le grand Alexandre est indépassable.

[…]

Ce livre invite son lecteur à flâner sur d’autres chemins : il chante un objet poétique injustement négligé, le gérondif. Non pas un gérondif particulier, embarqué dans tel poème de Prévert (« En sortant de l’école, nous avons rencontré… »), d’Apollinaire (« Les vaches y paissant lentement s’empoisonnent ») ou de Rimbaud (« accrochant follement aux herbes ses haillons d’argent »), mais bien le gérondif en son essence, celui qui date de la plus haute antiquité, celui qui est irréfutable — et tout ce qui volète, furète, halète autour de lui : adverbes de manière, concordance des temps, accord du participe passé. En un mot, ce livre chante la poésie de la grammaire. Car il est des êtres dans la vie desquels cet art occupe la place de la lune pour Hugo, de la mer pour Valéry, de Lou pour Guillaume et de Verlaine pour Rimbaud ; enfin, il en est au moins un, et il se trouve que c’est moi.

[…]

Je collectionne les ouvrages de linguistique — j’en possède à ce jour très exactement 1186, concernant 878 langues *.

* Il se parle actuellement environ 6 000 langues.

[…]

Il faut dire que tout cela ne m’empêchait nullement d’être un lycéen, puis un khâgneux fort médiocre en langues, surtout anciennes : en sa probable maison de retraite, le jury de latin au concours de la rue d’Ulm (session 1980) doit encore trembler d’horreur lorsque ma prestation revient hanter ses rêves. C’était du Lucrèce, j’en fis du Onfray.

 

Collectionner les grammaires, les lire, comme les pièces d'un puzzle.

Pour le dernier rang qui bavarde : une grammaire, c'est avant tout du rêve et de la poésie.

 

La langue orale – doit-on rappeler l'enseignement de Socrate ? – est plus intéressante que la langue écrite, souvent plus pauvre et artificielle.

La grammaire peut devenir un jeu et une passion, même si l'on n'est pas linguiste.

 

Voyageons, rêvons, comme les lycéens de Vialatte, en leurs « tristes Hollandes » auvergnates, rêvaient aux seins de la négresse.

Parcourons en croisière les langues et leurs grammaires. Sauriez-vous dire en kalam, une langue papoue de Nouvelle-Guinée orientale : « J'ai vu un animal de ce type » ? On dit : Knm nb nŋnk.

Quand la consonne fait rage...

 

Chaque langue est un archipel, une vision du monde, une représentation dont on peut dresser la carte – et dont on peut fleurer « l'odorante fleur du langage », selon les mots d'Aragon *.

* Aragon, Le Conscrit des cent villages, 1943, in La Diane française, 1944.

 

La diversité des langues est l'une des richesses fondamentales de l'humanité.

 

La lecture d'une grammaire peut constituer un véritable roman policier. Qui diantre est le coupable, l'accusatif ou le génitif ? Parfois le suspense monte, insoutenable, sur plusieurs chapitres : l'accord du verbe avec le complément d'objet direct se fera-t-il jusque dans les subordonnées ? A l'issue d'une haletante démonstration dont la conclusion est que « toutes les voyelles brèves du khalkha sont en réalité des schwas épenthétiques » (les garces !), le lecteur convenablement excité éprouvera une volupté proche de celle du tchékiste démasquant un nid de saboteurs hitléro-trotskystes dans une usine biélorusse en 1937.

 

L’étude des grammaires nous apprend encore que les concepts de droite et gauche sont relatifs (on est toujours à droite ou à gauche de quelque chose) et n’ont rien d’universel : certaines langues possèdent des systèmes d’orientation absolus, comme le taba, langue austronésienne parlée au large d’Almahera, en Indonésie, où l’on distingue « le côté mer » et le « côté de la terre » (les locuteurs du taba habitent les côtes d’une île, laquelle est ronde – il ne s’agit donc pas de points cardinaux). On ne dit pas « Les cigarettes sont à gauche (ou à droite) de la chaise » mais Tabako adia kurusi ni lewe lema, « les cigarettes sont du côté de la terre par rapport à chaise, ou Tabako adiia kurusi ni laema pope, « les cigarettes sont du côté de la mer par rapport à la chaise » : chacune de ces deux phrases veut dire « à droite » ou « à gauche » selon la position du locuteur.

 

Féminin, masculin...

 

Pourquoi diable « un laideron » est-il toujours une femme, et « une sentinelle » presque toujours un homme ?

 

Ecoutez La Bonne Nouvelle, en langue abui, ca 2010 – l'abui est une langue papoue parlée par 16.000 personnes sur l’île d’Alor, en Indonésie.

 

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3 avril 2016 7 03 /04 /avril /2016 00:15
Yannis Xanthoulis, Un Turc dans le jardin – La neige tombait toujours

Yannis Xanthoulis, Un Turc dans le jardin (Γιάννης Ξανθούλης, Ο Τούρκος στον κήπο, Εκδόσεις Καστανιώτη, 2001), traduit du grec par Florence Lozet, Actes Sud, 2005 – Illustration de couverture : Bo Bartlett, Noreaster (détail)

Yannis Xanthoulis, Un Turc dans le jardin – La neige tombait toujours

Né en 1947 à Alexandroupolis, près de la frontière turque, Yannis Xanthoulis vit aujourd'hui à Athènes. Certains de ses nombreux romans, extrêmement populaires en Grèce, sont traduits en plusieurs langues.

Selon l'éditeur

 

Athènes, été 1958. Le jeune Ilias, qui vient de perdre sa mère, s'installe chez son père et sa belle-mère, domestiques à demeure d'une octogénaire d'origine turque. Quand celle-ci rencontre le fils de son jardinier, la vieille dame est étonnée par la prescience qu'il semble avoir de certains détails la concernant, et elle se persuade bientôt qu'il pourra lui permettre d'entrer en contact avec son frère adoré, mort trop tôt. Dans une maison bruissante de mémoire et embaumée de parfums insolites, Ilias devient malgré lui le passeur d'une histoire de sang dont l'épilogue se jouera, quarante ans plus tard, dans une Istanbul transfigurée par la neige.

Si les fantômes s'abritent dans l'ombre de ce roman, c'est pour contraindre les vivants à affronter les renoncements et les impostures sur lesquels se sont construites leurs vies. Car cette métaphore onirique des relations gréco-turques est nourrie d'une réflexion sur la peur de l'autre l'Etat voisin, l'inconnu, l'adulte qu'on devient en grandissant, et sur le destin, sur les héritages inéluctables qu'il faut assumer sous peine de se perdre.

Selon l'éditeur

 

Ce n'était quand même pas un monstre, ce gamin !

 

Héraclès et Vasso vont ensemble.

 

Héraclès est le père d'Ilias. Vasso est la mère de Bella. Ilias a perdu sa mère et Bella a perdu son père : ils sont orphelins.

 

Vasso sent circuler dans la chambre rose de sa patronne comme des traces de l'abîme bienveillant de la religion. Comme une « nausée sacrée ».

 

La vieille dame, Méropé-Justine-Rana, est capricieuse.

 

Mehmet, jeune orphelin recueilli par sa vieille tante Zeynep, serait-il en miroir d'Ilias en un autre temps ?

 

Un jour, Ilias connaît un vomissement hors du naturel, un déluge de mots inconnus à la manière des parolles gelées.

 

Nourritures terrestres, un fil bien connu des lecteurs de Libellus.

 

Ilias commence à avoir faim. Se présente alors une poule au pot, une grosse poularde ramenée du champ voisin, avec salade et fromage.

 

Plus tard... A Constantinople, un festin lui est servi par Kaplanzi, un Turc.

 

La table est mise de roses blanches et jaunes fraîchement cueillies. En entrée, un potage de simples poireaux, une soupe délicieuse accompagnée d'un vin noir dans une carafe en cristal. Suit un mets nomade d'Anatolie : Viande d'agneau, graisse, riz, gros sel, poivre noir et noix muscade, le tout cuit à la braise dans une sorte de puits en terre. La cervelle de l'animal trône, entière, au centre du plat. Les couilles sont broyées dans le riz avec le sel et le poivre.

 

Bon appétit !

 

Le vin est enivrant. On se rafraîchit la bouche, avant le dessert, en mordant un radis ferme et piquant.

On apporte alors le baklava, décoré de feuilles d'or broyées au-dessus de la surface croustillante. Il y eut encore du halva blond avec de la poudre de cannelle et des noisettes grillées. Et de la confiture de roses.

Un café ? Lourd, odorant et bien évidemment turc – servi dans la bibliothèque.

 

Ilias entend la voix d'Ella Fitzgerald, Holy night.

 

Ella Fitzgerald ft Ralph Carmichale & Orchestra, Silent Night, Capitol Records, 1967

 

La neige tombait toujours.

 

Un Kaplanzi peut en cacher un autre.

 

Ilias... Il eut faim subitement quand d'alléchantes odeurs de friands à la viande hachée et aux épinards lui chatouillèrent le nez. Il entra dans un café-restaurant et goûta aux feuilletés que des femmes d'Anatolie, expertes, pétrissaient devant lui en petite tenue, accroupies devant des tables basses recouvertes de farine.

 

Ce roman goûtu taquinant nos papilles décrit un monde chiffré et corrompu, injuste et glacé.

 

Yueyin, une frugale, moins objective que Lou dans sa relation, a aimé l'œuvre « pour sa réinterprétation onirique des Grandes espérances ».

Yannis Xanthoulis, Un Turc dans le jardin – La neige tombait toujours

2016, année grecque, avec Cryssilda et Yueyin !

 

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25 mars 2016 5 25 /03 /mars /2016 01:15
Démosthène Kourtovik, La nostalgie des dragons – D'où vient Ibykos ?

Démosthène Kourtovik, La nostalgie des dragons (Δημοσθένης Κούρτοβικ, Η νοσταλγία τῶν δράκων, Εστία, 2000), traduit du grec par Caroline Nicolas, Actes Sud, 2004

 

Une momie préhistorique disparaît du sous-sol poussiéreux d’un musée athénien. Le professeur Ion Dragonas, conservateur du musée, est pris à partie publiquement, accusé d’incompétence par les uns, soupçonné de complicité avec les ravisseurs par les autres. Pour prouver son innocence, mais surtout pour récupérer un trésor qu’il ne se pardonne pas d’avoir mésestimé, il parcourt l’Europe en compagnie d’Andromaque Koutroubas, jeune commissaire de police chargée de sa surveillance, mais bientôt aussi de sa protection. Car la momie ne reste pas longtemps la seule victime de mort violente.

D’Athènes à Gênes, Copenhague, Berlin, et jusqu’au cœur des Balkans, au fil d’une enquête qui mêle coups de théâtre, rencontres étonnantes et découvertes anthropologiques, le professeur et son acolyte croisent les témoins et acteurs d’un monde en déroute qui a vu s’écrouler ses utopies en même temps que le mur de Berlin. Dans la science ou dans le pouvoir, dans le sexe ou dans la foi, chacun cherche désespérément un sens à donner à sa vie – ou à sa mort.

4e de couverture

Démosthène Kourtovik, La nostalgie des dragons – D'où vient Ibykos ?

Scientifique, critique littéraire, écrivain et traducteur, Démosthène Kourtovik est né en 1948 à Athènes. Il a étudié la biologie à Athènes et à Stuttgart et a terminé en Pologne un doctorat consacré à l’évolution de la sexualité humaine au cours des âges – une matière qu’il a ensuite enseignée à l’université de Crète, en même temps que la sexualité dans l’art. Il est aujourd’hui critique littéraire pour le journal Ta Néa. Il a déjà publié une quinzaine d’ouvrages (romans, recueils de nouvelles, essais, aphorismes, etc.) et traduit un grand nombre de livres de huit langues différentes. Il maîtrise au total une quinzaine de langues. Certains de ses romans ont été traduits en allemand, italien, suédois et danois.

Selon l'éditeur

 

Incipit

 

LE 3 AOÛT, DANS LE TRAIN ZURICH-STUTTGART

 

Au troisième jour de leur voyage, la commissaire Andromaque Koutroubas demanda à son compagnon de route, ou plus exactement son détenu, le professeur Ion Dragonas :

Dites-moi, monsieur le professeur... Pourquoi au juste cette momie est-elle si importante ?

Plaît-il ?

[...]

Plaît-il ?

[...]

Cela dit, savez-vous où a été trouvée la plus ancienne momie humaine ?

En Grèce, n'est-ce pas ?

 

Eh bien, la momie la plus ancienne, tout au moins dans l'Ancien Monde, serait Ötzi, l'homme de la vallée de l'Ötztal, mort congelé dans un glacier.

La momie d'Ibykos, notre chère disparue, est peut-être bien plus ancienne – sept ou huit mille ans.

Ibykos a été assassiné : s'agirait-il du premier meurtre attesté dans l'histoire de l'humanité ?

 

Ion Dragonas reçoit régulièrement une lettre du Centre mondial de la biographie : l'emblème de la Fondation est un serpent rouge qui s'enroule autour d'un cormoran blanc. Première piste, première secte.

 

A Stuttgart, en attendant le train pour Münster, Ion et Andromaque se rendent au restaurant : il choisit des saucisses aux lentilles – il y a des compensations dans le long périple du récit, même si Andromaque n'apprécie pas le goût de son compagnon.

 

Les fidèles de la Lune mère pratiquent le suicide collectif, selon un plan qui représenterait un Z de travers.

Nouvelle piste, autre secte.

 

Peut-être les choses ne sont pas ce qu'elles semblent être.

 

En effet, une troisième secte serait sur la piste de la momie, un chemin jonché de cadavres – on ne s'ennuie pas en voyage.

 

On se rappelle la parole de Tobie.

 

De même, j’enterrais tous ceux que tua Sennakérib. Il faut savoir que, lorsqu’il revint en fuite de Judée, aux jours du jugement que lui infligea le Roi du ciel pour les blasphèmes qu’il avait proférés, Sennakérib tua, dans sa fureur, de nombreux fils d’Israël ; je dérobais leurs corps et je les enterrais ; Sennakérib les chercha et ne les trouva pas.

Tobie, 1, 18

 

Les péripéties se répètent et ça part dans tous les sens : « Plus on en sait, moins on comprend. »

 

D'où vient Ibykos ? Là est l'énigme.

Démosthène Kourtovik, La nostalgie des dragons – D'où vient Ibykos ?

Partons pour les îles.

Démosthène Kourtovik, La nostalgie des dragons – D'où vient Ibykos ?

Ibykos viendrait de Kimolos, un îlot près de Milos dans l'archipel des Cyclades.

Démosthène Kourtovik, La nostalgie des dragons – D'où vient Ibykos ?

La roue tourne !

 

Où se trouve Ibykos ? A Wrocław, c'est bien sûr ! Est-ce bien Ibykos ? C'est peut-être un montage. S'agirait-il d'un complot ?

 

Le mot de la fin. Irina, jeune et néanmoins ancienne amie de Ion Dragonas agonisait dans les métastases. Bonne nouvelle – quoique peu rassurante même si l'anecdote est fréquente –, les médecins se sont mélangé les pinceaux dans les analyses : ses douleurs viennent d'une maladie bénigne, elle est guérie !

 

Rocambolesque ! selon Yueyin qui ne craint pas le fantôme de Pierre Ponson du Terrail : - )

Démosthène Kourtovik, La nostalgie des dragons – D'où vient Ibykos ?

2016, année grecque, avec Cryssilda et Yueyin !

 

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17 mars 2016 4 17 /03 /mars /2016 01:15
Sébastien Lapaque, Les Idées heureuses – l'amour, non la haine

Sébastien Lapaque, Les Idées heureuses, Actes Sud, 1999 – Illustration de couverture : Sir Edward Burne-Jones, La Roue de la Fortune (détail), 1883

Sébastien Lapaque, Les Idées heureuses – l'amour, non la haine

Sébastien Lapaque, © Marc Melki

 

Né à Tübingen, en Allemagne, le 2 février 1971, Sébastien Lapaque est romancier, essayiste et critique au Figaro littéraire. Les Barricades mystérieuses, son premier roman, a paru dans la collection Babel Noir en 1998. Il a ensuite publié Les Idées heureuses, Actes Sud, 1999, prix François Mauriac de l’Académie française. Ecrivain aux curiosités multiples, disant, après Paul Valéry, « J’ai beau faire, tout m’intéresse », il a également publié de nombreuses préfaces, des livres de cuisine avec le chef béarnais Yves Camdeborde – Room Service, Actes Sud, 2006 –, des essais consacrés à la vigne et au vin, un pamphlet contre le président de la République, Il faut qu’il parte, Babel, 2012, un sermon, Sermon de saint François d’Assise aux oiseaux et aux fusées, Stock, 2008, et un journal, Au hasard et souvent, Actes Sud, 2010.

Selon l'éditeur

 

Clara et Philoctète n’ont rien de commun. Quand Philoctète n’aime que la beauté, les livres, la lenteur, l’histoire et… l’amour, quand il revendique son identité de Grec ancien, Clara traverse son époque comme en apesanteur. Harnachée pour la guérilla urbaine, elle est allée au bout de toutes les expériences. Par curiosité, ou par désœuvrement.

Ces deux-là pourtant se sont vus, et se sont reconnus. Sous le masque insupportable du dandy, malgré son intarissable logorrhée et ses grands airs, Clara a su découvrir l’homme et sa sensibilité. Voilà les deux amants en cavale, loin de Paris, loin de ce milieu littéraire des années quatre-vingt-dix qui sert de toile de fond au roman et que Sébastien Lapaque dépeint avec une clairvoyance que n’altère pas la férocité.

Mais l’enjeu de ce roman est ailleurs : maniant avec brio un style affirmé et voyageant en humaniste sur les sentiers d’une éblouissante culture classique, l’écrivain qui a su rester attentif aux intermittences du cœur dit ici avec force que roman et romantisme ne sont pas morts.

4e de couverture

 

Incipit

 

16 avril

Ils partirent avant la fin de la nuit.Depuis trois jours, une pluie glacée tombait sur Paris. Le boulevard Brune, qui baignait dans une lumière bleue, ressemblait à un fleuve. Porte d'Orléans, ils prirent le périphérique en direction de Rouen. Presque seuls à cette heure, ils laissèrent la ville assoupie derrière eux.

Clara conduisait, heureuse, étonnée. A ses côtés, Philoctète se taisait.

 

Lorsque Clara et Philoctète passèrent Chartres, Nougaro chantait Quatre boules de cuir. Cette chanson allait bien avec la confusion de leurs sentiments.

 

C'est un récit en chanson – Nougaro, Brel, Trenet...

 

Philoctète contemplait Clara. Il aimait son joli visage découpé à l'antique. En quelques semaines, elle était devenue son inspiratrice, son héroïne, son Antigone – la déesse Flore peinte par Poussin.

Sébastien Lapaque, Les Idées heureuses – l'amour, non la haine

Nicolas Poussin, Le Triomphe de Flore, ca 1627

 

Philoctète se sent comme dans un monde en apesanteur, également un monde décadent.

 

Nourritures terrestres, un fil de lecture – Sébastien est un fin gourmet.

 

Souvenirs... Avec Eva, nous avons bien déjeuné. Après une assiette de jambon de Parme servie avec des figues, ils avaient mangé d'excellents petits rougets cuits en papillote avec du thym frais, des poivrons, des tomates, de la fleur de sel.

Un château-de-pibarnon 1990, pour le poisson, et des bordeaux au moment du fromage. Enfin, un peu à l'écart, près d'un bouleau minuscule, un café accompagné de grappa.

 

Clara et Philoctète entrent en Ille-et-Vilaine, trente-cinq, département célinien. Elle n'aimait pas Céline. Le premier jour où elle avait vu Philoctète, ils en avaient longtemps parlé. Elle lui avait expliqué sa honte à ne pouvoir lire plus de trente pages de Voyage au bout de la nuit.

Mais pourquoi honte ? avait répondu Philoctète. Tu te laisses facilement impressionner par les profs... Laisse-toi guider par ton plaisir... Lorsqu'un livre te déplaît, jette-le et prends-en un autre.

 

Ils approchaient de Rennes. Ils se promèneraient dans les rues de la vieille ville ; à midi, ils trouveraient un restaurant pour déjeuner ; sur la carte, Philoctète choisirait un vin de Loire qui plairait à Clara.

 

La vie allait devenir simple.

 

Clara songe à son jeune passé, à son amie Zelda. Elles se retrouvent au restaurant : Potage phở, carafe d'eau, le menu rituel de leur déjeuner hebdomadaire.

 

Ils avaient fui, Clara ne savait toujours pas pourquoi.

Sébastien Lapaque, Les Idées heureuses – l'amour, non la haine

Ange au Sourire, cathédrale Notre-Dame de Reims – sculpté entre 1236 et 1245

 

Un ange gardien veille.

 

Un ange ?

Appelle-le comme tu voudras. Un δαίμων, un génie, si tu préfères. Messager des dieux et du destin.

 

Une leçon (de Philoctète pour Clara) : comment produire un best-seller ? Du cul, dans le style de Mme de La Fayette, des traductions dans le monde entier, une adaptation cinématographique, un procès à scandale – la fortune programmée dans la modernité éditoriale.

Sébastien est caustique, il connaît bien le monde et l'histoire... On n'enseigne pas l'histoire de France aux jeunes générations. On leur apprendrait le devoir de révolte.

 

Les fugitifs poursuivent leur route.

 

C'est bête quand on y pense, fit-elle.

Quoi ?

D'être obligé de se raconter des histoires.

Dehors, le soleil ne s'était pas encore levé.

 

Que fuient-ils ?

 

Une belle histoire d'amour. Une fable. Un conteur malicieux.

Sébastien Lapaque, Les Idées heureuses – l'amour, non la haine

2016, année grecque, avec Cryssilda et Yueyin !

 

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13 mars 2016 7 13 /03 /mars /2016 01:15

Mensonge et vérité, un motif qui suit son cours depuis...

 

Un mensonge, naturellement, comme tout le reste.

...

Nous découvrirons bien la vérité.

...

Nous voulons toute la vérité !

...

La vérité finit toujours par triompher.

Philip José Farmer, Le Monde du Fleuve – mensonge et vérité

Philip José Farmer, Le Monde du Fleuve, (To Your Scattered Bodies Go, 1971 – Prix Hugo, 1972), traduit de l'américain par Guy Abadia, Le Livre de poche, 1992 – illustration de couverture : Dessin Manchu

 

At the round earth's imagined corners, blow

Your trumpets, Angels, and arise, arise

From death, you numberless infinities

Of souls, and to your scattered bodies go,

All whom the flood did, and fire shall o'erthrow,

All whom war, dearth, age, agues, tyrannies,

Despair, law, chance, hath slain, and you whose eyes,

Shall behold God, and never taste death's woe.

But let them sleep, Lord, and me mourn a space,

For, if above all these, my sins abound,

'Tis late to ask abundance of thy grace,

When we are there; here on this lowly ground,

Teach me how to repent; for that's as good

As if thou hadst seal'd my pardon, with thy blood.

John Donne, Holy Sonnets, VII

Philip José Farmer, Le Monde du Fleuve – mensonge et vérité

Le jour du grand cri, tous les humains qui avaient jamais vécu se réveillèrent, nus, sur les rives d'un fleuve immense, le Fleuve de l'éternité. Trente ou quarante milliards, issus de toutes les époques et de toutes les cultures, chacun parlant sa langue, chacun ayant sa conception de l'au-delà, et immensément surpris de se retrouver vivants.

Parmi eux, des ressuscités célèbres en leur temps, l'explorateur Richard Burton, Sam Clemens, alias Mark Twain, Jean Sans Terre, Hélène de Troie, Cyrano de Bergerac, Mozart, Ulysse. Et tous les autres.

Tous se demandent qui a construit ce monde impossible, qui les a ramenés à la vie. Et pourquoi ?

Il a fallu le talent immense de Philip José Farmer pour évoquer cet univers picaresque, démesuré, à la dimension du passé et de l'avenir de l'humanité, où se mêlent avec allégresse science-fiction, aventures et histoire authentique.

Le Monde du Fleuve a obtenu le Prix Hugo.

Le cycle du Fleuve de l'éternité, qui compte parmi les chefs-d’œuvre incontestés de la science-fiction, comprend cinq volumes : Le Monde du fleuve (Prix Hugo), Le Bateau fabuleux, Le Noir Dessein, Le Labyrinthe magique, Les Dieux du fleuve.

4e de couverture

 

His wife had held him in her arms as if she could keep death away from him. He had cried out, « My God, I am a dead man ! »

 

Sa femme l’avait tenu dans ses bras comme si cela pouvait empêcher la mort d’approcher. Il s’était écrié : « Mon Dieu, c’est la fin ! »

 

Death, the Destroyer of Delights and the Sunderer of Society, had arrived at last.

Blackness. Nothingness. He did not even know that his heart had given out forever. Nothingness.

 

La Mort, qui détruit les plaisirs et extermine les sociétés, était enfin venue le prendre.

Vide et obscurité. Il ne savait même pas que son cœur avait cessé de battre pour l’éternité. Ténèbres et néant.

 

Richard Francis Burton est mort. Et pourtant il se voit, seul éveillé, flottant dans un espace indéterminé, ni paradis ni enfer, sans terre ni ciel, parmi d'autres corps endormis, tous jeunes, glabres et nus – des millions, des milliards d’êtres humains en suspension.

 

Richard Francis Burton a vu ce qu'il ne devait pas voir.

Philip José Farmer, Le Monde du Fleuve – mensonge et vérité

Vient alors la chute : tous se retrouvent sur une plage d'herbe, dans une vallée, encadrée par de hautes montagnes, où coule le Fleuve.

Philip José Farmer, Le Monde du Fleuve – mensonge et vérité

Lewis Carroll, Alice Liddell as a beggar girl, 1858

 

En compagnie d'Alice Pleasance Liddell Hargreaves, de Hermann Goering, de Monat Grrautut, le Tau Cetien, venu d'un satellite de l’étoile Tau Ceti, de Peter Jairus Frigate (PJF, comme Philip José Farmer), de Kazz, un Néandertalien, de John Collop et de bien d'autres, Richard Francis Burton, le voyageur, l'explorateur, l'aventurier, entreprend de remonter aux sources du Fleuve à la quête de la vérité.

 

Son premier voyage était passé par ce qu’il appelait « la voie suicide express »

La noyade permettait de ressusciter en un autre lieu de la vallée. Il était sans cesse en mouvement, sans cesse en train de sauter d’un point du Fleuve à un autre.

 

Un beau jour, il s’avisa qu’il devait détenir une espèce de record. La mort était devenue sa seconde nature. Si ses calculs étaient exacts, il venait d’utiliser la « voie suicide express » pour la sept cent soixante-seizième fois !

 

Sept ans après son premier suicide, enfin, il atteignit pour la seconde fois la région du pôle Nord.

C’était son sept cent soixante-dix-septième « saut ».

 

Avec ses compagnons, il construit un bateau de fortune, Le Hadji, en vue d'un pélerinage – non pas à La Mecque, mais à la source.

 

L'aventure commence entre guerres et amours – le monde du Fleuve, dans sa diversité, ressemble à l'ancien monde.

 

Et Dieu dans tout ça ? Peut-être se nomme-t-il Ethique ? Richard Francis Burton s'est peut-être réveillé trop tôt avant la chute grâce au secours d'un Mystérieux Inconnu, l'un des Ethiques, bon ange ou traître démon.

 

Quel est le plan des Ethiques ?

 

Que comptes-tu faire, Richard ? demanda Frigate.

J’ai l’intention de construire un bateau pour remonter le Fleuve. Jusqu’au bout ! Veux-tu m’accompagner ?

 

Un chef-d'œuvre, doit-on le dire ?

 

* * *

 

Le Fleuve de l'éternité.

 

Le Bateau fabuleux, The Fabulous Riverboat, 1971.

Où l'on suit la construction d'un navire de fer et d'acier provenant d'une météorite dirigée volontairement sur la planète par un Ethique « renégat », le Grand Inconnu, qui ne veut pas voir se réaliser le noir dessein des autres Ethiques.

La construction du bateau est contrariée par les guerres et autres stratégies de conquête du pouvoir dans un petit monde à échelle humaine, trop humaine.

 

- - -

 

Le Noir Dessein, The Dark Design, 1977.

Pour remonter à la source, à la vérité, les compagnons en quête du Graal construisent deux dirigeables. Le récit explore des questions politiques et métaphysiques.

 

- - -

 

Le Labyrinthe magique, The Magic Labyrinth, 1980.

L'aventure se poursuit dans la remontée du fleuve par Le Bateau libre de Sam Clemens à la poursuite de Jean sans Terre à bord du Rex. Scènes d'action et réflexion sur le sens de la vie et de la résurrection.

 

- - -

 

Les Dieux du fleuve, Gods of Riverworld, 1983.

L'homme peut-il devenir un Dieu ?

Quelques Lazares parviennent au sommet de la Tour qui domine le Fleuve et se retrouvent investis de pouvoirs divins.

Parmi ces Lazares, on retrouve Richard Francis Burton, l'explorateur, Alice Liddell, la petite Alice de Lewis Caroll, Peter Jairus Frigate, alias Philip José Farmer.

Philip José Farmer, Le Monde du Fleuve – mensonge et vérité

Défi Science-Fiction, Fantasy, Fantastique & Diversité, avec Lhisbei et Yueyin.

Une lecture commune est prévue en ce jour avec Yueyin.

 

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9 mars 2016 3 09 /03 /mars /2016 01:15
Christos Chryssopoulos, La Destruction du Parthénon – ruines et décombres

Christos Chryssopoulos, La Destruction du Parthénon (Χρήστος Χρυσόπουλος, Ο βομβιστής του Παρθενώνα, Εκδόσεις Καστανιώτη, 2010), roman traduit du grec par Anne-Laure Brisac, Actes Sud, 2012 – Illustration de couverture : © Kamil Vojnar / Trevillion images

 

« Il faut faire sauter l’Acropole ! » – tel était l’appel lancé en 1944 par le cercle surréaliste Les Annonciateurs du chaos. Soixante ans plus tard, un jeune homme vient de passer à l’acte. Le Parthénon a été pulvérisé, la ville est orpheline. Est-elle encore elle-même ?

Tous les regards sont tournés vers la colline vide embrumée de fumée et de poussière. Plusieurs voix résonnent, faisant entendre leur consternation, leur indifférence, leur fanatisme. Quel mobile, quelle punition, pour cet acte inqualifiable ? Quel avenir, pour le pays amputé ?

La Destruction du Parthénon est un objet littéraire singulier, qui ouvre des champs de réflexion sur l’art et la ville, sur l’histoire et l’identité, sur la justice et le sacré. Et qui propose à la Grèce contemporaine une voie plus métaphorique qu’iconoclaste pour aller de l’avant.

4e de couverture

Christos Chryssopoulos, La Destruction du Parthénon – ruines et décombres

Romancier, essayiste et traducteur, né en 1968, Christos Chryssopoulos est l’auteur d'une douzaine d'ouvrages. Il est en Grèce l’un des écrivains les plus prolifiques et les plus originaux de sa génération. Ses livres, traduits en cinq langues, ont été distingués par des prix en Europe et aux Etats-Unis. Lauréat du prix de l’Académie d’Athènes en 2008, il enseigne au Centre national du livre grec et publie régulièrement des articles de critique et de théorie littéraire. Membre du Parlement culturel européen (ECP), il a fondé et dirige le festival littéraire Dasein, qui réunit tous les ans à Athènes écrivains et artistes de la scène internationale.

Pour ses romans parus chez Actes Sud, Christos Chryssopoulos a participé à de nombreuses manifestations littéraires en France, notamment le festival des littératures européennes de Cognac, le festival Est-Ouest de Die, le festival Etonnants Voyageurs de Saint-Malo, le festival Passa Porta de Bruxelles, le festival Ecrivains en bord de mer à La Baule...

Selon l'éditeur

Christos Chryssopoulos, La Destruction du Parthénon – ruines et décombres

La colline qui surplombe la ville est orpheline.

 

A l'endroit où se dressait notre édifice le plus représentatif, le plus précieux, s'étendent aujourd'hui le ciel vide et un spectacle désolant de ruines et de décombres.

 

La catastrophe a surgi presque silencieusement. En ville, l'immobilité est devenue totale, le temps s'est arrêté.

Les médias, l'évêché, la police se sont agités. Le criminel a été retrouvé. Il s'appelle Ch. K. […], c'est un jeune marginal de vingt et un an, sans emploi.

 

Témoignages recueillis le jour même

 

« Il vit seul, on ne le voit pas souvent. Il ne vit pas comme tout le monde. Il parle peu. »

« Je ne vois pas du tout de qui vous parlez. »

« L'homme sur lequel vous enquêtez n'existe pas. »

« Je ne me souviens pas. »

« Il aime les rêves extraordinaires. Il y a quelque chose d'héroïque en lui. Il parle de façon romantique. »

« Laissez-le tranquille. »

 

Probable monologue de Ch. K., auteur des faits

 

Nul idéal, nulle préméditation, juste le plaisir de créer un événement à la Une des journaux, l'acte dont tout le monde parle.

Etre le maître en ce monde terne où plus personne ne s'étonne.

Il faut faire sauter l'Acropole !

Yorgos V. Markaris, le poète, l'auteur de cette proclamation, tenait que le culte des ancêtres était responsable de la déchéance intellectuelle et idéologique de la Grèce.

 

Un « Nouveau Parthénon » est en construction.

 

Curieux récit en mosaïque : fragments de témoignages... Une fiction ? L'événement a-t-il eu lieu autrement qu'en l'ordre de la métaphore ? Ch. K., auteur des faits ne serait-il pas l'auteur du récit ?

Une brillante démonstration d'écriture.

Stimulant ! nous dit Yueyin.

Christos Chryssopoulos, La Destruction du Parthénon – ruines et décombres

2016, année grecque, avec Cryssilda et Yueyin !

 

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29 février 2016 1 29 /02 /février /2016 01:15
Sophocle, Antigone – l'amour et la haine

Sophocle, Antigone (Ἀντιγόνη, 441 av. J.-C.), traduction de Paul Mazon (sauf citations infra), Editions des Belles Lettres, Le Livre de Poche, 1991 – Couverture : Détail d'un cratère du IVe siècle av. J.-C.

Antigone appartient au cycle des pièces thébaines, avec Œdipe roi et Œdipe à Colone, décrivant le sort tragique d'Œdipe (roi de Thèbes) et de ses descendants. Dans l'économie du cycle, Antigone est la dernière pièce, mais elle a été écrite avant les autres.

Sophocle, Antigone – l'amour et la haine

Sophocle, Σοφοκλῆς, né à Colone en 495 av. J.-C., mort en 406 av. J.-C., est l'un des trois grands dramaturges grecs, avec Eschyle et Euripide, dont l'œuvre nous est parvenue, au moins en partie. Il met en scène des personnages exclus dans leur solitude insurgée – Ajax, Antigone, Œdipe, Electre. Les dieux n'interviennent, sur un mode de l'ironie tragique, que pour tromper les hommes.

 

Antigone annonce à sa sœur Ismène son intention de transgresser l'interdit du roi Créon afin d'enterrer justement leur frère Polynice, tué par son autre frère Étéocle lors d'un combat où chacun voulait la mort de l'autre pour devenir roi de Thèbes et où chacun d'eux perdit la vie. Antigone risque la mort. Tout en reconnaissant la justesse du geste, Ismène refuse de la suivre contre la loi.

Créon présente au chœur des anciens sa philosophie politique : le νόμος gouverne.

Le Garde vient informer le roi de la violation de son décret.

Créon, le soupçonnant de complicité, lui ordonne de ramener le coupable s'il veut s'innocenter.

Antigone est condamnée, malgré l'intervention de son fiancé Hémon, fils de Créon.

Antigone, Hémon et Eurydice sa mère se donnent la mort. Un entêtement de Créon ou plutôt une démesure (ὕβρις) qui force le destin à la vengeance.

 

Ἀντιγόνη

 

ὦ κοινὸν αὐτάδελφον Ἰσμήνης κάρα,

ἆρ᾽ οἶσθ᾽ ὅ τι Ζεὺς τῶν ἀπ᾽ Οἰδίπου κακῶν

ὁποῖον οὐχὶ νῷν ἔτι ζώσαιν τελεῖ;

οὐδὲν γὰρ οὔτ᾽ ἀλγεινὸν οὔτ᾽ ἄτης ἄτερ

οὔτ᾽ αἰσχρὸν οὔτ᾽ ἄτιμόν ἐσθ᾽, ὁποῖον οὐ

τῶν σῶν τε κἀμῶν οὐκ ὄπωπ᾽ ἐγὼ κακῶν.

καὶ νῦν τί τοῦτ᾽ αὖ φασι πανδήμῳ πόλει

κήρυγμα θεῖναι τὸν στρατηγὸν ἀρτίως;

ἔχεις τι κεἰσήκουσας; ἤ σε λανθάνει

πρὸς τοὺς φίλους στείχοντα τῶν ἐχθρῶν κακά;

 

Antigone

 

Ismène, ma sœurette, quels tourments Dieu ne nous fait-il pas endurer en cette vie depuis les crimes de notre père Œdipe. J'ai vu la cruauté, l'amertume, la honte, l'ignominie nous affliger, toi et moi. Et maintenant, le Prince de la ville s'en prend à nos amis, ne le sais-tu pas ? Ou vraiment ignores-tu que le malheur est en marche et que ceux qui nous haïssent visent ceux que nous aimons ?

 

Le malheur est inscrit dans le destin au principe de la tragédie.

L'amour et la haine tissent l'histoire.

 

Antigone

 

Au rebelle, il prescrit la mort, la lapidation dans la cité.

 

La pierre meurtrière, le σκάνδαλον, le scandale : la pierre placée sur le chemin pour faire trébucher le voyageur, la pierre posée sur la tombe pour empêcher la victime d'en sortir et de venir crier justice.

 

Antigone est une rebelle.

 

Ismène

 

De fait, je cède à la force, j'obéis au pouvoir établi. Les gestes vains sont une sottise.

[…]

Je ne peux agir contre la cité.

 

Ismène se soumet à la loi, le principe, la règle : νόμος.

 

* * *

 

Généalogie

Sophocle, Antigone – l'amour et la haine

* * *

 

Œuvres inspirées

 

Camille Saint-Saëns, Antigone, musique de scène, 1893

Jean Cocteau, Antigone, théâtre, 1922

Jean Anouilh, Antigone, théâtre, 1944

Bertolt Brecht, Antigone, théâtre, 1948

Yórgos Tzavéllas, Antigone, film, 1961

Liliana Cavani, Les Cannibales, film, 1970

Henri Bauchau, Antigone, roman, 1997

Sophocle, Antigone – l'amour et la haine

Jean Anouilh, Antigone, Editions de La Table Ronde, 1946

 

Décor

Un décor neutre. Trois portes semblables. Au lever du rideau, tous les personnages sont en scène. Ils bavardent, tricotent, jouent aux cartes.

 

Le Prologue se détache et s’avance.

 

Le prologue

Voilà. Ces personnages vont vous jouer l'histoire d’Antigone. Antigone, c’est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu'elle va être Antigone tout à l'heure, qu'elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir quelle joue son rôle jusqu'au bout... Et, depuis que ce rideau s'est levé, elle sent qu'elle s’éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n’avons pas à mourir ce soir.

 

Anouilh annonce franchement la tragédie : elle va mourir.

Sophocle, Antigone – l'amour et la haine

2016, année grecque, avec Cryssilda et Yueyin !

 

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